Grand espoir du tennis mondial à la fin des années 70, huit fois champion de Belgique, Bernard Boileau a vu son ascension vers le très haut niveau stoppée par l’héroïne et l’alcool. Une histoire belge en forme de « rise and fall » pour un gamin issu d’un milieu populaire qui n’a pas su gérer son entrée précoce dans le grand monde de la balle jaune.
« Bernard possède le plus beau revers du circuit. En Europe, il est l’un de mes adversaires principaux. » Le commentaire est signé Yannick Noah. A l’époque, la fin des années 70, une nouvelle génération de grands espoirs du tennis émerge sur le vieux continent et c’est un échalas belge qui domine son monde : un certain Bernard Boileau, qui gagne ses duels face à un Noah admiratif mais aussi face au jeune Ivan Lendl. Toujours avec un incroyable sentiment de facilité. Sans même s’infliger les entraînements intensifs de ses adversaires, le natif de Liège enchaîne les victoires avec une palette complète de coups et une grande intelligence dans ses choix, prenant un malin plaisir à piéger son vis-à-vis. Boileau le flamboyant assure le spectacle pour un public énamouré – surtout l’audience féminine, le champion étant qui plus est beau garçon… – et finit par agacer une partie de la concurrence, jalouse de ce talent brut hors norme. Né en 1959 dans un milieu très modeste, il est débauché à 17 ans par le plus prestigieux institut tennistique de Belgique : le Léopold Club d’Uccle, en banlieue de Bruxelles. Sa vie prend alors une autre dimension, pour le meilleur et pour le pire.
Quatre participations à Roland-Garros, un titre ATP en double
Le meilleur, ce sont les titres qui s’accumulent. A 19 ans en 1978, il est sacré une première fois champion de Belgique senior. Jusqu’en 1985, il enrichira son palmarès de sept nouveaux titres nationaux en simple, sans compter les nombreuses victoires en double et double mixte. Boileau découvre aussi le circuit international, participant quatre fois au tableau principal de Roland-Garros et trois fois à Wimbledon, sans compter les tournois mineurs où il réussit quelques belles performances pour se hisser jusqu’au 42e rang mondial en 1983. Cette saison-là, il remporte d’ailleurs aussi son seul titre ATP : l’open de Nice en double avec le Tchécoslovaque Libor Pimek. Une année 1983 en forme de climax pour un champion à la vie déjà pas mal dissolue en dehors des circuits et qui va franchement partir en vrille à partir de ce moment. Car l’arrivée de Bernard Boileau dans le grand monde du tennis belge puis mondial a aussi son côté sombre. Privé de cadres et de repères dans cette nouvelle vie loin de ses origines ouvrières, le jeune homme profite à fond de sa gloire naissante, de l’argent facile et de son physique hypnotique. Tous les soirs, il sort et se consume, réussissant par son seul talent à compenser une hygiène de vie peu raccord avec le haut niveau.
Un shoot quotidien, sauf les veilles de match
Lors d’un camp d’entraînement en Floride, Boileau découvre d’abord la marijuana, puis un « ami » lui propose de tester l’héroïne. Une première prise fatale pour un homme déjà pas mal fragilisé mentalement. Dès 1983, le Liégeois devient accro et se shoote tous les trois jours au minimum, parfois quotidiennement, jamais en tournoi néanmoins comme il s’est toujours défendu, même s’il reconnaît aujourd’hui volontiers sa dépendance, comme lors de cette interview donné au quotidien belge La Dernière Heure en 2007 : « Si un jour j'ai glissé vers les paradis artificiels, c'est parce que je n'ai jamais eu l'entourage adéquat. Du jour au lendemain, grâce à mon talent de joueur de tennis et aux bons résultats que j'obtenais, je me suis vu traiter comme un prince avec des liasses de gros billets dans les poches alors que je provenais d'un milieu très modeste où mon argent de poche était dérisoire comme somme. Tout cela vous rend vulnérable. » Malgré l’emprise de la drogue et les ravages qu’elle produit sur sa santé mentale autant que physique, Boileau remporte deux derniers titres de champion de Belgique en 1984 et 1985.
Trois mois de prison et la main tendue de Yannick Noah
Son jeu se dégrade ensuite, au point de devoir ranger les raquettes en 1988, à même pas 29 ans. S’il parvient à décrocher de l’héroïne, il compense par une prise massive d’alcool. En 1990, l’ancien champion se retrouve condamné à 3 ans de prison dont 6 mois ferme pour vol avec violence. Il purgera finalement 3 mois. Yannick Noah, son ancien adversaire, lui donne alors un coup de main en lui confiant la branche belge de « Fête le mur », son association en faveur de la pratique du tennis dans les quartiers défavorisés. A nouveau jugé en 2000, pour outrage à huissier cette fois, Boileau aurait aujourd’hui retrouvé une certaine stabilité dans sa vie, loin de la gloire et des excès de ses jeunes années. Au moins a-t-il faite sienne la fameuse expression : brûler la chandelle par les deux bouts.