C’est lors de l’édition 1986 des Internationaux de France de Roland-Garros que s’est déroulé l’un des plus improbables renversements de situation de l’histoire du tennis. Il implique le joueur français le plus...
C’est lors de l’édition 1986 des Internationaux de France de Roland-Garros que s’est déroulé l’un des plus improbables renversements de situation de l’histoire du tennis. Il implique le joueur français le plus fantasque de l’époque, un rugueux Brésilien, un entraîneur malin, une femme de comédien enceinte, un ramasseur de balles zélé et un juge arbitre aveugle. Récit d’un match pas banal par ceux qui l’ont vécu.
« Bonjour Henri ! Je voudrais vous parler de votre victoire contre Cassio Motta à Roland-Garros en 1986, vous vous en rappelez ? » Au bout du fil, Henri Leconte, alias Riton, est goguenard. « Si je m’en souviens ? Oh oui, un tout petit peu ! » Cette année-là, pourtant, le gaucher atteindra les demi-finales du tournoi de la porte d’Auteuil, s’inclinant face à la révélation suédoise Mikael Pernfors (2/6, 7/5, 7/6, 6/3). Mais c’est bien sûr ce match face à Cassio Motta qui reste dans les mémoires. Pourquoi ? Parce que le pitch de cette rencontre la présente comme l’un des plus épiques rebondissements de l’histoire du tennis et qu’au générique figure l’un des joueurs les plus atypiques du circuit ATP des années 80. Le seul capable d’un tel scénario, d’après son coach de l’époque Patrice Dominguez. « C’était un joueur assez amnésique, capable de passer du rire aux larmes et inversement. Cette instabilité lui a permis de se sortir de situations désespérées. Il lui suffisait d’un déclic, un coup réussi, pour oublier complètement ce qu’il avait mal fait jusqu’alors et se remettre à jouer du tennis de très haut niveau. »Un carton VIP
Roland-Garros 1986, donc, troisième tour des Internationaux de France. Le court central est bien garni pour assister à la rencontre entre Henri Leconte, alors dans le top 10 mondial, et le Brésilien Cassio Motta, un joueur réputé coriace mais a priori prenable. « D’autant plus qu’Henri a abordé ce match en grande forme, il devait facilement gagner », se rappelle Patrice Dominguez, qui assiste à la partie depuis une loge située en fond de court, sous la tribune présidentielle. Dans les rangs tricolores, l’optimisme laisse pourtant vite place à l’inquiétude : le bras gauche de Riton, d’ordinaire si redoutable, fait dans le grand n’importe quoi. « C’était horrible, se souvient-il aujourd’hui, les balles partaient dans les bâches, je n’arrivais à rien, j’étais perdu sur le court, frustré, tellement frustré… » 6/1 pour le Brésilien dans le premier set, puis 6/3 dans le second, la défaite du Français se profile irrémédiablement. Dominguez y assiste, impuissant :« J’étais désemparé, j’avais épuisé toutes mes cartouches verbales mais rien n’y faisait, Henri avait la tête et les épaules basses, il encaissait les coups de Motta qui, il faut bien le dire, évoluait au-dessus de son niveau habituel. »Déterminé à communiquer coûte que coûte avec lui (« Il a toujours eu besoin d’amour, besoin d’être soutenu »), l’entraîneur aujourd’hui devenu consultant a l’idée « un peu en désespoir de cause de griffonner un mot d’encouragement sur un carton d’invitation ».