Arthur Ashe, le seigneur des courts

5 févr. 2013 à 19:30:23

Arthur Ashe, le seigneur des courts
Le 6 février 1993 s’éteignait Arthur Ashe, l’un des tennismen les plus talentueux de la décennie 70 et un authentique héros de la communauté afro-américaine aux Etats-Unis. Tout au long de sa vie, ce militant acharné...

Le 6 février 1993 s’éteignait Arthur Ashe, l’un des tennismen les plus talentueux de la décennie 70 et un authentique héros de la communauté afro-américaine aux Etats-Unis. Tout au long de sa vie, ce militant acharné n’a eu de cesse d’utiliser sa notoriété au service des causes les plus nobles. Quitte à sacrifier sa carrière sportive, qui aurait mérité un palmarès encore plus conséquent que trois titres du Grand Chelem. Portrait.

  C’était il y a 20 ans. Le 6 février 1993, s’éteignait l’une des personnalités les plus populaires et les plus respectées du tennis : Arthur Ashe. Alors âgé de 49 ans, il venait de succomber à une pneumonie contractée alors que son corps était affaibli depuis une décennie par le Sida. Ce jour-là et les suivants, l’Amérique pleurait plus qu’un sportif, un authentique héros. « Lorsque tout sera fini, avait-il dit un jour, je ne veux pas qu’on se souvienne de moi comme d’un joueur de tennis, car ce n’est pas une contribution suffisante à la société. » Son exigence vis-à-vis de lui-même a été récompensée, car si Arthur Ashe reste encore aujourd’hui dans les mémoires, c’est au moins autant pour sa personnalité et ses combats en dehors des courts que pour ses exploits raquette en main, pourtant loin d’être vilains. Né en 1943 à Richmond, dans l’état de Virginie, le petit Arthur a découvert le tennis grâce à son père, policier en charge de la surveillance du plus grand complexe sportif de ville. Mais un complexe un peu particulier, car réservé aux Noirs. C’est encore l’époque de la ségrégation et pour exploiter son talent précoce, Arthur Ashe est contraint de migrer, direction un lycée de Saint-Louis dans le Missouri d’abord, puis la prestigieuse université de UCLA en Californie. C’est seulement à partir de là qu’il a la possibilité d’affronter régulièrement des Blancs et de disputer des tournois non réservés aux joueurs de couleurs. Tout au long de sa vie, Ashe gardera en mémoire cette sale époque où il a dû se battre pour imposer sa présence de sportif noir dans un sport, à l’époque, particulièrement conservateur et réfractaire aux évolutions du monde.  

Son combat contre l’Apartheid

Ses nombreux succès universitaires ne passent pas inaperçus et Arthur Ashe devient en 1963 le premier tennisman noir à intégrer l’équipe américaine de Coupe Davis par BNP Paribas. Le début d’une histoire d’amour avec cette compétition, qu’il remportera au total quatre fois en tant que joueur puis deux fois en tant que capitaine. En 1968, alors qu’il n’est encore qu’amateur, il remporte l’US Open face au Néerlandais Tom Okker. Âgé de 25 ans, le joueur ne prend pas seulement de l’épaisseur, l’homme aussi. Car c’est à cette époque qu’il commence à militer tous azimuts. Grâce à l’argent de ses premières primes, Ashe crée une ligue nationale de tennis ouverte à tous, encore existante aujourd’hui et dont les sœurs Williams ont notamment bénéficiée. Il fait aussi partie du groupe de joueurs à l’origine de la création de l’ATP, l’actuelle association des tennismen professionnels. C’est aussi à ce moment que débute la cause de toute sa vie : la lutte contre l’Apartheid. Alors l’un des meilleurs joueurs mondiaux, vainqueur d’un deuxième tournoi du Grand Chelem, l’Open d’Australie en 1970, Arthur Ashe se voit interdire l’entrée en Afrique du Sud pour y disputer des matchs, la faute à sa couleur de peau. Une situation qu’il n’accepte pas et qui fait de lui l’un des leaders de la protestation antiségrégationniste, jusqu’à la chute de ce régime en 1991. Parallèlement à ses multiples engagements militants, le joueur fait taire les sceptiques en 1975, alors que beaucoup commencent à critiquer ses égarements et sa manière de gérer sa carrière sportive. Opposé en finale de Wimbledon à son invincible compatriote Jimmy Connors, il déjoue les pronostics et sort vainqueur d’une rencontre anthologique. « Un homme bon devenu un grand champion », titre alors la presse, qui souligne, au-delà de ses qualités d’attaquant, son génie tactique. Cette victoire contribue en outre à faire tomber quelques clichés tenaces à l’époque, notamment celui voulant que les sportifs noirs se servent plus de leur physique que de leur intelligence pour gagner. A Wimbledon, dans le temple du tennis mondial, Arthur Ashe devient définitivement ce jour-là l’un des héros afro-américains les plus charismatiques de l’histoire. Dans la lignée des athlètes Jesse Owens, Tommie Smith, John Carlos et des boxeurs Joe Louis et Mohamed Ali.  

Découvreur de Yannick Noah

Sur le tard, Ashe retrouve les sommets du circuit ATP – numéro 2 mondial en 1976 –, mais il doit finalement mettre un terme prématuré à sa carrière en 1980 en raison de problèmes cardiaques. Que croyez-vous qu’il fait alors ? Il embrasse la cause des malades du cœur bien sûr, et use de sa popularité pour inciter les jeunes Américains à mener une vie saine ! C’est lors d’une deuxième opération du cœur en 1983 que le néo-retraité reçoit une transfusion sanguine infectée par le VIH. Il ne l’apprendra qu’en 1988 et révèlera publiquement sa séropositivité peu avant sa mort. Arthur Ashe ne chôme pas durant les dix dernières années de sa vie, lui qui aimait répéter une célèbre citation de Web du Bois, l’un des plus grands penseurs du panafricanisme : « Dieu, ne nous rends pas grands, rends nous simplement occupés ! » Consultant TV, il assiste à l’ascension de son poulain Yannick Noah, qu’il avait repéré à Yaoundé au Cameroun en 1971 et qu’il avait contribué à faire venir en Europe. L’homme aux éternelles lunettes est également convié à donner des cours universitaires sur le thème de « l’athlète noir dans la société contemporaine ». Là encore, il ne fait pas les choses à moitié et en profite pour écrire un ouvrage sur le sujet. Trois volumes qui font encore référence aujourd’hui. Sa dernière cause enfin, Ashe la mène contre le Sida. Quelques mois avant son décès, il est invité à l’ONU pour présenter la fondation Arthur Ashe, créée en collaboration avec Magic Johnson, un autre héros sportif séropositif. « Le bon combat, répétait-il, est celui que l’on mène jusqu’au bout. » Décidemment, rarement paroles et actes ont été aussi liés.   Par Régis Delanoë

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