Du blanc de Wimbledon à la question du vêtement dans le tennis

25 juin 2014 à 00:00:00

Du blanc de Wimbledon à la question du vêtement dans le tennis
Le tournoi de Wimbledon a débuté et comme chaque année, c’est tenue blanche exigée Et ailleurs, qu’en est-il ? L’occasion de regarder ce qui disent vraiment les règlements de l’ATP et de la WTA en matière de dress code.

Le tournoi de Wimbledon a débuté et comme chaque année c’est le même rituel : tenue blanche exigée pour les gars comme pour les filles ! Vraiment ? Et ailleurs, qu’en est-il ? Voyons ce que les règlements de l’ATP et de la WTA exigent en matière de dress code sur un court de tennis.

 

Un rappel historique s’impose en préambule, pour mieux mesurer combien le tennis, sport réputé conservateur, a su tout de même s’adapter au fil des décennies en fonction de l’évolution des mœurs. Quand les premières compétitions voient le jour à la fin du 19e siècle, la convenance impose encore aux hommes de porter le costume avec cravate et aux femmes une robe peu commode, avec corset et manches longues. L’élégance prime alors sur la performance, au grand désespoir de certains joueurs et joueuses, frustrés de ne pas pouvoir se mouvoir sur un terrain aussi bien qu’ils le souhaiteraient. Certains osent tout de même défier les ayatollahs du dress code qui sévissent à l’époque, comme l’Américaine May Sutton, qui choque l’assistance guindée de Wimbledon en 1905 en remportant le tournoi avec une jupe laissant apparaître ses chevilles et une chemise très masculine, qu’elle explique avoir empruntée à son père. Shocking ! Le développement de la mode en France durant les années folles va contribuer au développement de nouvelles tenues plus adaptées à la pratique sportive, surtout chez les femmes. Des créateurs tels Paul Poiret et Coco Chanel raccourcissent les jupes et utilisent des tissus légers, qu’expérimente Suzanne Lenglen notamment. Chez les hommes, il faut attendre 1933 pour la première grande révolution vestimentaire. Cette année-là au tournoi de Forest Hills (futur US Open), l’Anglais Bunny Austin débarque sur le court… en short. On scrute alors le règlement, qui n’interdit pas de raccourcir le pantalon d’usage jusqu’au dessus des genoux. Il va faire des émules.

 

Ann White, Wes Anderson et Andre Agassi…

 

Après la Seconde Guerre mondiale, les mœurs continuent d’évoluer, bon gré mal gré. A Wimbledon en 1949, l’Américaine Gussy Moran choque son monde en portant une tenue spécialement conçue pour l’occasion : une jupette avec shorty en flanelle intégré. L’audace fait polémique, mais elle est de courte durée. Vite, les jupettes se généralisent, pour permettre une liberté de mouvements toujours plus grande. La dernière grande révolution en date remonte aux années 70. C’est à l’US Open qu’en premier il est demandé aux joueurs de troquer les tenues blanches de rigueur pour un peu de couleurs, histoire de mieux distinguer les adversaires lors des parties diffusées sur les télés en noir et blanc. La commercialisation des télés couleurs et le développement du tennis spectacle contribuent encore plus à « coloriser » les joueurs. Le style polo rayé et bandana façon Wes Anderson des seventies laisse place, la décennie suivante, à plus d’exubérance : la combinaison intégrale en lycra d’Ann White à Wimbledon en 1985, les bijoux dont Chris Evert fait la promotion jusque sur les courts en 1987, les polos fluo et le short en faux jean d’Andre Agassi au début de sa carrière, les tenues criardes des sœurs Williams et de Bethanie Mattek-Sands… La tendance est aujourd’hui à mettre en valeur au maximum les formes des joueurs et joueuses : les longues jambes, les bras musclés…

 

Chez les filles, le simple mini-short interdit

 

Reste à savoir ce qu’autorise exactement le règlement. Dans les 323 pages qui régissent les compétitions ATP, quatre sont consacrées précisément à la question du dress code. Il y est notamment inscrit explicitement que « chaque joueur doit se présenter avec une tenue propre et adaptée, sous peine de sanctions », avant d’aller plus en détails sur ce qu’est exactement une tenue adaptée : chemise, t-shirt ou polo, le short, les chaussettes, les chaussures de sport (qui diffèrent selon la surface), casquette ou bandana, le ou les poignets éponges. Aucun sponsoring n’est autorisé, excepté le logo de l’équipementier. Seules les manches peuvent être utilisées à d'autres fins commerciales, comme ce fut le cas récemment à Roland-Garros avec Novak Djokovic pour un constructeur automobile français. Dans le règlement de la WTA (518 pages !), c’est encore plus explicite. « Une joueuse ne sera pas autorisée à disputer de matchs habillée d’un sweat, d’un pantalon, d’un t-shirt, de jeans et d’un mini-short », est-il inscrit. Puis : « Une joueuse peut se voir demander de changer de tenue si le juge-arbitre le considère comme nécessaire. » Avec cette liste de contre-indications, on comprend donc que les tenniswomen se doivent de porter une robe. « La combinaison d’une jupe et d’une chemise pourra être considérée comme une robe », est-il aussi indiqué. D’après ce règlement, les combinaisons intégrales moulantes utilisées par Ann White en 1985 puis plus récemment par Serena Williams apparaissent donc comme illégales…

 

A Wimbledon, « presque » tout en blanc, semelles comprises !

 

Enfin pour ce qui est de Wimbledon, le règlement spécifique des lieux dit ceci : « Les vêtements des joueurs, chaussures comprises, pour toutes les compétitions et pour les entrainements sur les courts du tournoi doivent être presque entièrement blancs. » C’est ce « presque » qui permet à certains joueurs et joueuses de s’autoriser quelques fantaisies. En clair, la tenue doit être blanche dans sa grande majorité et il peut donc y avoir quelques ajouts de couleurs de-ci de-là. Mais gare, les arbitres peuvent se montrer particulièrement sévères sur la question vestimentaire à ce tournoi en particulier. En 2007, un débat d’experts a eu lieu en coulisses, juste avant un match de la Française Tatiana Golovin, pour savoir si elle devait être autorisée à jouer avec un shorty rouge sous sa robe blanche. Après bien des tractations, elle fut finalement acceptée sur le court. Et l’an dernier, Roger Federer himself a créé la polémique en jouant avec des chaussures blanches… à semelles orange ! Preuve que la bataille contre l’image conservatrice du tennis n’est pas encore complètement gagnée.

 

Par Régis Delanoë

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