Il a réussi l’exploit de faire perdre son calme à Patrick Rafter. Aussi insolent que talentueux, Bernard Tomic a été écarté du groupe australien qui défie Taïwan ce week-end en Coupe Davis par BNP Paribas. Entre déclarations tapageuses, coups d’éclats sur le court et soirées arrosées, portrait d’un grand espoir du tennis mondial dont les frasques agacent ses aînés et embarrassent sa fédération.
C’est le nouvel enfant terrible du tennis mondial. A tout juste 20 ans, Bernard Tomic a beaucoup fait parler de lui ces dernières semaines. Côté pile, un titre en ouverture de saison à Sydney, et une victoire honorifique sur Novak Djokovic en Hopman Cup, compétition par équipes semi-officielle. Côté face, des déclarations fracassantes qui tranchent dans un milieu habituellement très policé. Son bon début d’année a ainsi occasionné de savoureuses conférences de presse : « Je suis content de moi, j’ai beaucoup progressé. Je sers vraiment bien, mes coups de fond de court sont bons également. Je me déplace aussi très bien… A ce stade, il n’y a pas grand-chose de plus que je peux me demander. Au service, je trouve désormais beaucoup plus d’angles. C’est bon d’entendre mes adversaires me dire que je sers incroyablement bien. » Et d’asséner : « Je n’ai aucun doute qu’un jour je serai le meilleur joueur à avoir jamais joué à ce jeu. » Car oui, le garçon déborde de confiance en lui. Bernie ose tout, c’est même à ça qu’on le reconnaît. Sur le court, où sa richesse technique laisse augurer un avenir doré, comme en-dehors, il est inimitable. Attendu depuis longtemps comme la prochaine star du tennis australien – à 13 ans, il remportait déjà un tournoi de jeunes ouvert aux 18 ans, à la manière d’une Martina Hingis – il en a acquis des certitudes et des ambitions à la hauteur de ses laudateurs : « Il y a du jeu dans la raquette », salue Roger Federer, quand Djokovic décrit : « Il est très talentueux et, tactiquement, sent bien le jeu pour quelqu’un de si jeune. Il se déplace bien, possède un bon service, passe aisément de la défense à l’attaque… Quand il jouera toute l’année au niveau qu’il est capable d’avoir quand il est en Australie, il ne sera pas loin du top. »
Bagarre, excès de vitesse et exhibitionnisme
Mais en attendant de devenir le meilleur de tous les temps, Bernard Tomic en est encore à disputer la suprématie nationale à l’obscur Marinko Matosevic. C’est que le prodige australien a perdu du temps depuis son quart de finale surprise à Wimbledon en 2011. Un match qui faisait de lui le plus jeune joueur à atteindre ce stade de la compétition à Londres depuis Boris Becker. Fantomatique sur les courts en 2012, son plus beau fait de gloire est une altercation à Miami avec son entraîneur de père, le vociférant John Tomic. Le joueur a fini par demander à l’arbitre Cédric Mourier d’exclure ce dernier des tribunes. Mais Bernard s’est surtout distingué par ses frasques hors-terrain. L’adulescent est devenu familier des services de police à force d’interpellations pour excès de vitesse, ivresse sur la voie publique et bagarre nu et saoul dans le jacuzzi d’une terrasse d’immeuble en guise de conclusion à la soirée d’anniversaire de ses 20 ans ! S’il faut bien que jeunesse se passe, son manque d’investissement durant le barrage de Coupe Davis par BNP Paribas contre l’Allemagne, en septembre dernier, a conduit son capitaine Patrick Rafter à ne pas le retenir pour le premier tour contre Taïwan cette semaine… Ce à quoi Tomic a préféré répondre par la provocation, arguant qu’il n’aurait de toute manière « pas été disponible à cette date. » De quoi irriter dans un pays où, à palmarès égal, un Pat Rafter a toujours plus suscité l’adhésion des foules qu’un Lleyton Hewitt. Question d’image… Et tandis que Craig Tiley, le patron du tennis australien, Samantha Stosur et même John McEnroe ont tous brocardé le comportement du jeune homme, c’est justement Hewitt qui s’est fait l’avocat de la défense. Lui aussi boule de nerfs pleine de morgue à son arrivée sur le circuit, l’ancien N°1 mondial dit se retrouver dans son jeune compatriote : « On a eu un départ difficile (ndlr : Tomic avait refusé de s’entraîner avec lui lors de Wimbledon en 2009, estimant que Hewitt n’était plus assez fort), mais je crois que ces deux dernières années, je suis devenu l’une des personnes les plus proches de lui sur le circuit. Bernard représente l’avenir de notre tennis et, s’il faut s’en tenir à des règles qui soient les mêmes pour tous, on ne peut pas couper les ponts avec un garçon aussi talentueux. Même s’il est frustrant, il reste très jeune. » Au point d’ailleurs de demeurer le benjamin du Top 100 mondial… « J’ai connu des hauts et des bas ces derniers mois, mais j’ai beaucoup appris », promet en tout cas l’intéressé. Sans pouvoir s’empêcher d’ajouter : « Seul Federer a pu me battre en Australie. Ce n’est qu’une question de temps avant que j’intègre le Top 10 ». Grande gueule, Bernard ? A peu près aussi grande que sa capacité à réaliser cette prédiction... Par Guillaume Willecoq
