Ramy Ezat, le tennisman à vélo

18 avr. 2023 à 06:00:00 | par Florian Cadu

Entre 2017 et 2019, un joueur français, totalement inconnu du grand public, s'est fait un nom sur le circuit secondaire en réalisant un authentique exploit : enchaîner consécutivement dix défaites sur le même score (6-0, 6-0 ) lors de matchs de qualifications sur les tournois Futurs. Alors, tennisman ou cycliste ?

Si pour une raison ou une autre, Lorenzo Musetti venait aujourd’hui à affronter Ramy Ezat, les pronostiqueurs auraient tout intérêt à mettre un beau billet sur le score exact de 6-0, 6-0. Car non seulement l’Italien, qui a battu Novak Djokovic en huitièmes de finale du Masters 1000 de Monte-Carlo 2023, aime particulièrement dessiner des bulles (il en avait collé trois d’affilée, juste avant d’éliminer le Serbe), mais son improbable adversaire en est l’un des plus grands spécialistes de l’histoire. Né le 1er août 1992 et méconnu de beaucoup, cet amateur a en effet fait parler de lui de 2017 à 2018 pour ses larges défaites s’enchaînant lors de matchs comptant pour les qualifications de tournois Futurs. De quoi le faire rentrer dans la catégorie des plus mauvais joueurs de l’histoire, à coup sûr, au vu de ses résultats.

Ses résultats sur le circuit, justement, les voilà : dix matchs (un en 2017, sept en 2018 et deux en 2019) pour dix revers… et vingt bulles. 0-6, 0-6 : voici donc le seul score qu’a connu le Français, dont la principale qualité serait donc l’obstination. Hugo Gaston,Thomas Servien, Lofo Ramiaramanan (en salle), Edgar Jeanmougin, Joris Bodin, Luis Erlenbusch, Antoine Fouche (sur terre battue), Emilien Burnel (sur dur, en à peine plus d’une demi-heure)... Tous ont infligé le tarif habituel à l’habitué de la lose, qui a parfois même réussi à faire encore plus fort. À Poitiers, Pierre Delage a ainsi obtenu un golden set : dans la seconde manche, son adversaire a perdu absolument tous les points joués alors qu’il n’en a gagné que deux dans la première (dont une sur double faute). Autre exemple à Saint-Dizier avec Quentin Gueydan, qui a carrément sorti un golden match. Mais alors, comment expliquer de tels exploits ?

En vérité, le dénommé Ramy Ezat n’était classé que 30/1 et profitait donc d’une faille au niveau de la réglementation. Car pour participer aux qualifications d’un Future, il suffit en fait d’être licencié sur le plan international (IPIN) puis… de payer pour s’inscrire à la compétition voulue, tout simplement. Dans le cas où quelques désistements de joueurs mieux classés apparaissent, les moins bons sur le papier peuvent donc entrer en scène. Chose qu’avait parfaitement compris le patient cycliste, faisant le voyage (aux quatre coins de l’Hexagone, mais aussi en Hollande ou en Belgique) sans même savoir s’il pourrait taper la balle et pas si malheureux de rentrer à chaque fois à vélo.

"Faut le vivre pour en parler"

C’est de l’argent dépensé, c’est ma vie, c’est ma passion et j’essaye de faire mon mieux, c’est dommage que je galère. Parfois j’ai l’impression d’être seul au monde, loin de chez moi, dans le train sans batterie sur mon téléphone sans même savoir si je vais pouvoir entrer dans le tournoi. Je prends ces risques peut-être parce que je suis fou, parce que je suis malade, se justifiait le protagoniste pour 20 minutes en octobre 2018, se défendant également d’être si maladroit. J’ai mis dix points l’autre fois, et bon le golden match ça m’est arrivé une fois. Je suis 30 mais je joue 15 hein. Une fois j’avais une mauvaise raquette et une autre fois j’ai tellement stressé la nuit d’avant que j’ai pas dormi. Les mecs de mon niveau servent tout doucement, ils sont nuls. Je préfère jouer contre des professionnels. Ça me procure des sensations inexplicables. Ce sont des matchs que t’oublies jamais. Je peux vous décrire chaque point de chaque match, faut le vivre pour en parler. C’est pas donné à tout le monde de vivre ça. Je suis capable d’aller jusqu’en Australie prendre un 6-0, 6-0. Tant que je joue le match, ça va.

A l’époque, son rêve était de fouler l’ocre de Roland-Garros. Un fantasme de dingue pour un drôle de personnage, qui était souvent vu sur les bords du terrain avec une casquette Ralph Lauren vissé sur la tête et en compagnie d’un sac Louis Vuitton. Malheureusement pour lui et pour les amateurs de roue libre, l’étrange Ramy Ezat - qui n’avait pas de club, lorsqu’il prenait du plaisir à encaisser des raclées - n’a pas encore vu son utopique souhait devenir réalité. Sait-on jamais.

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