Thomas Enqvist. Un nom qui fleure bon la Suède qui gagne, les moquettes fusantes des 90’s, les Kafelnikov, Rios ou Rafter à la lutte avec Sampras au sommet… et le fossé plus large que la Manche existant entre spécialistes de Roland-Garros et adeptes de Wimbledon. Finaliste à l’Open d’Australie en 1999, triple vainqueur en Masters 1000, que devient donc le grand frère tennistique de Tomas Berdych ?
« Dis bonjour ! » Espiègle et souriant, le Thomas Enqvist quasi-quadragénaire. Loin de la mine austère affichée durant ses 15 années passées sur le circuit professionnel, l’homme est aujourd’hui capable de vous coller à l’improviste son téléphone à l’oreille, simplement pour vous faire échanger deux amabilités avec son épouse, Carine, une Française d’Aix-en-Provence, « un très joli coin de France ». Il n’en dira pas plus dans la langue de Molière, quoique l’ayant sérieusement travaillée depuis sa retraite, en 2005.
Comme la plupart des joueurs de sa génération, Thomas Enqvist s’est beaucoup investi dans l’entreprise d’intérêt national de relance du tennis suédois, moribond depuis la disparition de Robin Söderling. A peine le temps de pouponner que l’ancien n°4 mondial entre à la Fédération suédoise de tennis, au sein d’un programme d’accompagnement des meilleurs juniors du pays. Il explique : « L’idée était d’établir un lien entre nous, les anciens avec une grande expérience du haut niveau, et les jeunes les plus prometteurs, pour les aider à se préparer aux exigences du circuit. Il y a un tel fossé aujourd’hui entre l’ATP Tour et les tournois juniors, ou les Futures… »
Capitaine d’un vaisseau amiral suédois en perdition…
Dans la continuité de cette tâche, c’est de manière assez logique qu’à la fin 2009, il prend la succession de Mats Wilander à la tête de l’équipe suédoise de Coupe Davis par BNP Paribas. S’il vit cette nomination comme un honneur - « Représenter son pays, en tant que joueur puis en tant que capitaine, c’est le plus grand honneur qui puisse distinguer un tennisman » – il sait aussi que le poste n’a rien d’un cadeau : trois ans durant, l’équipe joue à l’équilibriste sur le fil de la relégation, avant que le couperet ne tombe, fin 2012, avec une cinglante défaite 5-0 en barrages, contre la Belgique.
Une triste fin pour le capitanat d’Enqvist, désireux de passer la main. Mais ses dernières rencontres sur le banc ont toutefois permis au double vainqueur de la compétition - en tant que joueur (1997, 1998) - de voir le travail de fond donner ses premiers fruits : longtemps contraint de ressusciter les éternels blessés Joachim Johansson et Andreas Vinciguerra à chaque week-end de Coupe Davis par BNP Paribas, Enqvist a enfin pu faire appel à du sang neuf lors des derniers rassemblements, avec les sélections des jeunes Markus Eriksson et Isak Arvidsson.
… il domine le Senior Tour et bat des pros à l’entraînement
Après les jeunes, les vieux. Début 2012, Thomas Enqvist change de casquette et devient directeur de l’épreuve Senior tour de Stockholm, nouvellement créée : « Pour être honnête, j’ai eu besoin d’un coup de main au début, pour savoir comment tout ça fonctionne. Je pense que c’est une chose d’être directeur d’un tournoi déjà existant, c’en est une autre d’être directeur pour une première édition. C’est rude, mais j’aime ça. Tant de préparation en amont, de gens à rencontrer… C’est énormément de travail pour trois jours qui filent à toute allure ! Mais c’est une sensation agréable de constater à la fin que le travail a été bien fait, et que tout roule. »
Lui-même n’est d’ailleurs pas le dernier à ressortir la raquette dans ces exhibitions de légendes, et son taux de réussite y est insolent, puisqu’il a gagné sept des dix épreuves auxquelles il a participé depuis 2009. Per Gut, journaliste à l’Expressen, l’un des quotidiens nationaux suédois : « Thomas est un vrai mordu de sport. Il n’a jamais cessé de s’entretenir. Quand il était capitaine de Coupe Davis par BNP Paribas, il jouait des sets d’entraînement avec les joueurs retenus en sélection, et il les battait très souvent. Sur trois sets, il ne tiendrait plus, mais sur quelques jeux, il n’a rien perdu de sa qualité de frappe. » De quoi lui donner la nostalgie de la compétition ? Petit sourire de l’intéressé : « L’excitation juste avant d’entrer sur le court me manque. Se sentir nerveux, entendre les clameurs du public dehors, avoir la chair de poule… La compétition elle-même ne me manque pas, mais la poussée d’adrénaline qu’elle procure, oui. On n’est jamais tout à fait sevré de cette sensation. »
Tous propos recueillis par Guillaume Willecoq