"Dès le plus jeune âge j'ai souvent rêvé qu'il m'était donné de voler, sans machine, avec les seules ressources de mon corps." Temple du jeu sur terre, Roland-Garros porte le nom d'un homme qui a toujours voulu avoir la tête dans les nuages. Pourtant, époque oblige, c'est par bateau qu'Eugène Adrien Roland Georges Garros arrive en France métropolitaine peu avant ses 12 ans. Né à Saint-Denis de la Réunion le 6 octobre 1888, il grandit en Cochinchine avant que son père l'envoie, seul, à Paris, pour ses études. Mais celui qui veut explorer le bleu du ciel supporte mal celui de la mer. Cette longue traversée lui provoque une sérieuse pneumonie. Il faut prendre une décision. Rapidement. Sans demander l'avis des parents, trop éloignés pour les moyens de communication d'alors, le collège Stanislas décide de l'envoyer au soleil. Au sein de sa succursale cannoise.
Dans le Sud-est, le petit Roland fait du sport. Beaucoup de sport. Mais pas de tennis. Ou très rarement. Surtout du foot et du cyclisme. Capitaine de l'équipe de football de son lycée, il est sacré champion de France scolaire. Et, grâce à la pédale, il recouvre une bonne partie de ses capacités respiratoires. Au point de décrocher le titre national interscolaire de vitesse. Sous le pseudonyme "Danlor", anagramme de "Roland", afin que son paternel n'en est vent. Diplômé d'HEC et de la Chambre de commerce britannique, chef d'entreprise à 21 ans, sa vie prend un tournant digne d'un looping en août 1909 lorsqu'il assiste à son premier meeting d'aviation. Subjugué par ces oiseaux de métal, il décide d'en acheter un. Une "Demoiselle", l'avion le moins cher du moment.
Un pionnier de l'aviation, un homme de records
Autodidacte, il apprend à piloter seul, comme beaucoup de ses contemporains, et obtient son brevet. Dès 1911, il se pose en pionnier des cieux. Le 6 septembre, Roland Garros, aviateur, décolle de la plage de Cancale en Ille-et-Vilaine et s'élève jusqu'à 3 950 m au-dessus du plancher des vaches. Le premier record d'altitude d'une série qui le voit atteindre 5 610 m. Propulsé au rang de star, il met ses talents aux services de spectacles aériens qui attirent parfois plus de 100 000 spectateurs, participe à des courses et réussit des exploits inédits. Le 23 septembre 1913, il devient le premier Homme à traverser la Méditerrannée par les airs. De justesse. Parti de Fréjus avec 200 l de carburant et 8 h d'autonomie, il atterrit à Bizerte après 7 h 53 min de vol et 5 l d'essence de "marge" dans le réservoir. En pleine quête de nouveaux horizons sportifs, la "Grand Guerre" vient le couper dans son élan.
Mais quelle que soit la situation son côté précurseur prend le dessus. Au début du conflit, les pilotes sont affublés d'acolytes tirant sur les ennemis au fusil, voire au revolver. Avec son ami Raymond Saulnier, il met au point le premier chasseur équipé d'une mitrailleuse. Doté d'hélices renforcées, blindées, il permet de tirer en rafale vers l'avant sans pulvériser les pales. Début avril, aux commandes de son engin, il gagne trois duels en quinze jours. Du jamais vu. "Les pilotes allemands, voyant venir vers eux cet engin, dont l’hélice en mouvement semblait un disque plein à l’avant, poursuivaient leur vol, se croyant à l’abri de toute attaque.", raconte Anthony Fokker, industriel néerlandais fabricants des avions pour les Teutons. "À leur grand étonnement, l’avant de l’avion commençait à cracher sur eux un jet de mitraille." Néanmoins, cet avantage est de courte durée.
Héros de guerre et inventeur
Contraint de se poser en territoire adverse le 18 avril, Roland Garros est capturé avant de pouvoir brûler son "trompe-la-mort". L'Allemagne peut copier l'invention. Et même l'améliorer. Captif, "RG" ne perd pas sa liberté de penser, comme dirait un certain Florent P. Il élabore plusieurs évasions. Malgré les échecs, il persiste. À raison. En février 1918, il prend la poudre d'escampette. De nuit, accoutrés de grossiers costumes d'officiers allemands faits de leurs mains, Anselme Marchal, qui maîtrise la langue de Goethe, et Roland Garros trompent les sentinelles. De retour en France, le Réunionnais de naissance veut reprendre le combat. Mais sa santé n'est plus aussi bonne. Le grand sportif, le roc qu'il était n'a pu résister sans séquelles à l'enfer des camps de prisonniers. Même les plus haut sommets ne peuvent rien face à l'érosion. Parmi ses soucis : la myopie.
Homme de caractère, il refuse que cette baisse de vue lui coupe les ailes. En cachette, il se fait fabriquer des lunettes. Le 2 octobre 1918, il remporte sa 4e et dernière joute aérienne. Trois jours plus tard, la veille de son 30e anniversaire, cinq semaines avant l'Armistice, il tombe au combat et rejoint définitivement les cieux. Dans des circonstances floues. Neuf ans après sa mort, la France soulève la Coupe Davis aux États-Unis. L'année suivante, "les Mousquetaires" doivent donc défendre leur titre à domicile. Pour ce faire, un stade à la hauteur de l'évènement est érigé. Président du Stade français et ancien camarade d'HEC de Roland Garros, Émile Lesueur accepte de prêter main forte en cédant 3 ha de terrain. À une condition : le stade doit porter le nom de son ami disparu.