Suspendu à vie en 2011, Daniel Köllerer ne manque pas vraiment à ses anciens collègues du circuit ATP. Insupportable et provocateur, l’Autrichien a multiplié les polémiques et les inimitiés. Mais dans le fond, « Crazy Dani » était peut-être juste un joueur et un homme malheureux.
Rafael Nadal n’a jamais eu la chance de croiser la route de Daniel Köllerer sur un court. L’Espagnol ne fait à priori pas partie des très nombreux ennemis qui ont jalonné la carrière de l’Autrichien. C’était avant que ce dernier ne s’épanche auprès du site autrichien Sportwoche en septembre 2013 : « Nadal ne peut pas être négatif. Après sept mois d’arrêt en raison d’une blessure, il revient et remporte 10 tournois sur 13. C’est impossible, impossible ! Personne ne croit qu’il ne prend rien. Mais imaginez ce que signifierait pour le tennis un contrôle positif de Nadal. » Sur sa lancée, « Crazy Dani » se demande comment David Ferrer peut griller une cigarette avant ses matchs et courir ensuite comme un lapin. Si David Ferrer n’a jamais répondu à ces accusations sans fondement, pas plus que Rafa, son oncle Toni Nadal, en revanche, a préféré répliquer par le mépris : « Je ne connais même pas cette personne. Köllerer n'est pas crédible. »
L’oncle et coach du Majorquin ment sur un point : il est obligé de connaître Daniel Köllerer. En huit ans sur le circuit ATP, le natif de Wels a acquis une réputation à vous faire passer John McEnroe pour un enfant de chœur… Les titres et les résultats en moins. La légende de « Crazy Dani » débute lors d’une tournée en Amérique du Sud en 2006. Comme son idole Thomas Muster, Köllerer raffole de la terre battue. Et comme son illustre compatriote, il traîne déjà une réputation de joueur colérique et caractériel. Anicroches avec ses adversaires et insultes envers les arbitres, l’Autrichien multiplie les écarts et écope d’une suspension de six mois pour l’ensemble de son œuvre. A 22 ans, il a encore l’excuse de l’âge. Roger Federer a bien été un sale gosse avant de devenir un maître zen. Sauf que Daniel Köllerer ne va, lui, jamais connaître l’âge de raison.
Crachats et insultes racistes
Alors que sa carrière tarde à décoller et qu’il écume les tournois Challengers, il continue à multiplier les scandales partout où il pose (et fracasse) sa raquette. Parfois, ses adversaires refusent de lui serrer la main à la fin du match comme le Brésilien Marcos Daniel qu’il a traité de « singe » et conseillé de « retourner dans sa jungle ». Federico Luzzi (décédé en 2009 d’une leucémie) a eu un jour la faiblesse d’accepter sa poignée. Sauf que l’Italien n’avait pas vu que son adversaire s’était craché dans la main préalablement. Avec un tel comportement, il peine à trouver des volontaires pour s’entraîner avec lui. « Tous les joueurs le haïssent, a résumé un jour son compatriote Stefan Koubek, qui a d’ailleurs manqué de l’étrangler lors d’un match du championnat d’Autriche. Dans sa bouche, l’expression “trou du cul” est une fleur. Si les spectateurs comprenaient ses insultes, ils lui casseraient la gueule. »
Personne ne l’aime ? Tant pis. Il n’est pas sur le circuit pour se faire des amis. « Je me fous de ce que les autres disent sur moi. Si je dois changer, je changerais pour moi, par pour faire plaisir aux autres », assure-t-il en 2009. A cette époque, l’Autrichien semble (un peu) plus apaisé et ses résultats s’en ressentent. Il flirte avec le Top 50 (55e en octobre, son meilleur classement) et a trouvé en Simone Knogler, un entraîneur qui le comprend ou du moins essaye. « Dès qu’il pose le pied sur le court, Dany pense qu’il lutte pour sa vie », analyse son coach. Mais ni Knogler, ni le conseiller psychologique que le joueur consulte n’arrivent à le changer fondamentalement.
Jésus, deuil et court numéro 8
En 2010, l’Autrichien perd sa mère des suites d’un cancer. S’il continue d’écumer le circuit, l’envie n’y est plus. Köllerer balance ses matchs. A Roland-Garros, il offre le spectacle d’un joueur et d’un homme perdu lors sa défaite au premier tour contre le Russe Teymuraz Gabashvili. Sur le court numéro 8, il épanche son mal-être auprès des quelques supporters autrichiens présents : « Vous ne vous imaginez pas à quel point je souffre». Le pire reste encore à venir. En mai 2011, il est suspendu à vie pour avoir publié sur son site internet des informations sur les cotes de trois matchs, entre octobre 2009 et juillet 2010. En 2012, le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) confirme la sanction. A même pas 30 ans, Daniel Köllerer doit abandonner un sport qu’il a aimé détester. Une fin cruelle pour un garçon qui s’était tatoué sur le corps « Jésus marche avec moi » et « Numéro 1 ». Visiblement, Jésus avait d’autres projets pour lui.
Par Alexandre Pedro