Cette semaine se déroulent les quarts de finale de la Coupe Davis par BNP Paribas 2014. Avec les publics chauvins, les capitaines présents sur le court et le port d’un maillot identique pour les joueurs des mêmes équipes, la grande curiosité de cette compétition reste l’épreuve de double. Retour sur dix histoires de couples qui ont marqué la plus prestigieuse des compétitions. Pour le meilleur, ou pour le pire.
1/ Ilie Nastase & Ion Tiriac (Roumanie)
Avec 27 victoires en 34 matches, les Roumains Ilie Nastase et Ion Tiriac n'ont pas ménagé leurs efforts en Coupe Davis par BNP Paribas, atteignant la finale en 1969, 1971 et 1972. Aucune victoire, mais une spécialité : déstabiliser les adversaires à coups de pitreries, voire d'intimidations, en jouant avec le public et les arbitres. Lors de la finale de 1972, à Bucarest, les Américains Smith et Van Dillen ont bien du mérite de remporter leur duel sans céder aux provocations. « J'ai perdu l'estime que j'avais pour vous. Je vous respecte toujours en tant que joueur, mais plus en tant qu'homme », lâche Smith à Tiriac après la rencontre. Van Dillen, lui, s’interroge : « Chez nous, j'ai toujours trouvé que les spectateurs ne nous encourageaient pas assez. Maintenant, je me demande si je le souhaite encore. »
2/ Nicola Pietrangeli & Orlando Sirola (Italie)
L’équipe d’Italie possède un ogre statistique dans ses archives. Son nom ? Nicola Pietrangeli, spécialiste de terre battue dans les années 1950 et 1960, considéré par beaucoup comme le plus grand joueur italien de tous les temps, et qui cumule plusieurs records en Coupe Davis par BNP Paribas : celui du plus grand nombre de matchs disputés - soit 164 entre 1954 et 1968 - mais aussi le record de victoires en simple (78), le record de victoires en double (42) et le record du double le plus souvent décisif (34) avec Orlando Sirola. Il n’a cependant jamais remporté l’épreuve, échouant deux fois en finale contre l'Australie. Very bad trip.
3/ Henri Cochet & Jacques Brugnon (France)
Les « Quatre mousquetaires ». C’est le surnom donné à l’équipe de France victorieuse à six reprises de la Coupe Davis par BNP Paribas, entre 1927 et 1932, et composée de Jean Borotra, Jacques Brugnon, Henri Cochet et René Lacoste. Un sobriquet qui fait référence au roman Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas, en raison de l'esthétique du jeu de tennis français évoquant le maniement de l'épée et de l'esprit conquérant des joueurs. Aussi bien en simple qu’en double donc. Si le capitaine Pierre Guillou a testé toutes les combinaisons - Borotra-Brugnon, Borotra-Cochet - la plus élégante et performante de toutes reste Cochet-Brugnon. « La France possédait un réservoir de talents et de combinaisons possibles qui fait d’elle la meilleure équipe de double au monde, se souvient un jour l’Américain Bill Tilden, première victime de l’hégémonie frenchy. La Coupe Davis est un tournoi magnifique, mais jouer contre les Français est une torture mentale. Quand je les affrontais, je souffrais comme un damné pendant des semaines ».
4/ Frank Sedgman & Ken McGregor (Australie)
« Un jour, j’en ai vraiment eu assez de voir les Américains ramener tous les trophées, boire les meilleurs champagnes et embrasser les plus jolies filles ». De l’autre côté de l’océan, dans la lointaine Australie, Harry Hopman, entraineur paternaliste et ancien journaliste, peut s’enorgueillir d’avoir anéanti l’hégémonie de l’Amérique d’après-guerre sur le tennis mondial. Et fondé un autre empire à sa mesure : entre 1950 et 1967, l’équipe australienne de Coupe Davis par BNP Paribas a remporté quinze fois la compétition reine de ce sport. Plusieurs générations de joueurs, comme Ken Rosewall, Rod Laver ou Tony Roche, sont passées entre les mains d’Harry Hopman. Mais rien n’aurait été possible sans Frank Sedgman et Ken McGregor, les deux premiers élèves de la colonie. Lesquels ont glané les trois premiers titres de cette longue série de victoires grâce à trois doubles décisifs lors de chaque finale (1950, 1951 et 1952). Au bon souvenir des conseils de Hopman : « Si vous devez vous souvenir d’une chose, dites-vous que le double est un peu comme le mariage : rien ne détruira plus votre union qu’un manque de communication ».
5/ John McEnroe & Peter Fleming (USA)
Meilleure paire du monde au début des eighties, John McEnroe et Peter Fleming ont glané trois éditions de Coupe Davis par BNP Paribas (1979, 1981 et 1982), remportant quatorze des quinze doubles joués ensemble dans cette compétition. Dans le couple, John McEnroe, immense joueur de simple, est le seul à avoir été numéro 1 mondial dans les deux disciplines. Il incarne à la fois l’acariâtre et le virtuose technique quand Peter reflète le calme tactique et une certaine forme de modestie. « La meilleure paire de double au monde est John McEnroe et John McEnroe », dit même ce dernier. Une célèbre punchline à laquelle « Big Mac » répond, non sans humilité : « Ce que j’apprécie chez Peter, c’est sa lucidité ». Aujourd’hui, et ce malgré leurs 50 titres en duo - dont quatre Wimbledon et trois US Open - les deux acolytes n’ont guère d’estime pour la pratique du double moderne. Surtout McEnroe, qui lâche en 2013 dans le Times of London : « Quand je regarde un match de double, je me dis : ‘Mais c’est quoi ce bordel ?’ Le niveau est pitoyable, ce ne sont que des types trop lents et pas assez rapides pour jouer en simple. Nous ferions mieux de supprimer cette catégorie et de réinvestir l’argent ailleurs… Où vous voulez, mais pas dans le tennis féminin. »
6/ Stefan Edberg & Anders Järryd (Suède)
Après les Etats-Unis, les eighties sont marquées par la Suède : entre 1983 et 1989, l’équipe nationale joue sept finales consécutives de Coupe Davis par BNP Paribas mais n’en remporte que trois. En 1984, après Mats Wilander et Henrik Sundström en simple, les compères Anders Järryd et Stefan Edberg deviennent les premiers – et uniques - bourreaux du duo McEnroe/Fleming qui n’a jusqu’ici jamais perdu une finale de Coupe Davis par BNP Paribas. Comment expliquer cette déroute ? Selon le capitaine Arthur Ashe, « McEnroe et Fleming étaient dans une forme déplorable. Mal rasés et débraillés, ils semblaient épuisés et fatigués ». Résultats des courses : cette défaite est le dernier match des Américains dans cette compétition. Pas de quoi gâcher la fête des Suédois qui, tel un happening, sonneront chez (presque) tous les habitants de Stockholm pour fêter la victoire. Henrik Sundström s’en souvient encore : « Il y eut beaucoup, beaucoup de champagne ».
7/ Guy Forget & Henri Leconte (France)
Onze victoires, zéro défaite. Le duo Guy Forget et Henri Leconte présente le privilège rare d'être invaincu en Coupe Davis par BNP Paribas. Leur chef-d’œuvre ? Avoir terrassé, lors de la finale 1991 face aux Etats-Unis, la paire expérimentée Ken Flach-Robert Seguso, à l'issue d'un match magistral, mêlant folie raisonnée et brio technique. Henri Leconte : « Je n’avais qu’une envie, c’était de leur casser la gueule ». La raison ? Six ans plus tôt, en finale de l’épreuve de double de l’US Open, la même confrontation s’est soldée par une victoire des Américains sur fond d’erreurs arbitrales. Après le match, on retrouve Leconte hagard, dans sa bulle, sidéré, qui rumine sans doute déjà sa vengeance. Après le match, Ken Flach soutient qu’à l’avenir, on ne retiendrait pas la manière, mais simplement les noms inscrits au palmarès. La preuve que non…
8/ Gustavo Kuerten & Jaime Oncins (Brésil)
On ne peut pas dire que le Brésil ait vraiment marqué l’histoire de la Coupe Davis par BNP Paribas. Mais une chose est sûre, le public auriverde, et plus généralement sud-américain, est l’un des plus chauds au monde. Des spectateurs qui, lors d’un banal double de barrages en 1996, ont tenté de déstabiliser les joueurs de l’équipe autrichienne, Thomas Muster et Udo Plamberger. Comment ? À l’aide de pierres jetées sur le court, d’insultes et même des petits miroirs tournés vers le soleil afin de les éblouir. De l’avis d’Herman Fuchs, journaliste autrichien, « c’est la pire ambiance que je n’ai jamais vue. Je ne sais pas où cela aurait pu mener si la rencontre avait continué ». En effet, Thomas Muster et Udo Plamberger n’ont pas même pas souhaité terminer le match de peur de « se faire tuer ». Jusqu’ici, jamais une équipe n’avait encore quitté le court en pleine rencontre pour des raisons de sécurité.
9/ Leander Paes & Mahesh Bhupathi (Inde)
Depuis 1997, les deux comparses indiens poursuivent une étonnante série de 23 victoires consécutives en double et en Coupe Davis par BNP Paribas. Un record mathématique, toujours bon à prendre, et ce malgré la fin chaotique de leur collaboration. La raison ? En 2012, Leander Paes accepte, sans sourciller, la décision de sa fédération de lui trouver un autre partenaire à quelques jours des Jeux Olympiques de Londres. Face au manque de réaction de son complice, et ami de toujours, Mahesh Bhupathi vit la chose comme une trahison. Il voit rouge, massacre ses dirigeants dans la presse et se fait rapidement suspendre deux ans de la sélection pour « indiscipline ». Pour le reste, « c’est comme un 'chagrin d’amour’ qu’il va falloir vite oublier, se livre Mahesh. Un jour, une de mes petites amies m’a dit : ‘Tu aimes Leander, tu es toujours avec lui… Tu ne t’es jamais demandé si tu n’étais pas homosexuel ?’ C’est vrai que je l’aimais beaucoup. Au point peut-être de me poser cette question… »
10/ Bob et Mike Bryan (USA)
Avec 16 victoires en Coupe Davis par BNP Paribas, pour seulement deux défaites, les jumeaux Bob et Mike Bryan incarnent sans doute la meilleure paire américaine de l'histoire de la compétition, surclassant même l'association Colin Fleming- John McEnroe (14 succès). À ceci près que le meilleur parcours des deux frangins reste une finale perdue en 2007. Et ce n’est pas cette année que les choses bougeront, puisque l’équipe américaine est d’ores et déjà éliminée. Malgré tout, « c'est un luxe de posséder dans nos rangs un tel double que celui composé des frères Bryan, confesse Jim Courier en 2012 sur les antennes d’Eurosport. À mon époque, nous n'avions pas d'équipe aussi compétitive. C'est presque de la triche d'avoir une telle équipe à disposition ! »