Les rides de Cincinnati

14 août 2012 à 15:23:08

Nadal forfait, le triple finaliste Novak Djokovic tentera de gagner une des rares épreuves qu’il n’a pas raflée l’an dernier. Outre son ancienneté avec 113 ans d’existence, le mythique tournoi de Cincinnati est le...

Nadal forfait, le triple finaliste Novak Djokovic tentera de gagner une des rares épreuves qu’il n’a pas raflée l’an dernier. Outre son ancienneté avec 113 ans d’existence, le mythique tournoi de Cincinnati est le préféré de l’année pour un grand nombre de joueurs… Pourquoi ? Début de réponse ici.

  Chaque année, c’est la même rengaine. Le circuit obéit à une logique de cycles selon des habitudes bien établies. Le début de saison au Moyen-Orient et/ou aux antipodes avec l’Australian Open en point d’orgue. Une courte période en salle, en février, principalement en Europe. La première tournée américaine centrée sur les deux premiers Masters Series de l’année, BNP Paribas Open d'Indian Wells et Miami avant de revenir sur la terre battue européenne, conclue par Roland-Garros. Vient ensuite le gazon, principalement anglais puis Wimbledon. Break en juillet ou épreuves auxiliaires sur l’ocre. La fin de saison en indoor est peuplée de Masters 1000 en Asie et sur le Vieux Continent puis du Masters en guise de dessert. Mais avant cette conclusion, il y a donc une seconde période yankee, de Los Angeles à l’US Open en passant par le Canada en août. Et le tournoi de Cincinnati, incontournable, que les joueurs adorent dans la moiteur étouffante de l’Ohio. L’épreuve existe depuis 1899, à cheval sur trois siècles. C’est la troisième épreuve américaine en terme de longévité après l’US Open et San José sauf que ces deux derniers ont déménagé. Les Internationaux des Etats-Unis de Newport à New York via Rhode Island et le tournoi californien qui se situait à l’origine à Monterey.   Etat républicain, mi-industriel, mi-rural, l’Ohio était surtout connu pour ses groupes de rock singuliers, de Devo à Pere Ubu, de Chrissie Hynde des Pretenders à Marilyn Manson en passant par les sœurs Deal du groupe Breeders. Ses groupes de rock donc, et ses rieuses bourgades du  nord-est américain d’Akron à Cleveland, de Colombus à  Dayton via Toledo. Pourtant, depuis la création de l’épreuve à la toute fin du XIXème siècle, le tournoi a toujours été là ou presque. Trois fois, Cincinnati n’aura pas son grand raout annuel : en 1918 pour cause de guerre mondiale, en 1921 pour des motifs organisationnels et en 1935 en raison de la Grande Dépression économique. Le reste du temps, toutes les générations de joueurs s’y sont rendues. Tony Trabert, Bill Johnston, Bill Tilden, Bill Talbert, Bobby Riggs, Beals Wright, Pancho Segura, en passant par les grands Australiens des 60’s, Nastase, Kodès, Borg, McEnroe, Connors et tous les tennismen contemporains. Federer et Wilander sont les recordmen de l’ère Open avec quatre victoires ; George Lott dans les années 20 et Bobby Riggs la décennie suivante l’ont également emporté quatre fois.   Le cinquième Grand Chelem   Au fil des ans, la compétition de « Cincy » a pourtant tout changé. De surface : sur terre battue, décrite comme de la « crushed brick dust » ou poussière écrasée de brique ; un court moment sur moquette le temps d’un exil en indoor au milieu des 70’s puis sur Decoturf à partir de 1979. De nom : Cincinnati Open, the Tri-State Tennis Tournament, ATP Championships et enfin, The Western and Southern Cincinnati Masters, son nom actuel. De lieu : du Avondale Athletic Club, à l’origine, au Cincinnati Tennis Club jusqu’à 1972. Du Cincinnati Convention Center pendant l’hibernation en indoor au Coney Island Amusement Park sur la rivière Ohio une paire d’années plus tard et de déménager depuis plus de trente ans à Mason, à une quarantaine de bornes du cœur de Cincinnati, pas très loin de Dayton, de Colombus et d’Indianapolis. Il faut dire que depuis 1975, la compétition de l’Ohio bénéficie d’un directeur hors pair, adulé sur le circuit, Paul Flory, un ancien dirigeant de Procter & Gamble,qui a su toujours mettre les petits plats dans les grands. Il y a d’abord ce déménagement à Mason, surnommée « La maison des comètes », dont la devise « Plus que vous ne pouvez imaginer » colle bien à l’ambition du patron. Outre sa situation géographique, Mason possède des parcours de golf paradisiaques et un parc d’attraction  réputé (le Kings Island, Ndlr), sans parler des balades en bateau sur la rivière Ohio. Flory s’est aussi attelé durant son magistère à en faire le plus grand évènement tennistique de l’année, hors tournois du Grand Chelem.   Quatre courts centraux - pour seize courts au total et une capacité de 22 000 places - ont été construits au sein du Lindner Center Tennis. Ce qui en fait la plus grande arène du monde, hormis les quatre majeurs. Les joueuses et les joueurs ont toujours été choyés. En 1989, pour être accrédité comme un des tournois majeurs du grand barnum planétaire, l’ancien de Procter & Gamble, a doublé la dotation du tournoi. En 1986, l’épreuve a été considérée comme la compétition de l’année par les joueurs. Et depuis, elle collectionne les awards de l’ATP. Les femmes absentes depuis les années 70, sont revenues à la fin de la décennie suivante et depuis l’an dernier, les deux simples sont organisés la même semaine. Au fil du temps, malgré la chaleur étouffante du mois d’août et la déshydratation, Cincinnati a toujours été considéré comme un des tournois les plus attendus de l’année par les joueurs. « A Cincinnati, on se sent si bien que je me sens comme à la maison » déclarait récemment Mats Wilander au Cincinnati Inquirer. Dans le même journal, Michael Chang, deux victoires contre Edberg ici plus deux finales perdues contre Agassi, poursuivait : « A Cincy, j’étais capable de concilier business et bonne connexion avec les spectateurs… C’était beaucoup de plaisir. Tout le monde est courtois, très hospitalier. C’est une atmosphère incroyable. Quand vous jouez dans un endroit où vous prenez du plaisir, votre attitude devient positive. » Et si c’était ça, le plus grand legs de Paul Flory au tennis mondial.   Par Rico Rizzitelli

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