Top 5 : vainqueurs exotiques à Barcelone

22 avr. 2015 à 14:59:29

Top 5 : vainqueurs exotiques à Barcelone
Barcelone est à la terre ce que le Queen’s est au gazon : un tournoi mythique avec son lot de vainqueurs inattendus. Top 5.

Le Godo de Barcelone est à la terre ce que le Queen’s est au gazon : un tournoi mythique, dont seules les infrastructures non extensibles du club hôte ont empêché la promotion au rang de Masters 1000. Depuis 1953, il a couronné les plus grands noms du jeu de terre : Trabert, Santana, Emerson, Nastase, Borg, Lendl, Wilander, Muster, Nadal… Et puis, au milieu de ce cortège de vainqueurs de Roland-Garros, on trouve une poignée de lauréats… exotiques. Top 5.

 

Neale Fraser (1959)

Un géant du jeu… de gazon. Double vainqueur de l’US Open, champion de Wimbledon et triple finaliste de l’Open d’Australie, à chaque fois sur herbe, Neale Fraser, pur représentant de l’école du service-volée, a en revanche brillé par sa discrétion en simple sur terre battue. Deux performances notables à son actif : une finale à Rome en 1959, et surtout un triomphe à Barcelone cette même année. En demi-finales, le gaucher australien a toutes les peines du monde à se débarrasser d’un jeune joueur local accrocheur, Manolo Santana (8/6 6/4 10/12 6/1). Il ne part évidemment pas favori en finale contre Roy Emerson. Seulement, le match ne va pas se jouer sur terre : il pleut des trombes au-dessus de Barcelone, et les organisateurs doivent se replier en salle, au palais des sports municipal… sur parquet. Et là, sur une surface aussi rapide, Neale Fraser peut traiter d’égal à égal avec son compatriote : il déroule son jeu d’attaque et s’impose en quatre sets. Ce triomphe d’un herbivore sur la terre catalane est tellement inattendu que le quotidien El mundo deportivo s’emmêle les pinceaux dans l’orthographe de son prénom et titre le lendemain « Nearl Fraser, vainqueur. »

 

Thierry Tulasne (1985)

Pur terrien, Thierry Tulasne l’était, assurément. L’un des plus beaux spécimens que le tennis français ait produit, même. Mais sa couronne de Barcelone, en 1985, brille d’un tout autre éclat que celles conquises ailleurs, à Bologne, Palerme ou Bastad. D’abord parce qu’aucune de ces épreuves ne possède la renommée du Godo. Ensuite parce qu’après avoir écarté Anders Järryd et Henri Leconte, Tulasne se permet de battre Mats Wilander en finale, en cinq sets, remontant un 6/0 initial pour mieux en asséner un au Suédois dans la dernière ligne droite (0/6 6/2 3/6 6/4 6/0). Il prive ainsi Wilander, triple tenant du titre, d’un quadruplé alors inédit dans l’histoire du tournoi, et que seul Rafael Nadal a pu réaliser par la suite. Pas étonnant dès lors que Tulasne considère cette performance comme « la plus belle de mes victoires. Je gagne un tournoi d’envergure en battant le gars qui est sans doute le n°1 du moment sur terre battue, et je gagne en cinq sets alors qu’il est justement connu pour être ‘increvable’. Vraiment le plus grand moment individuel de ma carrière. »

 

Richard Krajicek (1994)

Le champion de Wimbledon 1996, comptant parmi les plus brillants attaquants de sa génération, n’a gagné qu’un seul titre sur terre battue dans sa carrière. Mais quel titre ! Quand il atterrit à Barcelone en ce mois d’avril 1994, « Kraji » est pourtant loin d’avoir une bonne tête de vainqueur : il dispute son tout premier tournoi de l’année, de retour après une double tendinite – une à chaque genou, son talon d’Achille à lui. Mais sur le court, il aligne : du croco typique de fond de court (Fabrice Santoro, qui ne deviendra « Magic Fab » que quelques années plus tard, au prix d’une révolution profonde de son jeu), de la vieille gloire en fin de parcours (Andrei Chesnokov) et surtout du champion en titre de Roland-Garros, Sergi Bruguera, maltraité en quarts de finale (7/5 6/3). Le dimanche, un autre Espagnol, Carlos Costa, fait les frais de ce retour tonitruant. Le Hollandais volant a touché terre, et il en est le premier étonné : « Au départ, je venais ici seulement pour tester mes genoux et ma condition physique. Je n’en attendais pas beaucoup plus. » Avant d’ajouter : « Je devrais me blesser plus souvent ! »

 

Todd Martin (1998)

Todd Martin n’a gagné ni Grand chelem (deux finales, à l’Open d’Australie 1994 et l’US Open 1999), ni même de Masters 1000 (une finale au Canada en 1993, une autre à la Coupe du Grand Chelem en 1995) mais il compte deux trophées prestigieux s’il en est parmi les huit à son palmarès : le Queen’s (en 1994) et, de manière plus surprenante, Barcelone. Quand il s’y présente en 1998, le mimétisme avec Krajicek quatre ans plus tôt est flagrant : lui aussi a manqué une demi-saison entière suite à une blessure… et lui aussi profite d’une météo proche de la canicule pour embraser le tableau catalan. « Les conditions de jeu étaient géniales pour un attaquant, se souvient-il : il faisait plus chaud qu’à l’habitude et la balle allait super vite. J’avais l’impression que chaque service ou chaque volée allait transpercer le gars sur la ligne de fond en face ! » Carlos Costa passe encore à la casserole de l’attaquant tout feu, tout flamme, tout comme Thomas Muster et, en finale, Alberto Berasategui, le seul à prendre un set à Martin de toute la semaine. Avant lui, il fallait remonter quarante-et-un ans en arrière pour trouver trace d’un Américain au palmarès (Herbert Flam, 1957). Et depuis ? Depuis, Todd Martin attend toujours son successeur.

 

Kei Nishikori (2014)

Drôle de millésime que le Godo 2014 : Rafael Nadal disparaît en quarts contre Nicolas Almagro, lequel ne l’avait jamais battu… et ne survit pas à son exploit puisqu’il s’incline ensuite, blessé au pied, face à Santiago Giraldo. Quant à David Ferrer, maudit du palmarès catalan – quatre finales et autant de défaites contre Nadal – il n’est même pas en mesure de profiter de l’ouverture puisqu’il est passé à la trappe un tour plus tôt contre Teimuraz Gabashvili. Opportuniste, Kei Nishikori saute sur l’occasion et se (re)découvre des talents de terrien qu’il confirmera ensuite à Madrid : « J’étais bon sur terre quand j’étais petit, jusqu’à environ 14 ans, souligne-t-il. J’avais gagné pas mal de tournois en Europe. Après c’est devenu plus compliqué et j’ai maintenant de meilleures sensations sur dur, mais en tout cas je n’ai pas de raison d’avoir peur de jouer sur terre. » Au point qu’il s’en va croquer les têtes de série de sa moitié de tableau, Marin Cilic et Ernests Gulbis, puis gobe l’inattendu Giraldo en finale. Premier Japonais à soulever un trophée sur terre battue européenne, il met fin par la même occasion à onze années de domination espagnole au palmarès.

 

Par Guillaume Willecoq

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