S’il y a bien une chose que personne n’enlèvera jamais aux Etats-Unis, c’est l’idée de rêve américain. Une réalité pour beaucoup, mais parfois un mirage, quand la marche est trop haute. C’est le cas pour Stefan Kendal Gordy, joueur de tennis occasionnel qui s’est lancé le défi fou de se qualifier à l’US Open. Voici son histoire, et c’est pas celle de n’importe qui.
Le 20 juin dernier, Stefan Kendal Gordy prend la direction du Chamisal Tennis & Fitness Club, à Salinas, en Californie. C’est un tournoi pas comme les autres qui l’attend : le tournoi de l’Etat qui, en cas de victoire, donne accès aux qualifications à l’US Open. Barbare. Pourtant, le pedigree de Stefan laisse songeur au mieux, perplexe surtout : aucune victoire enregistrée sur la saison 2013 et une place dans le Top 40 du sud de la Californie…à ses 16 ans. Il en a aujourd’hui 37. Bienvenue dans le rêve américain, celui d’espérer taper au moins 3 sets à Flushing Meadows.
La dégaine de Stefan décoiffe sur le court de Salinas: des lunettes blanches beaucoup trop grandes… et sans verres, un bandeau-éponge bleu pour tenir une tignasse des plus fournies et des pompes de basketball vertes fluorescentes. Une belle promesse, surtout que face à lui se présente le champion de Californie, catégorie U17, Scott Gray. Stefan a de la chance. Le public est au rendez-vous pour son entrée en 32èmes de finale du tournoi. Stefan a même beaucoup de chance. Alors que Scott Gray, 19 ans, lui inflige un sec et logique 5-0, ce même public s’amourache de lui, et lui prête des vraies pompes de tennis. Finies les glissades, le voici parti pour remporter son premier jeu. « Je ne savais pas que les chaussures influençaient autant le jeu », regrette le mal-chaussé après la rencontre. Qui fut brève. 6-1, 6-2. Stefan sort tout de même sous l’ovation du public, pendant que Scott paraît soulagé: « Je n’avais jamais joué devant autant de public, le bruit, tout ça… », souffle-t-il après-match.
Becker et Sampras, amis des parents
Même s’il misait sur un heureux malentendu, Stefan était surtout venu pour le show. Plus connu sous le pseudo de Redfoo, le fils du fondateur de la Motown, Berry Gordy Jr, cartonne sur la scène mondiale avec son duo LMFAO. Depuis peu, il est aussi entré dans le monde du tennis professionnel. Comment ? Grâce à sa romance avec Victoria Azarenka, cador du circuit WTA. Membre du comité de soutien de la tenniswoman à Melbourne, Redfoo racontait sur ESPN sa façon d’aider : « Il faut que je la divertisse hors des courts. L’autre jour, je lui acheté un piano. Elle ne le savait même pas. Je lui fais : ‘Hey, j’ai une surprise pour toi !’. Depuis, elle essaie de jouer du piano tous les jours ». Redfoo a même samplé le cri tennistique de sa Victoria dans un titre étrange Heart of a champion. En fait, ce Redfoo aurait sans doute préféré vivre sa vie de Stefan, tennisman. La vie lui avait d’ailleurs réservé quelques signes précoces: « Ma mère jouait au tennis, enceinte de moi. Je ne sais pas si c’est vrai, mais elle aurait même perdu les eaux sur le court familial. Mais vous savez comment les mères exagèrent ». Boris Becker avait l’habitude de jouer aux échecs avec le paternel. Quant à Stella Sampras, elle est venue un jour chez ses parents et a mis un 6-4 à un Stefan encore un peu tendre. Une mauvaise chute au snowboard et des raquettes perdues ou volées en Suède lui font changer de route: « C’était peut-être un signe. J’avais rien à faire et il fallait que je fasse quelque chose. J’ai commencé à prêter plus d’attention à la musique ». En tournée, Redfoo n’hésite d’ailleurs jamais à trouver le tennis-club du coin, histoire de frapper quelques balles, voire participer à un tournoi. Le tableau de chasse est jusque-là modeste: « J’ai déjà joué contre un joueur malaisien de l’équipe de Coupe Davis par BNP Paribas. Il avait 19 ans ».
Après la lourde défaite contre Scott Gray, Stefan s’offre un dernier petit plaisir. Si le coup est passé loin en simple, il pourrait y avoir une ouverture pour les qualifs’ du double mixte à l’US Open. La machine à rêve tourne à nouveau. Brièvement encore. Accompagné d’une jeune Japonaise de 17 ans, Ayaka Okuno, il résiste mieux qu’en simple mais perd dès son entrée en lice (6-3, 7-6). Depuis, il joue même au coach avec cette jeune nippone, promise à « un top 10 en pro » selon lui. Son rêve du moment.
Par Ronan Boscher