Comment relancer le double ?

5 mars 2014 à 00:00:00

Alors que débute le BNP Paribas Open, épreuve habituée à mettre à l’honneur des paires de doubles prestigieuses, la question se pose de savoir comment relancer cette discipline, aujourd’hui largement délaissée. Voici les solutions du Mag.

Nadal - Lopez, Federer - Wawrinka, Roddick - Fish ou, un peu plus loin, Grosjean - Clément. La finale du BNP Paribas Open a l’habitude de mettre à l’honneur des paires de doubles prestigieuses. Une incongruité dans une discipline aujourd’hui largement délaissée par les meilleurs, au plus grand bonheur de joueurs de second plan trop limités pour le simple. Comment relancer l’intérêt des champions, et donc du public, pour la pratique du double ? ATP, WTA et ITF n’en finissent plus de se poser la question. On a tenté de les aider.

 

La méthode douce : revaloriser la Coupe Davis par BNP Paribas

 

Dans quelle compétition le double revêt-il une importance capitale ? La Coupe Davis par BNP Paribas, bien sûr. Depuis quarante ans, la finale de l’épreuve n’a échappé qu’à deux reprises à la formation ayant viré en tête après le double du samedi. Il suffirait de revaloriser la compétition en argent et en points pour que les meilleurs voient vite leur intérêt à y participer… et à s’entretenir à l’année en vue d’un éventuel double de tous les enjeux en équipe nationale. Dans ce but, un premier pas a été fait, en 2009, en dotant l’épreuve de points ATP. « C’est une situation gagnant – gagnant, à la fois pour la Coupe Davis par BNP Paribas et pour l’ATP, se félicitait alors Francesco Ricci Bitti, président de la Fédération internationale. Les matchs en équipe nationale deviennent plus attractifs aux yeux des meilleurs joueurs. » Voilà pour la théorie. En pratique, les 625 points qu’un joueur peut, au maximum, amasser en remportant tous ses matchs dans une campagne, ne pèsent pas bien lourd devant le moindre des Masters 1000. Mais si un nouvel effort était fait pour doter le Saladier d’argent d’un barème à la hauteur de sa riche histoire, alors le résultat pourrait séduire à nouveau l’élite mondiale.

 

Avantage :

 

Alors que nombre de champions remettent en question la place ou le format de la Coupe Davis par BNP Paribas dans le calendrier, sa pleine intégration aux barèmes de l’ATP viendrait probablement à bout de bien des réticences. Sans parler du suspense rendu possible par le statut de dernier rendez-vous annuel occupé par la finale de l’épreuve. Pas plus tard qu’en 2013, l’affiche Serbie - République Tchèque a failli se révéler le juge de paix de la saison, tant le duel comptable entre Rafael Nadal et Novak Djokovic était serré.

 

Inconvénient :

 

Par définition, dans un exercice collectif, tout le monde ne part pas sur un pied d’égalité. Une équipe trop faible et c’est une campagne qui s’arrête très tôt, quand bien même il y a écrit Andy Murray sur sa carte d’identité. Mais une équipe trop forte, à l’image de l’Espagne ces dernières années, et voilà que des joueurs classés aux alentours de la 20e place mondiale restent sur le carreau. Pas top pour l’équité sportive.

 

La méthode dure : la fusion des classements

 

« Pour rajeunir le double, l’ATP et la WTA devraient n’avoir qu’un seul classement, basé à 75% sur les résultats en simple et à 25% sur les résultats du double. C’est d’ailleurs ce que je préconisais à l’époque où j’étais président du conseil des joueurs de l’ATP. » Pour l’Américain Tim Mayotte, lui-même ancien joueur de premier plan, le salut de la discipline aujourd’hui dominée par des pré-quadragénaires, passe par la fusion des résultats : toujours la prime au simple, mais mâtinée d’une pincée de double. Mayotte estime que cela contraindrait ainsi les meilleurs à renouer avec la discipline. L’option présente l’avantage d’exister déjà au niveau du classement mondial junior, offrant ainsi un terrain d’analyse. Depuis 2004, la hiérarchie des apprentis champions est calculée sur la base des six meilleurs résultats en simple et des six meilleurs résultats en double, ces derniers pondérés à hauteur de 25%. Le but avoué de l’ITF est « d’encourager la pratique du double chez les jeunes puis, en conséquence, au niveau professionnel. » L’évolution naturelle du processus conduirait-elle à l’appliquer « chez les grands » ?

 

Avantage :

 

Si les champions actuels auront du mal à accepter pareil virage, les générations suivantes, habituées à pratiquer ce type de classement combiné, y seraient probablement moins rétives. D’autant que le pari tenté par l’ITF se révèle globalement validé par les résultats sur le terrain, en particulier sur le circuit féminin, où la plupart des joueuses présentes dans le Top 10 en simple jouent également le double avec sérieux.

 

Inconvénient :

 

Le manque de lisibilité d’un tel classement. Pour certains, la greffe du double a pris, mais pas pour tous… Un choix fait en toute conscience, certes, mais qui n’aurait pas fini d’entraîner débat sur débat selon les conséquences au classement. L’expérience des juniors a montré que Grigor Dimitrov a pu se faire souffler le titre de champion du monde 2008 par le Taïwanais Yang Tsung-hua, malgré un avantage de deux succès en Grand Chelem à un en simple. A trois reprises, le n°1 mondial de fin d’année a même terminé l’exercice sans le moindre titre du Grand Chelem en individuel (Noppawan Lertcheewakarn en 2008, Juan Sebastian Gomez en 2010 et Irina Khromacheva en 2011).

 

La méthode dure (bis) : réaccélérer les conditions de jeu

 

Le joueur de tennis est avant tout un être pragmatique. Si les champions masculins ont tous renoncé au double depuis Kafelnikov et Rafter, au tournant des années 2000, c’est avant tout car l’exercice ne leur est plus d’aucune utilité en vue du simple. « Moi, je jouais beaucoup en double car cela permettait de travailler des aspects du jeu sans ressentir la morosité de l’entraînement », expliquait à l’époque le Russe, deux titres du Grand Chelem en simple et quatre en double. Mais avec le ralentissement des conditions de jeu opéré depuis une dizaine d’années, les compétences demandées par le double sont maintenant à l’opposé exact des fondamentaux du match en solo. Le simple actuel demande puissance et endurance en fond de court ? Le double requiert adresse et dextérité au filet. Le simple de nos jours s’appuie par ailleurs sur la solidité du revers à deux mains au détriment des approches à une main si efficaces pour prendre d’assaut le filet. Que le tennis reprenne un peu de vitesse et les cartes seront rapidement rebattues. Chez certains nouveaux venus au jeu porté vers l’avant, à l’image des Français Herbert et Olivetti, on remarque déjà un retour en grâce de la pratique du double en tant que projet, et pas seulement pour glaner quelques dollars supplémentaires de « prize money ».

 

Avantage :

 

Le manque de diversité parmi les styles de jeu pratiqués dans l’élite commence à se faire criant, et pourrait bien devenir un problème d’ici quelques années, comme il l’est déjà sur le circuit WTA. Plusieurs initiatives, individuelles à l’échelle des tournois ou globales comme le développement de la saison d’herbe à venir dès 2015 – promotion du Queen’s et de Halle en ATP500, création d’un ATP250 à Stuttgart – vont dans le sens d’une réaccélération du jeu. Et, du même coup, de la réécriture des lettres de noblesse du double.

 

Inconvénient :

 

Plus on monte vers le sommet de la pyramide, moins les figures tutoyant les cimes ont intérêt à ce que quelque chose change. Réclamant fréquemment plus de tournois sur terre battue aux dépens des épreuves sur dur, le n°1 mondial Rafael Nadal ne verrait pas forcément d’un très bon œil le retour à des surfaces réellement rapides. Sergiy Stakhovsky, rare représentant du service-volée encore présent dans le Top 100, se montre plus malicieux : « Moi, je suis d’accord pour jouer la moitié de l’année sur terre battue… mais alors je demande que l’autre moitié se joue sur des courts aussi rapides qu’il y a dix ans ! »

 

La méthode dingue : le meilleur en simple affronte les meilleurs en double

 

Deux contre un. La pratique a toujours existé. Elle porte même un nom : jouer « à l’australienne », en hommage aux inventeurs de cette technique d’entraînement où un homme seul affronte une paire de double. Personne n’a encore jamais tenté d’en faire une compétition à part entière. A tort peut-être, tant l’exercice possède un fort potentiel spectaculaire. On pourrait ainsi imaginer, sur chaque tournoi, une super-finale opposant le vainqueur du tableau de simple à la paire lauréate du double : le(s) vainqueur(s) remporte(nt) l’épreuve. Et là on se prend à rêver d’un choc entre Roger Federer et les jumeaux Bryan, des papys roublards Leander Paes et Radek Stepanek tentant d’embrouiller Novak Djokovic, ou de Sara Errani et Roberta Vinci essayant de dompter la puissance de Serena Williams. N’importe quoi ? Peut-être. Joué d’avance ? Pas si sûr : « Simple et double sont des disciplines tellement différentes que les résultats pourraient être surprenants, juge Bruno Soares, actuel n°3 mondial en double, interrogé sur le faible niveau actuel de sa discipline. Retourner le service de Bob Bryan ou le coup droit de Fernando Verdasco n’a rien d’aisé ! » Un seul moyen de savoir si la défense du Brésilien tient debout : essayer.

 

Avantage :

 

Points exceptionnels garantis pour un exercice hautement télégénique, réconciliant à ce titre les médias avec le double. La pratique en duo favorisant en outre les carrières longues, on pourrait même imaginer de surfer sur le phénomène IPTL (de nouveaux championnats inter-villes prévus en fin d’année, en Asie) en imaginant des affiches entre champions de générations différentes, avec par exemple en guest star un Pete Sampras toujours « fit » et redoutable au service.

 

Inconvénient :

 

Il faudra réfléchir à l’alternative possible quand un même joueur est qualifié pour la finale du simple et du double. Retenir alors la paire finaliste en double pour affronter ledit champion en simple ? Ou aller au bout de la logique de spectacle en tirant au sort un partenaire de double venu du public ? L’interaction ultime, en quelque sorte. The show must go on…

 

Par Guillaume Willecoq

 

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