Sa vie est un roman, et le tennis définitivement une douce plaisanterie après les rigueurs endurées. La balle jaune a tout donné à Mansour Bahrami, arrivé sans argent ni papiers en France à la suite de la révolution islamique en Iran. En retour, la plus belle moustache des courts de l’après-guerre – ex-aequo avec Ion Tiriac – a vécu ce sport comme un moment de partage avec le spectateur : la joie, le rire et la complicité avant la victoire. Il livre son Top 5 des plus grands magiciens de la balle jaune.
1- Ilie Nastase
« Il y a une légende qui dit que Nastase pouvait se lancer le défi de jouer un set entier sans frapper deux fois le même coup. Je ne sais pas si c’est vrai, mais quelque part le simple fait d’envisager cette possibilité en dit long sur le talent d’Ilie… et sur son caractère fantasque. On a tous une histoire avec Nastase : moi, à douze ans, j’ai été ramasseur de balles lors d’une rencontre de Coupe Davis par BNP Paribas : Iran – Roumanie. Il m’avait engueulé sur le court parce que je ne pouvais pas m’empêcher de soutenir mon joueur ! Mais je suis vite tombé amoureux de son jeu. Ilie possédait une main incroyable, un toucher de balle exceptionnel. Et il aimait en faire profiter les spectateurs. Il a gagné le cœur du public par son amour sincère pour le tennis. »
2- Roger Federer
« Federer, c’est un génie, le plus grand joueur de l’ère moderne. Parce qu’il y a ses 17 titres du Grand Chelem, bien sûr, mais aussi parce qu’il a – il me semble – su garder en lui l’aspect ludique du tennis, le plaisir de jouer un beau point, de s’amuser sur le court. Et ça aujourd’hui, c’est devenu très difficile. Un junior qui a du potentiel de nos jours est tout de suite entouré de pros, de sponsors... Les intérêts sont grands. Alors qu’à mon époque, nous gagnions peu… et donc avions peu à perdre ! Cela n’a plus rien à voir aujourd’hui. Un champion ne peut plus vraiment se permettre de rigoler. »
3- Rod Laver
« Il avait à la fois la finesse et la puissance. Cette génération de joueurs australiens, les Laver et Rosewall, ce sont les premiers champions que j’ai vu évoluer sur un court, à l’occasion d’un tournoi international en Iran. Ils n’étaient déjà plus les joueurs qui se partageaient tous les titres du Grand Chelem dans les années 1960, mais ils étaient encore extrêmement impressionnants à voir jouer, surtout que les raquettes en bois n’avaient rien à voir avec le matériel actuel. »
4- Fabrice Santoro
« Il y a deux catégories de joueurs qui participent aux exhibitions du Senior Tour ou du Trophées des Légendes : ceux qui font rire, et ceux qui, plus sérieux, vivent encore fortement la compétition. C’est une question de personnalité. Sur le court, Björn Borg ne fait rire personne. Mais il impressionne par sa stature et la présentation de ses 11 tournois du Grand Chelem au moment de l’entrée sur le court. Quelqu’un comme Fabrice Santoro n’a pas ce palmarès qui suscite l’admiration, mais il possédait des coups uniques et une intelligence de jeu qui lui valent d’être aujourd’hui encore reconnu comme un magicien du tennis. C’est l’un des jeux les plus atypiques de ces dernières années. »
5- Moi-même
« Allez, moi-même, peut-être. Nastase m’a dit un jour que si j’avais pu jouer normalement entre 20 et 30 ans, j’aurais fait partie du Top 10. Moi, je n’en sais rien. Ce qui est sûr, c’est que j’adore jouer, et j’adore constater que les gens s’amusent toujours quand ils me regardent. J’en ai perdu, des matchs, parce que je préférais faire plaisir au public plutôt que de triompher ! Mais dans le fond, j’y ai gagné beaucoup plus : à mon âge, c’est quand même fabuleux que les gens veuillent encore me voir sur un court. Je ne suis pas Borg et McEnroe, et pourtant on me demande encore de jouer devant des milliers de personnes. Je ne l’aurais jamais imaginé… »
