Débuté lundi, l’ATP Masters 1000 de Miami ne marque pas seulement la fin de la saison sur dur et le début de celle sut terre battue, mais également les dix ans de la première percée de Rafael Nadal dans le gotha mondial. Un tournoi où ce grand espoir, classé 31ème mondial, ira jusqu’à mener 2 sets à 0 contre Roger Federer en finale. Avant de s’incliner. Mais d’enfin prouver au monde la pleine mesure du phénomène.
Chez les bookmakers anglais, sa cote est au plus bas. Fin mars 2005, quelques jours avant le début du tournoi de Miami, Rafael Nadal est donné vainqueur du prochain Grand Chelem de Roland-Garros à 33 contre 1. Début avril, la note a déjà fondu de deux tiers. La raison ? L’Espagnol est passé tout près de remporter son premier Masters Series en Floride. En finale, il s’est incliné en cinq sets face à Roger Federer, déjà numéro un mondial. Anecdotique. Au passage, le monde a découvert le talent, la puissance et le mental d’une pépite repérée lorsqu’elle a passé le premier tour du tournoi ATP de Majorque, chez elle, à 15 ans et 10 mois. Trois ans et trente-cinq tournois plus tard, cette dernière pointe à la 31ème place du classement. Seulement ? Une progression constante mais freinée par une série de blessures. « C’est un super joueur. Son avenir ? Oh non, s’il vous plaît, je ne préfère même pas imaginer la progression de ce gars-là ! », notera Federer, préférant savourer sa titre. Le Suisse a raison. Il aura tout le temps par la suite de s’épancher sur le jeu de celui qui allait devenir son principal rival. Pis, celui qui allait l’empêcher d’amasser les tournois majeurs jusqu’à plus soif, de tout rafler en roue libre. Et de jouer le despote absolu.
« Rafa n’en mettait pas une dedans »
18 ans et neuf mois. C’est l’âge de Rafael Nadal quand il débarque sous le soleil de Floride, sans aucune préparation préalable sur surface dure. Après la tournée sud-américaine du début de saison 2005, Nadal choppe une grippe et rentre à Majorque pour s’entraîner sur terre battue. « Il n’y a pas de court en dur là-bas. J’ai joué une fois avec mon oncle Toni, et une fois avec mon autre oncle, Miguel Angel, ancien défenseur du Barça dans les années 90 », explique-t-il. À cette période, Roger Federer est encore seul au monde : Andre Agassi ressent le poids de l’âge, Lleyton Hewitt et Andy Roddick ne lui font pas mal. Quant au génie de Marat Safin, qui l’a battu en demi-finale à Melbourne, il est bien trop irrégulier pour contrecarrer ses plans de carrière. Quid du petit Marjorquin ? « Lors des premiers entraînements à Miami, où nous sommes arrivés deux jours avant le tournoi, Rafa n’en mettait pas une dedans », explique Toni Nadal, son entraîneur de toujours. Pour Federer, la route vers la victoire semble donc toute tracée. Jusqu’en finale, où les choses ne vont pas débuter comme prévues. Tétanisé, presque complexé, le natif de Bâle commet 24 fautes directes dans les 9 premiers jeux. De son côté, Nadal, tête de série numéro 29 et auteur d’un parcours irréprochable avec un seul set concédé contre Ljubicic en 1/8ème de finale, fait de la résistance. « En 2005, il basait tout sur son coup droit et sa défense. Il courait énormément pour gagner un point. Il frappe tellement mieux la balle aujourd’hui », se souvient Toni Nadal. Après trois sets, son neveu mène 6/2 7/6 4/1. À deux jeux du match, donc. Mais il a alors un premier coup de mou, qui permet à Federer de revenir à égalité et de se procurer une balle de 5-4. Sur ce point-là, Nadal assène un ace… sur seconde balle. De rage, Federer fracasse une raquette. Lors du second tie-break, il se retrouve mené 5-3, service Nadal, mais prend le jeu à son compte et aligne les quatre derniers points du set. Le match est relancé. Et presque terminé, puisque Nadal a déjà mis l’essentiel de ses forces dans la bataille. Son lift perd en mordant et sa balle en longueur dans les deux dernières manches. Plus calme, Federer maîtrise dès lors tous les éléments, remportant son cinquième titre de l’année, le vingt-septième de sa carrière, le sixième en Masters Series.
Roland-Garros dans la foulée
Pour Nadal, il faudra attendre encore un peu avant de remporter une compétition d’envergure internationale. Si peu. Le 17 avril 2005, il glane le tournoi de Monte-Carlo puis, sur sa lancée, celui de Barcelone, de Rome et les Internationaux de France pour sa première participation. Comme Björn Borg, Michael Chang et Mats Wilander, il rentre dans la famille des joueurs précoces (19 ans) à avoir déjà remporté Roland-Garros. Seule ombre au tableau, plus symbolique qu’autre chose, Nadal ne s’est jamais imposé au Masters de Miami, bien qu’ayant atteint la finale à trois reprises par la suite, en 2008, 2011 et l’année dernière, pour une défaite contre Novak Djokovic. Et dire qu’en 2005, mené 4 à 3 dans le troisième set, 30-0 sur son service, Federer a bénéficié d’une erreur d’arbitrage lui permettant de se relancer dans la partie. Rafael Nadal de confirmer en conférence de presse, après la rencontre : « Sa balle était faute, l’arbitre ne l’a pas vue. À 0-40, ça aurait pu changer beaucoup de choses… » Une victoire, peut-être, mais qui n’aurait fait qu’avancer l’inévitable : l’apparition du bras gauche hypertrophié le plus redoutable de la planète. Et des pantacourts dans le tennis…