Alors que Melbourne commence dans une semaine, l’Australie bourgeonne : Kyrgios, Kokkinakis, Saville, Jasika ou même l’indécrottable Tomic, ils sont nombreux à rêver dépoussiérer un jour le palmarès de « leur » Grand Chelem, vierge de tout succès d’un(e) local(e) depuis Mark Edmondson (1976) et Chris O’Neil (1978). Mais gare : depuis le déménagement à Melbourne Park, la malédiction des « Aussies » à domicile est bien réelle. Focus sur ces champions qui ont brillé à Londres, New York voire Paris, mais se sont montrés incapables de faire la loi chez eux.
Wendy Turnbull, quitte plutôt que double
Toujours placée, jamais gagnante : avec Wendy Turnbull débute la série noire des Australiens dans leur tournoi. Brève troisième mondiale en 1984, derrière les intouchables Martina Navratilova et Chris Evert, la joueuse de Brisbane tourne autour du titre plusieurs années de suite, sans jamais viser dans le mille : finale en 1980 – perdue face à Hana Mandlikova après avoir battu Navratilova au tour précédent – demie en 1981, quarts en 1982 et 1983, demie encore en 1984… mais pas de trophée au bout. Pire, à une époque et dans un pays où le double possédait une forte aura, le palmarès de Wendy Turnbull tourne à la caricature puisqu’il compte un Roland-Garros, un Wimbledon et deux US Open en double dames, ainsi que deux Roland-Garros, deux Wimbledon et un US Open en double mixte… mais, rien à faire, pas le moindre triomphe devant son public de Kooyong.
Pat Cash, si près, si loin… si triste
S’il y en a un qui est passé tout près du but, c’est bien Pat Cash. Pour être précis, à deux points. En 1988, celui qui est alors tenant du titre à Wimbledon a bien failli ouvrir le palmarès du complexe synthétique de Flinders Park. Il a pourtant fini par s’incliner devant Mats Wilander, non sans être passé à deux points du titre au cinquième set (6/3 6/7 3/6 6/1 8/6).
Comme un bégaiement de l’Histoire : l’année précédente, pour la dernière édition disputée sur le gazon du vieux stade de Kooyong, Cash était déjà concerné par la finale, déjà disputée face à un Suédois… et déjà perdue en cinq sets, alors que la dynamique semblait en sa faveur lorsqu’il a recollé à deux manches partout contre Stefan Edberg (6/3 6/4 3/6 5/7 6/3).
Une chance non saisie, c’est déjà beaucoup, mais deux, c’est trop. Il n’y en aura pas de troisième. Pat Cash n’a encore que 23 ans mais, vite usé par les blessures, il traversera la fin des années 80 et le début de décennie suivante dans l’anonymat.
Patrick Rafter, le déclic trop tardif
Un titre en double, en 1999, comme une consolation : en simple, Patrick Rafter n’a guère brillé chez lui. A sa décharge, le Rebound Ace des années 1990 était plus taillé pour les puncheurs de fond de court que pour les attaquants. N’empêche que l’accumulation d’éliminations précoces – trois au premier tour, une au deuxième, trois au troisième – fait tâche pour un double champion de l’US Open (1997, 1998), double finaliste de Wimbledon (2000, 2001) et même demi-finaliste de Roland-Garros (1997). Rafter aura attendu sa toute dernière participation au tournoi, en 2001, pour enfin atteindre le dernier carré à domicile, y menant même deux manches à une contre Andre Agassi avant d’être victime d’un coup de chaleur (7/5 2/6 6/7 6/2 6/3).
Dommage : à un set près, il croisait le novice Arnaud Clément en finale, et l’on ne parlerait peut-être plus de cette satanée malédiction australienne à Melbourne…
Mark Philippoussis, le rendez-vous manqué
Quand Mark Philippoussis, effarant de puissance, a éparpillé Pete Sampras façon puzzle aux quatre coins du Central de Melbourne au troisième tour de l’édition 1996, le public des antipodes a logiquement cru tenir en ce nouveau venu de 19 ans un futur grand du tennis mondial.
Une décennie à éclipses plus tard, c’est peu dire que Philippoussis n’aura pas réellement confirmé ses promesses, malgré son statut de grand artisan des dernières victoires australiennes en Coupe Davis par BNP Paribas, en 1999 et 2003. Pour le reste, il compte une finale d’US Open (1998), une autre à Wimbledon (2003), mais seulement une poignée de huitièmes à Melbourne… entre deux séries de forfaits sur blessures. Définitivement un colosse aux pieds d’argile.
Jelena Dokic, je t’aime, moi non plus
Née yougoslave mais arrivée en Australie à l’âge de onze ans, Jelena Dokic a toujours entretenu une relation compliquée avec son pays d’adoption. Sur le plan sportif, l’Open d’Australie est le tournoi qui lui a le moins réussi : tandis que ses bons résultats à Wimbledon (demi-finale en 1999, quarts en 1998) et à Roland-Garros (quarts en 2002) la mènent jusqu’au quatrième rang mondial, elle perd deux fois au premier tour et une fois au troisième lors de ses participations initiales au Grand Chelem océanien… un tournoi qu’elle boycotte ensuite trois saisons durant, alors que les ponts sont rompus avec sa fédération et qu’elle prend brièvement la nationalité serbo-monténégrine. Quand elle se réconcilie avec sa seconde patrie, il est trop tard : son quart de finale tardif à Melbourne, en 2009, sonne plus comme un chant du cygne que comme une renaissance.
Lleyton Hewitt, la ténacité n’a pas payé
Fidèle à lui-même, Lleyton Hewitt a livré un paquet de grands combats sur les courts de Melbourne Park. Mais un bras-de-fer perdu face à sa bête noire de l’époque Carlos Moya (2001), une varicelle malvenue (2002) et un Younes El Aynaoui en feu (2003) ont fait que les planètes ne sont pas alignées durant les années où il dominait la hiérarchie mondiale. Le champion de l’US Open 2001 et de Wimbledon 2002 parvint cependant à figurer à l’affiche du dernier dimanche en 2005, au prix d’un parcours dantesque (contre les valeurs sûres Clément, Blake et Chela, un petit jeune du nom de Nadal, avant David Nalbandian et Andy Roddick) mais finalement non récompensé face au tout meilleur Marat Safin.
Comme s’il avait mis toute son énergie dans la bataille, Hewitt a ensuite quitté assez rapidement les cimes de l’ATP. Et s’il ambiance toujours la première semaine du tournoi à coups de matchs en cinq sets, il n’en a plus jamais joué les premiers rôles.
Samantha Stosur, au bord de la crise de nerfs
Elle a gagné l’US Open 2011 en dominant Serena Williams en finale. Elle a affiché une régularité monstre à Roland-Garros avec une finale et deux demies entre 2009 et 2012. Mais rien à faire : dès que Samantha Stosur repose le pied « down under », elle est immanquablement prise de vertiges, au point de n’avoir atteint les huitièmes de finale qu’à deux reprises en douze participations à l’épreuve phare du début d’année. Et 2015 risque de ne pas déroger à la règle : la musculeuse trentenaire aux nerfs fragiles a lancé sa saison par une défaite au premier tour du tournoi de Brisbane face à Varvara Lepchenko, agrémentée au passage d’une balle de match non convertie. Quand ça ne veut pas…