Eloigné des courts la majeure partie de la saison 2014 après une opération au poignet, Juan Martin Del Potro rêve de retrouver le plus haut niveau. A la lumière de l’histoire du tennis, cet objectif est-il atteignable ?
Lorsqu’il remporte l’US Open en 2009, dominant en finale le maître Federer, Juan Martin Del Potro n’a pas 21 ans et tout l’avenir devant lui. A l’époque, c’est évident : l’Argentin est à l’aube d’une grande carrière et d’autres tournois majeurs vont forcément venir garnir son palmarès. Il aurait dû titiller les Federer, Djokovic, Nadal ou Murray. Il aurait pu, sans cette fichue fragilité aux poignets, qui va le gêner pendant les saisons suivantes et le contraindre à passer deux fois sur le billard, en 2010 puis de nouveau l’an dernier, le contraignant cette fois à un éloignement forcé des courts pendant près d’un an. Del Potro file aujourd’hui vers ses 27 ans et doit repartir de zéro ou presque, avec un classement ATP au-delà du top 500. Il croit néanmoins dur comme fer à un come-back et possède toujours le talent pour parvenir à un retour au plus haut niveau, comme il l’a montré par intermittence lors des quelques matchs auxquels il a participés depuis le début de l’année. Est-ce néanmoins envisageable de retrouver le « Del Po » de 2009 et 2010, celui qui s’était hissé jusqu’au quatrième rang mondial ? S’il est difficile de jouer les devins, il est possible en revanche de donner des éléments de réponse par les cas similaires, nombreux dans l’histoire du tennis, ne serait-ce qu’en remontant sur les dernières décennies.
Ils ont réussi leur retour
L’exemple qui revient le plus souvent s’agissant des retours réussis au top niveau après de gros pépins physiques, c’est celui de Thomas Muster. En 1989, l’Autrichien est fauché par une voiture et gravement blessé au genou. Tous les observateurs pensent que la prometteuse carrière du gamin de 21 ans a du plomb dans l’aile, mais Muster revient à la compétition quelques mois plus tard, plus fort encore qu’avant. Il devient « Musterminator », une machine à broyer ses adversaires et à gagner des titres, dont le plus prestigieux, Roland-Garros en 1995. Parmi les autres exemples, il faut aussi se souvenir qu’en cette même année 1995, Michael Stich avait subi une horrible blessure à la cheville, en plein match face à Woodbridge à Vienne. Blessure qui avait certes donné un coup de frein à la carrière de l’Allemand mais qui ne l’avait pas empêché de réaliser un joli retour l’année suivante en se hissant jusqu’en finale des Internationaux de Paris…
A noter aussi le come-back réussi par Mark Philippoussis, finaliste de deux tournois du Grand Chelem à cinq ans d’intervalle, l’US Open en 1998 puis Wimbledon en 2003, avec trois opérations du genou entre ces deux performances. Que dire aussi de l’inespérée victoire de Goran Ivanisevic à Wimbledon en 2001, trois ans après son dernier titre sur le circuit et alors que tout le monde pensait le Croate définitivement hors jeu avec une épaule en vrac… Rappelons également que la carrière chez les pros de Jo-Wilfried Tsonga a été gâchée par les ennuis physiques, ce qui ne l’a pas empêché par la suite de se hisser parmi les meilleurs. Enfin, il faut souligner la capacité phénoménale de Rafael Nadal à revenir chaque fois au plus haut niveau malgré de nombreuses blessures (au dos surtout), adaptant son jeu pour compenser et continuer à gagner, notamment dans son jardin ocre de Roland-Garros.
Ils ne s’en sont jamais remis
Les cas de champions qui ne sont pas parvenus à retrouver leur niveau d’avant blessure sont eux aussi, et malheureusement, nombreux. Sans forcément remonter au cas Pat Cash dans les années 80, les grands talents terrassés par les allers et retours à l’infirmerie sont légions les deux décennies suivantes. Il y a par exemple eu Marcelo Rios, qui aurait pu avoir une plus belle carrière encore que celle qu’il a eue sans un physique fragile. Déception aussi pour Magnus Norman, Lleyton Hewitt, Marat Safin ou, dans le cas des Français, les Escudé, Di Pasquale, Golmard et plus récemment Paul-Henri Mathieu, pour qui la quête d’un hypothétique retour au premier plan est belle mais vaine. Le tennis suédois a également souffert, avec d’abord Thomas Johansson, à la brillante carrière stoppée brutalement en 2003 à cause d’un problème au genou, puis son homonyme Joachim Johansson, qui a carrément dû quitter prématurément le circuit en 2008 à même pas 26 ans, trois ans après avoir intégré le top 10 mondial, la faute à de multiples blessures… Cas sensiblement similaire et plus connu : Gustavo Kuerten, qui n’a jamais pu se remettre de graves problèmes de hanches. Elles l’ont contraint lui aussi à une retraite anticipée, à même pas 30 ans….
De quoi espérer
En s’en tenant au simple décompte des blessés qui ont réussi leur come-back et ceux qui ne s’en sont jamais vraiment remis, il n’y a pas de quoi se montrer optimiste concernant l’actuel retour à la compétition de Del Potro. L’histoire semble montrer que s’il est possible de revenir au plus haut niveau après une seule sérieuse blessure (Muster et Stich par exemple), les problèmes physiques qui s’accumulent, comme c’est le cas pour Del Potro, finissent par user le corps mais aussi la tête… Au final, l’Argentin doit tout de même garder espoir et peut s’inspirer de deux joueurs actuellement sur le circuit. Le premier se nomme Tommy Haas, revenu en force et sur le tard à un niveau très intéressant, malgré de nombreux éloignements forcés par le passé. Le cas du vétéran allemand est encourageant car il montre qu’il n’est jamais trop tard pour briller. Pour Del Potro et ses 26 ans, c’est plutôt une bonne nouvelle…
L’autre source d’inspiration se nomme Rafael Nadal. L’Espagnol est la preuve qu’avec un mental d’acier, on peut compenser un physique récalcitrant. Il est la preuve aussi des progrès de la médecine ces dernières années. Certaines blessures fatales il y a encore peu ne le sont plus forcément aujourd’hui. D’ailleurs, Andy Murray parvient également à durer parmi les meilleurs mondiaux alors qu’il a connu, lui aussi, une succession de blessures. A Del Potro de s’inspirer de ces exemple et d’avoir foi en lui. Et en ses poignets !