La Coupe Davis par BNP Paribas, ça n'est pas que le groupe mondial. Plus de 100 pays la disputent chaque année. Tous n'ayant pas dans leur rang des joueurs de classe mondiale, on tombe parfois dans la pure cocasserie. Alors que l’édition 2015 débute ce week-end, coup de projecteur sur la rencontre Île Maurice/Togo de 2001. Avec la participation, au pied levé, d’un joueur de 60 ans qui vivait alors dans une cabane sans électricité…
Ses adversaires, âgés de 17 et 19 ans, croient d'abord à une farce. « Quand j'ai vu un type arriver avec des cheveux gris, je pensais que c'était l'entraîneur... Mais il a sorti une raquette. Et là je me suis dit : ‘Ah bah il va jouer !’ », se souvient l’un entre eux, Guillaume Desvaux, sur Tennis.com. En mai 2001, ce membre de l’équipe de l’Île Maurice de Coupe Davis par BNP Paribas affronte le Togo lors d’une rencontre du groupe III de la zone Euro/Afrique. Très loin, donc, d’une affiche comme Belgique-Suisse ce week-end. Le score ? Un partout à l'issu des deux simples, le double est donc décisif, car au contraire du groupe mondial, c’est au meilleur des trois rencontres, et non cinq. De l’autre côté du court, la présence de Gadonfin Koptigan Yaka, capitaine de la sélection togolaise, n’est pourtant pas volontaire. C’est en tant que dernier recours qu’il s’est retrouvé dans l’obligation de s'auto-sélectionner. La raison ? Victime d’une panne de réveil, l’un de ses éléments a raté l’avion du déplacement. Problème : Gadonfin Koptigan Yaka, ancien bibliothécaire, n’a pas touché une raquette depuis cinq ans, en affiche soixante au compteur, et vit le reste de l’année dans une contrée reculée du Togo. Sans eau ni électricité. « Les spectateurs pensaient que j'échauffais juste les joueurs, et attendaient l'arrivée du ‘vrai’ participant ».
« Vous avez joué contre Andy Roddick, c’est ça ? »
Sous le soleil écrasant de Beau-Bassin Rose-Hill, l’une des plus grandes villes de Maurice, les Togolais jouent sur terre battue pour la première fois de leur vie. Autant dire que la rencontre prend donc vite la tournure d’un match de charité. « On s’est même demandés si nous devions jouer plus doucement », confesse Guillaume Desvaux. Qui, après un premier set tranquille, accélère dans le deuxième pour finalement conclure les débats, en trois petites manches. Au terme de la rencontre, les spectateurs, touchés par l'histoire de ce joueur malgré lui, finissent quand même par applaudir les Togolais. Au-delà de la défaite, Yaka entre dans l’histoire pour avoir battu le record du participant le plus âgé en Coupe Davis par BNP Paribas. « Mais je le l’ai appris que des années plus tard. Sur le coup, je l'ignorais », confiera-t-il en 2010. Son record a d'ailleurs été battu depuis : en 2007, le joueur de San Marin, Vittorio Pellandra, a joué un double à l’âge canonique de 66 ans. En 2005, après avoir quitté le Togo pour suivre son fils aux Etats-Unis, Gadonfin Koptigan Yaka fuira également la misère pour travailler comme agent de sécurité et ouvrier dans une usine. Un grand souvenir dans les valises. « Un jour, j’ai dit à mes collègues que j’avais joué la Coupe Davis et ils se sont moqués de moi… Ils ne m’ont pas cru et m’ont sorti : ‘Ah oui, vous avez joué contre Andy Roddick, c’est ça ?’ ». Pas vraiment, mais presque.