Ivan Ljubicic n’a pas le calibre de Karlovic, ni la couette d’Ivanisevic, ni la belle gueule de Mario Ancic. Pourtant, avec 10 titres ATP, une Coupe Davis et la médaille de bronze aux JO d’Athènes, le flegmatique Croate est un incontournable du tennis mondial. À l’heure de sa retraite sportive, voici dix amuse-gueules en guise de pot de départ. Santé l’artiste !
1. Balles réelles
Né en 1979, Ljubicic doit fuir à 13 ans sa Bosnie-Herzégovine natale déchirée par la guerre ethnique des Balkans.
« Mes parents pensaient que nos vies étaient en danger » témoigne-t-il au
Telegraph. Pendant 6 mois, l’enfant ignore si son père, resté au pays, est mort ou vif. Novembre, le téléphone sonne. C'est lui. Il peut enfin s'échapper. La famille à nouveau réunie quitte le camp de réfugiés et s'installe à Rijeka, en Croatie. Coup du sort : un club de tennis italien près de Turin ouvre ses portes à de jeunes réfugiés croates. Ljubicic s’y pointe et retient l'attention d'un homme : Riccardo Piatti. Le
« tournant de sa vie ».
2. Balle neuve
« Au début, je ne comprenais pas ce qu'il attendait de moi. Moi, je jouais à l'instinct, ça ne marchait pas trop mal»
« Au début, je ne comprenais pas ce qu'il attendait de moi. Moi, je jouais à l'instinct, ça ne marchait pas trop mal. Et puis Riccardo m'a appris des choses sur le tennis dont je ne soupçonnais même pas l'existence ». Riccardo, le seul et unique entraîneur avec lequel Ivan Ljubicic travaille depuis 15 ans. En 2005, Novak Djokovic, 18 ans de coupe au bol, rejoint le binôme. La collaboration ne durera qu’un an. Cruel dilemme : Piatti se sépare du virtuose serbe et se consacre exclusivement à Ivan.
« Pour leur relation », avouera l’Italien. L’amour est aveugle, définitivement.
3. Croatie mon amour
Plus qu'un aîné, Goran Ivanisevic est pour Ljubicic une véritable source d'inspiration. Depuis toujours, les deux compatriotes échangent balles de service, mots d’amour et bons conseils. Superstitieux ou avisé, Ljubicic garde même précieusement dans son portefeuille une photo de son idole, prise en demi-finale de Wimbledon (2001) contre Tim Henman. Il s'est aussi fait une jolie promesse, celle de garder ce gri-gri jusqu'à réaliser sur le court quelque chose dont il pourrait être fier à son tour. Mission plus qu’accomplie.
4. Self-service
Le service, c'est la rengaine des premières leçons de tennis. Et à ce petit jeu-là, il y deux catégories : le commun des mortels et les surdoués. Comme Ivan Ljubicic. Depuis toujours, le Croate s’appuie sur une mise en jeu extraordinaire qui rappelle la gestuelle de Roscoe Tanner ou encore Kevin Curren : le corps tourné vers la foule, la pointe de pied relevée, le lancer faiblard, pas très haut, mais une frappe de balle qui détonne ! Ce qui le classe au 9ème rang des joueurs ayant remporté le plus souvent leurs jeux de service : 85% de réussite sur 714 matchs joués. Mention très bien.
5. French touch
Dimanche 27 mars 2005, Ivan Ljubicic prépare son troisième match du tournoi de Miami face à Vince Spadea. À la sortie de la douche, il découvre ses affaires dispersées sur le sol. Dans son casier se cache la carcasse de Mickaël Llodra, en tenue d’Adam !
« J’essaie de capter ton énergie positive. Tu gagnes beaucoup trop de matchs cette année », se défend le trublion français sous les yeux d’un vestiaire hilare. Une facétie qui a laissé quelques séquelles :
« Maintenant, quand j'ouvre mon casier, je le fais très lentement », plaisante Ljubicic.
6. Made in Germany
Qui a dit que la voiture était le prolongement du sexe masculin ? Une femme, sans doute. Avec les gains de ses 10 victoires en tournoi, Ivan Ljubicic s’est offert un monstre automobile de 605 chevaux, coté à 460 000 euros et pouvant dépasser les 300 km/h: une Porsche GT Carrera. Laquelle demeure, confie-t-il, la chose
« la plus folle que je n’ai jamais achetée ! ». Et c’est un homme qui le dit.
7. Sonia et Lanka
Depuis 30 ans, difficile pour le zoo de l’île de Brijuni en Croatie d’assouvir l'appétit de ses éléphants. En 2006, Ljubicic et son épouse ont donc volé au secours de deux pachydermes affamés, Sonia et Lanka, à grand renfort de planches à billets. Ironie du sort, le parc animalier appartenait en son temps à Tito, l'ex-dictateur communiste yougoslave.
8. Sea, sex and sun
Son autre passion : la plongée en eaux profondes. Aux Maldives de préférence :
« le meilleur endroit au monde » pour ses
« récifs coralliens et ses requins incroyables ». Luxe, calme et volupté. Le tout est de ne rien faire.
« Ma femme aimerait faire beaucoup de choses, mais en vacances, j'ai juste besoin de me reposer », confie-t-il au
Telegraph, « ce que je redoute le plus, ce sont les visites culturelles ». Il a raison, on ne sait jamais.
9. Lutte ouvrière
Côté court, Ivan, c’est
« one two punch » et revers à une main. Côté coulisse, Ivan c’est le délégué de classe. Il a siégé de 2002 à 2008, dont les deux dernières années en tant que président, au Conseil des Joueurs de l’ATP : un genre de syndicat officiel du circuit professionnel. Depuis l’Américain Paul Annacone en 1993, aucun joueur n’a eu une telle importance au sein de l’organigramme ATP. Pourtant, le
boss démissionnera en 2009, préférant se concentrer sur son tennis.
10. Jeu, set et match
À tout juste 33 ans, au terme de 14 ans de carrière, Ivan Ljubicic a annoncé le 7 mars 2012 qu’il quitterait son sport à l’issue du Masters 1000 de Monte-Carlo. La fin d’une génération : celle des
outsiders des années 2000 - Fernando Gonzalez, Hewitt ou même Roddick - des assassins du service-volée, du gang des polos noirs sur shorts blancs et des casquettes à scratch. Derrière lui, Ivan laisse un record inégalé. En Coupe Davis, précisément. En 2005, il remporte la plus ancienne compétition en équipe, tous sports confondus avec 11 victoires sur ses 12 matchs. Un fait inédit dans les archives.
Par Victor Le Grand
