A moins d'un mois de Roland-Garros, où en est Gaël Monfils ? J'ai discuté avec son coach du moment: Eric Winogradsky.
Je voulais prendre des nouvelles de Gaël et savoir si le programme avait changé.
Le programme n'a pas changé. A priori, l'idée est toujours de faire Munich puis en fonction des résultats, les qualifs à Madrid.
Qu'est-ce qu'il a, exactement ?
Comment ça, qu'est-ce qu'il a ?
Je pensais qu'il était blessé.
Non, il s'est juste bloqué le dos. Il se l'est fait débloquer par son kiné-ostéo à Genève. A priori, ça devrait le faire pour Munich.
Alors plus de peur que de mal ?
Oui. Il s'était un peu bloqué la cheville en début de semaine car les lits étaient très petits. C'est sans doute pour cela qu'il s'est bloqué le dos. Gaël est extrêmement à l'écoute de son corps. Il n'a pas du tout envie de se blesser de nouveau. Il a déjà donné l'année dernière.
Vous êtes-vous fixé un pari un peu fou pour Roland-Garros avec Gaël ?
On ne s'est pas fixé de pari fou, ça c'est sûr. Aujourd'hui, la situation de Gaël est celle du mec qui a été blessé l'année dernière, qui n'a pas joué pendant un long moment, qui a repris la compétition en octobre et une deuxième fois en début d'année dans des conditions de jeu indoor ou dur. Aujourd'hui, il arrive sur terre battue, une surface qui réclame une préparation différente parce que les filières de jeu sont beaucoup plus longues. Il essaye de se préparer et d'être performant sur cette surface.
Quand tu t'entends comparé à Hagelauer pour Noah il y a trente ans, tu rigoles ?
Oui je rigole car il est impossible de remplacer X mois de non pratique de sport à haut niveau par quelques semaines d'entraînement. Ce n'est juste pas possible. Sinon, ça serait super sympa pour tout le monde. Il faut vraiment lui laisser du temps. C'est déjà compliqué comme situation. Bien entendu qu'il ne se satisfait pas de son classement, mais malgré tout, ça va prendre du temps. Il faut qu'il reprenne le rythme de l'entraînement et de la compétition et lorsque qu'on a du s'arrêter plusieurs mois, ça ne revient pas comme ça du jour au lendemain. Même avec la meilleure volonté du monde. Son objectif est de rester en bonne santé et de ne pas se refaire mal. Il faut donc faire les choses intelligemment. La seule certitude, c'est que ça ne va pas revenir en deux temps trois mouvements, même s'il en a envie.
Donc, s'il soulève la Coupe des Mousquetaires à Roland-Garros, c'est au-delà du miracle ?
On peut lui souhaiter. Tout le monde serait content. Mais dans un premier temps, l'idée est de se dire : « Je suis 100 et quelques au classement ATP, je ne suis pas numéro 10, 7 ou 15. Aujourd'hui, mon statut a changé, je ne suis plus protégé avec un statut de tête de série ». Aujourd'hui, ses habitudes de travail ne sont plus les mêmes.
L'a t-il intégré ?
Il commence. Mais c'est difficile de passer du fonctionnement qui était le sien pendant X années à cette nouvelle donne.
Donc, il ne faut pas que l'idée de jouer des qualifs le rebute ?
Ah mais non pas du tout. Ça ne le rebute pas du tout. La preuve, il a fait des demandes. Quand il réfléchi à disputer le challenger de Bordeaux, c'est qu'il se dit : « c'est ce qu'il y a de mieux pour moi ». Ce n'est pas mal de faire des tournois où il a plus de chances d'enchaîner des matchs. D'autres l'ont fait avant lui, comme Richard (Gasquet), Mika (Llodra)... Ce sont de bonnes opportunités.
Tu as travaillé avec pas mal de joueurs, comment les compares-tu à Gaël ?
Gaël est quelqu'un de très surprenant. On ne se connaissait pas vraiment quand on a commencé ensemble. J'ai été surpris de voir qu'il a beaucoup de centres d'intérêts dans lesquels il s'investit énormément et dont il a besoin pour se nourrir intellectuellement, culturellement, socialement ou physiquement. Mais il ne fait pas les choses à moitié. Il se prend de passion pour les choses et ne les fait pas à moitié. Je trouve cela très bien car il n'est pas focalisé sur son métier. Emotionnellement et humainement, c'est quelqu'un de très riche. Il attend beaucoup. Il n'envisage pas de travailler avec quelqu'un qui n'aurait pas suffisamment d'écoute, qui ne partagerait pas de la même manière ses centres d'intérêts. Bref, ça va au-delà de l'aspect entraîneur-entraîné. Franchement, c'est quelqu'un que je trouve très agréable à côtoyer au jour le jour.
Pour l'instant, vous avez prévu de travailler ensemble jusqu'à Roland-Garros ?
On est parti du principe que j'allais lui donner un coup de main jusqu'à Wimbledon et pendant ce temps-là, il continue de chercher un entraîneur. Mais j'ai d'autres missions, c'est pourquoi ce n'est pas toujours simple ni possible de l'accompagner partout.
Tu envisagerais de devenir son entraîneur à plein temps s'il te le demandait ?
Non et il le sait. C'est impossible, j'ai une mission à la fédération qui me passionne et qui me prend beaucoup de temps. Maintenant, si on peut trouver une autre moyen de fonctionnement... Mais ce n'est pas d'actualité pour l'instant. On se concentre sur le fait de bien travailler et qu'il retrouve petit à petit le rythme, les cadences du haut niveau. Il faut qu'il puisse retrouver un niveau de jeu qui lui permette de rivaliser à nouveau avec les meilleurs joueurs du monde. Ca prendra du temps. Il faut lui laisser ce temps.