De ses défaites en finale de Grand Chelem à sa double opération de la hanche en passant par son sacre à Wimbledon, ses médailles olympiques et sa place de numéro 1 mondial, retour sur la décennie majestueuse d’Andy Murray.
2011 - Rome, la plus belle défaite
À gauche, Novak Djokovic, numéro 2 mondial et invaincu depuis 35 matchs. À droite, Andy Murray, numéro 4 mondial, balayé en finale du dernier Open d’Australie par le Serbe (4-6, 2-6, 3-6) et qui n’a toujours pas atteint la moindre finale d’un tournoi sur terre battue. Autant dire que l’affiche de cette demi-finale du Masters de Rome s’annonce déséquilibrée. Et ce n’est pas le premier set remporté 6-1 par un Djokovic sur un nuage, à l’image d’un échange de 26 coups terminé par une amortie de toute beauté, qui va prouver le contraire. Oui, mais voilà, l’Écossais, qui vient tout juste de mettre fin à sa collaboration avec Àlex Corretja, a du cœur et du caractère. Les rallyes de 33 coups sont désormais lui. 6-3. C’est alors que débute un combat de boxe où chaque break est répondu par un débreak. 5-4. Andy Murray sert pour le match, et craque. Double faute. Un filet pour Nole. Deuxième double faute. 5-5. L’Écossais a laissé passer sa chance et après 3h02 de jeu, dont 1h24 pour l’unique troisième set, s’incline au tie-break (7-2) lors d’une rencontre qui sera élue plus beau match en deux sets gagnants du circuit ATP de l’année 2011. Dépité, Andy ne pouvait pourtant pas faire beaucoup mieux : « J’ai joué mon meilleur tennis contre le meilleur joueur du monde du moment... » Il prendra toutefois sa revanche cinq ans plus tard en remportant le Masters de Rome face au même Novak Djokovic.
2012 - Dans les pas de Fred Perry
Comme le chante Orelsan, “la vie c’est des cycles”, qui peuvent être plus ou moins longs. En l’occurrence, celui des joueurs de tennis britanniques absents des palmarès de Grand Chelem a été particulièrement très long. Simple : depuis Fred Perry en 1936, aucun Britannique n’a remporté un tournoi majeur malgré plusieurs finales de Bunny Austin, John Lloyd, Greg Rusedski et Andy Murray, qui vient d’essuyer un cinquième échec en finale lors de cette année 2012, à Wimbledon. La fois de trop pour l’Écossais, alors coaché par Ivan Lendl et ses huit titres en Grand Chelem. Sa victoire en simple aux JO de Londres, où il a séché Federer et Djokovic, va alors être un déclic. C’est en tout cas ce que l’US Open de fin d’année semble montrer avec cette finale face à son meilleur ennemi Novak Djokovic qui tourne, pour la première fois face au Serbe en Grand Chelem, en sa faveur (7-6, 7-5, 2-6, 3-6, 6-2). Une rencontre qui aura duré 4h54, soit le même temps record que celui de la finale 1988 opposant Mats Wilander à...Ivan Lendl. Voilà comment Andy Murray soulève son premier Grand Chelem à New York, un 10 septembre, à 25 ans, dans le même stade et à la même date que le dernier sacre majeur de Fred Perry. De là à dire que Andy Murray sera une marque de vêtement dans les prochaines années, il n’y a qu’un pas.
2013 - Le spécialiste des retournements de situation
Retour en 2005. Alors âgé de 18 ans et 374e mondial, Andy Murray reçoit une wild-card pour participer à son premier Grand Chelem, à Wimbledon. L’Écossais se montre à la hauteur de l’évènement en battant le qualifié suisse George Bastl au premier tour, puis la tête de série n°14 Radek Štěpánek au tour suivant. Au troisième tour, c’est David Nalbandian qui se présente face à lui. Mené 2-0, l’Argentin va finalement s’imposer 3-2. Andy Murray ne le sait pas encore, mais c’est l’unique fois de sa carrière qu’il s’inclinera après avoir remporté les deux premiers sets. À l’inverse, il deviendra un spécialiste des retournements de situation. Ce n’est pas Richard Gasquet, retourné deux fois par l’Écossais, qui dira le contraire. Huit ans plus tard, lorsqu’il est mené 2 sets à 0 par Fernando Verdasco en quart de finale de Wimbledon, Murray a peut-être pensé à sa rencontre face à Nalbandian. Une chose est sûre : le natif de Glasgow a alors retrouvé tout son tennis pour s’imposer une septième fois après avoir été mené de deux sets (4-6, 3-6, 6-1, 6-4, 7-5). Intouchable, Andy déroule par la suite et explose en finale son bourreau du dernier Open d’Australie Novak Djokovic (6-4, 7-5, 6-4), qui encaisse le premier 3-0 de sa carrière en finale d’un Grand Chelem. L’Écossais devient ainsi le premier britannique à remporter Wimbledon depuis...Fred Perry en 1936.
2015 - Victoire de famille
C’est avec Amélie Mauresmo comme coach que Andy Murray aborde la saison 2015. Un choix critiqué par beaucoup à écouter le principal intéressé dans une tribune pour le CIO : « Au vu des réactions, j'ai réalisé que la nomination d'Amélie comme entraîneur posait problème. La raison pour laquelle on s'interrogeait à son sujet était purement basée sur le fait qu'elle soit une femme. » C’était pourtant mal connaître l’histoire de l’Écossais dont la première coach n’était autres que sa mère Judy, ancienne joueuse professionnelle, qui a pris sous son aile le petit Andy et son grand frère Jamie. Depuis leur enfance, les deux frangins tapent dans la balle jaune ensemble. De quoi expliquer les automatismes aperçus en quart de finale de Coupe Davis 2015 face à la France lorsque Andy et Jamie, spécialiste du double, ont battu la paire Tsonga-Mahut (4-6, 6-3, 7-65, 6-1). C’est bien connu, dans cette compétition, le double a une importance primordiale, et notamment lorsque l’équipe ne compte qu’un membre dans le top 80 comme c’était le cas du Royaume-Uni à cette époque. Andy Murray le sait : pour offrir une victoire à son pays, qui attend un premier succès depuis 1936, il va devoir remporter toutes ses rencontres. En simple comme en double. Et c’est ce qu’il va faire contre la France donc, mais aussi l’Australie en demi-finale avec en point d’orgue un double de plus de quatre heures de jeu face à la paire Sam Groth-Lleyton Hewitt (4-6, 6-3, 6-4, 66-7, 6-4). Qualifié pour la finale, Andy Murray ne peut empêcher de voir ses larmes couler. Avant de les sécher, le temps d’écraser la Belgique en finale, avec son frère à ses côtés. La mère est alors en tribunes, forcément très fière de ses bambins.
2016 - L’or lui va si bien
Usain Bolt, Michael Phelps, Tony Estanguet... Il n’est pas rare de voir un athlète conserver sa couronne d’une édition à l’autre aux Jeux Olympiques. Sauf au tennis, où cela n’a alors jamais été réussi en simple (hommes comme femmes) avant les Jeux de Rio. C’est dire l’exploit qui attend Andy Murray, désigné porte-drapeau de la délégation du Royaume-Uni. Sauf que ce dernier, qui a retrouvé son coach Ivan Lendl et qui vient de rouler sur Wimbledon, n’est pas du genre à être envahi par le stress. Et ce, même lorsqu’il est mené 3-0 dans le dernier set face à Fabio Fognini en huitièmes. La suite ? Un 6-0 pour aller chercher son ticket pour les quarts, avant de battre Steve Johnson au tie-break dans le set décisif, puis Kei Nishikori en demi-finale. Opposé à Juan Martín del Potro, un autre bagarreur, Andy Murray sort vainqueur d’un combat de 4h02 (7-5, 4-6, 6-2, 7-5). Sauf que ceci n’est rien comparé au match retour entre les deux hommes quelques semaines plus tard, en demi-finale de Coupe Davis, à Glasgow, chez Andy. Un duel qui tourne cette fois-ci en faveur de l’Argentin après plus de cinq heures de jeu (4-6, 7-5, 7-65, 3-6, 4-6) pour ce qui reste probablement le plus beau match de la décennie dans cette compétition.
2016 - Au sommet du tennis mondial
Federer, Federer, Federer, Federer, Nadal, Federer, Nadal, Djokovic, Djokovic, Nadal, Djokovic, Djokovic. Voilà à quoi ressemble la place de numéro 1 mondial en fin de saison depuis 2004. Une folle série qui aurait pu continuer jusqu’au moins 2021 si un homme n’avait pas eu envie de se mêler à la fête : Andy Murray, sans discussion possible le joueur le plus fort hors de ce Big 3, qui était en réalité un Big 4. Finaliste en Australie et à Paris, vainqueur à Wimbledon, le double médaillé d’or aux JO a aussi remporté les Masters 1000 de Rome et de Shanghai en 2016. Au Masters de Bercy, Andy Murray devait rejoindre la finale pour devenir le 26e numéro un mondial depuis 1973 et le plus âgé à atteindre cette place depuis John Newcombe en 1974. Une mission réussie avec l’abandon de Milos Raonic en demi-finale, lui laissant la voie libre vers la place de n°1 mondial et la victoire finale contre John Isner. Quelques semaines plus tard, l’Écossais retrouve le Canadien en demi-finale du Masters. Sauf que cette fois-ci, Milos Raonic n’est pas là pour lui faire de cadeaux avec son service surpuissant. Insuffisant toutefois pour vaincre Andy Murray, qui s’en sort en 3h38 (5-7, 7-65, 7-69) - soit le match le plus long de l’histoire du Masters - avant de dégommer Djokovic en finale et prouver qu’il est bien le plus fort de cette année 2016. Le déclic ? La paternité, à écouter son entraîneur-adjoint Jamie Delgado à la BBC : « La paternité lui a permis d'être plus mature. Beaucoup de choses se sont passées en dehors des courts qui l'ont vraiment aidé à devenir plus calme sur le circuit. » Baby blues, quoi ?
2017 - Le jour où le public de Roland-Garros a cessé de le huer
C’est un doux euphémisme de dire que Andy Murray n’est pas le joueur préféré du public parisien. La raison de cette colère ? L’édition 2012 de Roland-Garros, durant laquelle l’Écossais faisait sans cesse appeler au kiné pour son dos et alterner entre grimaces et rallyes gagnants. Avec en point d’orgue cette victoire en huitièmes contre le chouchou Richard Gasquet, qui s’est plaint de l’attitude de son homologue. Depuis, les sifflets accompagnent souvent Murray dans la capitale. Jusqu’à cette demi-finale face à Stan Wawrinka, en 2017. Celui que l’on doit désormais appelé Sir depuis qu’il a été anobli par la Reine Élizabeth II a pour la première fois eu la reconnaissance du stade Chatrier qu’il mérite. Malheureusement pour lui, ces applaudissements sont intervenus après une défaite face au Suisse (7-66, 3-6, 7-5, 63-7, 1-6). Mais vu le spectacle proposé par les deux hommes pendant 4h34, le public ne pouvait pas faire autrement que d’applaudir le perdant malheureux. Finalement, ce tournoi de Roland-Garros sera la seule éclaircie d’une année marquée par une défaite en Australie en huitièmes contre Mischa Zverev, une autre en quart à Wimbledon contre Sam Querrey et surtout des blessures au coude et à la hanche qui l’ont fait manqué une grande partie de l’année et lui ont coûté sa place hors du Top 10 mondial pour la première fois depuis 10 ans.
2018 - Une opération insuffisante
Passé sous le billard n’a jamais fait peur à Andy Murray. En 2013, il avait déjà manqué l’US Open pour se faire opérer au dos et revenir au plus haut niveau pour aller chercher la place de numéro 1 mondial deux ans plus tard. Pourtant, en 2018, l’Écossais a longtemps hésité avant de se faire opérer de la hanche. La douleur était trop lourde et en début d’année, Murray annonce son forfait à l’Open d’Australie et son opération à venir au micro de la BBC : « Je ne suis pas fini pour le tennis de haut niveau. Je redeviendrai compétitif. Je suis très optimiste pour le futur, le chirurgien est très satisfait de la manière dont s'est passée l'opération. Mon objectif est d'être de retour pour la saison sur gazon, mais je n'ai pas l'intention de me presser. Je reviendrai quand je serai prêt. » Optimiste, Murray va finalement vite déchanter puisqu'il ne sera pas prêt pour Wimbledon, malgré un retour au Queen’s. Et finira la saison à une violente 240e place mondiale.
2019 : L’appel de la retraite
C’est un Andy Murray en larmes qui se présente en conférence de presse à la veille de l’Open d’Australie : « Désolé. Ça ne va pas fort. Je me bats depuis des mois. Cela fait une vingtaine de mois que je souffre terriblement. J’ai fait pratiquement tout ce qui était en mon pouvoir pour essayer que ma hanche aille mieux. Mais ça n’a pas aidé des masses. Je vais jouer. Je peux toujours jouer à un certain niveau, pas à un niveau auquel je suis heureux de jouer. La douleur est vraiment trop forte, je n’ai pas envie de continuer à jouer comme ça. J’aimerais finir à Wimbledon, mais je ne sais même pas si j’en serai capable. Je ne suis pas sûr de pouvoir jouer avec la douleur quatre ou cinq mois de plus. Il est possible que l’Open d’Australie soit mon dernier tournoi. » Point négatif : Andy Murray, qui subit une seconde opération à la hanche fin janvier lors de laquelle on lui pose une plaque de métal, ne pourra jouer que le double à Wimbledon cette année-là. Point positif : l’Open d’Australie, qu’il termine dès le premier tour après une bagarre de 4h de jeu contre Roberto Bautista-Agut (4-6, 4-6, 7-65, 7-64, 2-6), ne sera pas son dernier tournoi. Et cette retraite prématurée n’aura finalement pas lieu. Mieux, l’Écossais remporte en octobre l’ATP 250 d’Anvers en finale contre Stanislas Wawrinka (3-6, 6-4, 6-4) et retrouve ainsi la jouer de soulever un trophée pour la première fois depuis février 2017. Une prouesse qui lui permet d’obtenir l’ATP Awards du come-back de l’année. Et lorsque l’on sait ce qu’à traverser Murray pour revenir, cette récompense est amplement méritée.
2020 - Le retour du champion
Des douleurs récurrentes, une hanche métallique qui sonne aux portiques des aéroports, gratter des invitations pour des tournois où il n’aurait pas sa place en raison de sa place hors du top 100, telle est la nouvelle vie d’Andy Murray. Mais chez l’Écossais il n’y a pas que la hanche qui est en acier. Il y a aussi son bras droit, toujours capable d’envoyer des aces et des passing shot, et son mental. C’est d’ailleurs grâce à ces deux éléments que Murray est toujours capable de remporter des matchs. Et ce, quel que soit l’adversaire en face. Preuve en est avec cette victoire contre Alexander Zverev (6-3, 3-6, 7-5) au Masters 1000 de Cincinnati. Quelques jours plus tard, boosté par cette première victoire face à un top 10 depuis 2017, Andy retourne Yoshihito Nishioka au premier tour de l’US Open (4-6, 4-6, 7-6 (5), 7-6 (4), 6-4). Comme un symbole de cette décennie où dès qu’il semblait au fond du trou ou que les échecs s’accumulaient, Murray a toujours su se relever.
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