Gran Kino : « A gagner tout le temps, Nadal doit s’embêter »

Originaires de Mâcon, les quatre musiciens de Gran Kino sortent leur premier album en octobre prochain. Le nom du disque ? “1989”. Le concept ? Revenir, en dix chansons, sur cette année hors du commun.  Leur tube pour l’été ?       “I love tennis” avec le rappeur américain Juan Huevos. L’occasion pour Robin, le guitariste du groupe, d’expliquer comment Michael Chang a participé à la chute du Mur…

  Qui est le plus fort au tennis dans le groupe ? Moi. J’ai pris mon premier cours, je devais avoir dix ans. Je ne pouvais pas faire de foot pour raison de santé, alors mes parents m’ont collé au tennis et m’ont dit : “Tu verras, c’est bien, il n’y a pas besoin de courir trop”. Je me suis retrouvé avec une raquette dans les mains, alors que tous mes potes tapaient dans un ballon. Après, je n’ai jamais fait de compèt’, je ne peux pas balancer : “Moi, je suis classé 15/1 !”   T’as sûrement le meilleur revers croisé des quatre… Non, c’est Morgan. Là, tu touches mon point faible. Mes revers, je les exécute à deux mains, comme les filles. Je suis un peu de l’école Monica Seles…   Mâcon, c’est une ville de tennis ? On a un gros tennis club, vraiment pas dégueu. Et depuis plusieurs années, la rumeur enfle, complètement folle. Il paraît qu’on va accueillir prochainement la Fed Cup par BNP Paribas, je ne sais pas si tu réalises… Pour l’instant, il se passe rien. Comme souvent ici. Pour être tout à fait sincère, nous sommes plus rugby dans le coin, musique aussi. On est des gens cools en fait.   Le tennis a la réputation d’être un sport de petits bourges. Faire de la pop aussi. Tu cumules les tares… C’est la double peine, effectivement. Mes parents vont être tristes de lire ça, tu sais. Mais, ce n’est pas faux. La pop est probablement ce qui ressort le plus chez Gran Kino. Mais attention, quand je dis ça, je pense Beatles, musique anglo-saxonne. La pop à la française, c’est Etienne Daho…   Tu n’aimes pas ? Si, j’ai plein de disques de lui. Mais il ne faut pas le dire, c’est la honte !   Excepté “I Love Tennis”, quelle est la plus belle chanson sur la balle jaune ? Question difficile… Anaïs, elle n’avait pas aussi un clip sur un terrain ? Si je me souviens, c’était vachement bien (“Mon cœur, mon amour”, sorti en 2005, Ndlr). Par contre, c’est la seule qui me vient en tête. Contrairement au foot, le tennis n’inspire pas grand monde. A part Juan Huevos, probablement le seul rappeur à être fan de ce sport. Il a fallu qu’on tombe sur lui. Un loser qui préférait, à l’époque, Michael Chang à Michael Jordan…   Justement, un peu de franchise. Lequel de vous quatre avait un poster de Chang dans sa chambre ? Personne, je crois. Moi, j’aurais pu avoir celui d’Agassi. Quelle coupe de cheveux ! Si avec ça, il n’a pas levé toutes les gonzesses de la terre à chaque tournoi, je ne comprends plus. Pete Sampras aussi, la classe à l’américaine très eighties. Le mec aurait pu être dans “Dallas”, mais en moins fumier.  

« Le côté rock’n’roll de McEnroe l’a sauvé »

  Chez Agassi, il y avait la perruque certes, mais le short en jean aussi…  Ça, ce n’est pas pour moi, j’ai de trop grosses cuisses malheureusement. Bon, il faut se remettre dans le contexte de l’époque, on ne peut pas lui jeter la pierre. Au regard de ce qui faisait dans le monde de la mode et de la musique, cette petite fantaisie n’avait rien de méchant.   Reebook pump face à Nike air max, bandeau bleu électrique et survêt bariolé à dominante violet aubergine, le tennis en 1989, c’est surtout l’histoire de mecs qui ont du style… Ouais mais alors, pas plus de six mois. On ne pouvait pas décemment continuer comme ça. A l’époque, moi, j’ai des pump, car ma mère n’aime pas Nike. Je suis tout fier, je les gonfle tous les matins avant d’aller à l’école. Je suis l’un des seuls à les avoir. Ce sont des baskets fun. Je mets ça avec un t-shirt LC Waikiki, j’ai une coupe au bol et je suis au top. Bien plus cool que tous ces mecs avec leur Nike air Jordan hors de prix.   Qui, en 1989, peut vraiment aimer Ivan Lendl ? Ils ne devaient pas être nombreux. Alors qu’un McEnroe probablement beaucoup plus stupide était mieux apprécié. C’est son côté rock’n’roll qui l’a sauvé. Lendl, lui, est robotique. Il est tchécoslovaque, c’est le rideau de fer, ça ne rigole pas. On dirait un peu Murdoch, l’ennemi mortel de MacGyver.   Chang face à Lendl, le 5 juin 1989, c’est l’étudiant chinois de la place Tian’anmen face au tank communiste ? Oui, c’est ça : la confrontation ultime des deux blocs, un affrontement pleinement romanesque…   Tu étais devant la télé ce jour-là ? Oui, dans le salon de mes parents. Je m’y vois encore, d’autant plus que la pièce n’a pas beaucoup changé depuis…   Qu’est-ce que ferait Nadal face au service à la cuillère de Chang ? Il lui mettrait comme il faut, bien fort, sans frémir. C’est une machine, il ne se déconcentre pas une seconde. C’est ennuyeux à mourir. A gagner tout le temps, il doit s’embêter. Nous aussi, d’ailleurs. Personnellement, le tennis, aujourd’hui, ne me fait plus rêver. C’est trop propret. Il n’y a plus de joueurs qui explosent des raquettes par terre ou secouent la chaise de l’arbitre. Franchement, c’est dommage.   Le gros avantage aussi en 1989, c’est que Noah joue encore au tennis… C’est évident. A l’époque, il n’a pas le temps de faire des reprises de reggae. Moi, je veux bien, le gars est sûrement très gentil, mais faut pas abuser. Déjà, il doit payer ses impôts, ensuite, il faut qu’il laisse Bob Marley tranquille. Ça fait trente ans que tout le monde reprend ses chansons, ça suffit. En plus, “Redemption Song” est la pire de son répertoire. Non, si je peux permettre un conseil, qu’il redevienne capitaine de l’équipe de France, qu’il nous fasse gagner une nouvelle Coupe Davis et là, d’accord, il aura peut-être le droit de chanter “Saga Africa”.   Propos recueillis par Vincent Berthe   Pour visionner le clip de ‘I love tennis’, c’est par ici : http://youtu.be/sR7lp8wdH6c Et pour leur site internet, c’est par là : www.grankino.com