Les coups les plus faciles sont-ils les plus compliqués ?

18 mai 2017 à 00:00:00

À l’image d’Alexander Zverev et son smash raté à Madrid, les joueurs de tennis se distinguent régulièrement par des gestes en apparence immanquables et finalement loupés. Comment expliquer cette fragilité dans des moments pourtant censés être

À l’image d’Alexander Zverev et son smash raté à Madrid, les joueurs de tennis se distinguent régulièrement par des gestes en apparence immanquables et finalement loupés. Comment expliquer cette fragilité dans des moments pourtant censés être complètement à leur avantage ?

 

Confiant et supérieur à son adversaire, Alexander Zverev mène l’échange. Une attaque à gauche, une attaque à droite, et voilà Fernando Verdasco, complètement dépassé, obligé de défendre avec une balle en cloche impuissante. Au filet, l’Allemand n’a plus qu’à conclure. Sauf que contre toute attente, son smash ne ressemble à rien et reste dans sa raquette.

 

 

Si Zverev préfère en sourire, ce raté intervient moins d’un mois et demi après un autre loupé à Miami contre Nick Kyrgios. Encore en bonne position pour terminer le point, le jeune de vingt ans foire incompréhensiblement sa volée.

 

 

Frustrant, surtout quand on est 17e mondial au classement ATP. D’où la question : comment justifier un tel gâchis et expliquer ce genre de ratés pas si rares sur des coups en apparence plus que faciles ?

 

« Si on sort du présent, on rate des coups »

 

La première piste, pas si évidente, est de se demander s’il existe véritablement des coups simples intrinsèquement parlant. Car il est finalement un peu rapide de se marrer dans son canapé devant un joueur qui se ridiculise après un geste que tout le monde pense savoir maitriser. « Objectivement, il y a des coups techniquement plus faciles que d’autres. On ne peut pas le nier, rappelle cependant Pier Gauthier, ancien entraîneur de Gaël Monfils, Sébastien Grosjean ou Michaël Llodra. En fait, l’important, c’est l’état dans lequel on est qui compte. Prenez Federer : s’il réussit des coups exceptionnels aussi souvent qu’il réussit ses coups faciles, c’est qu’il est constamment dans son match. Dans son action. Lorsqu’un Federer est pleinement engagé dans un tie-break, tous les gestes sont les mêmes pour lui. » Frances Tiafoe, plus grand espoir américain du moment, n’est donc pas encore Roger Federer et a encore beaucoup à apprendre pour oublier son loupé de 2015 au Challenger de Charlottesville. Sa première mission : travailler la concentration.

 

 

La déconcentration reste en effet le principal facteur de risque. Car avant même de réaliser le geste a priori fastoche, la tentation est grande de se voir avec le point en poche. « Comme ce coup est simple, il est déjà réalisé et déjà réussi dans la tête. On se dit ‘C’est bon, j’ai fait le plus dur, le point est terminé’. On sort alors du présent, on se projette dans le futur et on en oublie l’exécution du geste en lui-même, décrit Pier Gauthier, ex-joueur professionnel (18e français). Grave erreur : à ce niveau-là, si on sort du présent et donc de notre concentration, on rate des coups faciles. »

 

« Le tenter 300 fois et le réussir 300 fois »

 

Mais si Federer n’a que peu de mauvaises surprises quand la situation se présente, c’est aussi grâce à son mental à toute épreuve et son relâchement constant. Un état de retenue peut au contraire rendre paradoxalement un coup facile compliqué à jouer. C’est là-dessus que tente d’intervenir Pier Gauthier, aujourd’hui préparateur mental. « Certains joueurs ont des blocages parce qu’ils s’interdisent l’erreur, note le fondateur de Celions Coaching. Ils se disent : ‘Puisque c’est un coup facile, je n’ai pas le droit de le manquer.’ Cette situation-là est très paralysante, très bloquante. Quand on se place dans cet état, les coups deviennent brusquement compliqués à réaliser. Un peu comme une balle de match, où inconsciemment, c’est interdit de rater. Et c’est ce côté mental qui constitue la grande différence entre les grands champions et les autres, sachant qu’entre le centième et le cinquantième mondial, la qualité technique n’est pas si différente. »

 

Dès lors, comment faire disparaître ce blocage ? Comment faire évoluer ce défaut mental, parvenir à banaliser le point en restant relâché tout en gardant sa concentration ? Comment transformer un coup facile à réaliser en un coup réellement facile à réaliser ? Répéter les gestes et se tuer à l’entraînement ne peut représenter une solution, puisqu’il est impossible de recréer le contexte d’un match à pression sous le regard de milliers de spectateurs. « Le joueur peut faire des centaines et des centaines d’heures d’entraînement, ça ne changera rien, confirme Pier Gauthier. Je le redis : ce n’est plus un problème technique ou de gestuelle quand on rate à un mètre du filet. Ce coup-là, le joueur va le tenter 300 fois à l’entrainement, et le réussir 300 fois. » La clé réside donc dans l’évolution psychologique. Se connaitre, accepter ses erreurs et comprendre qu’un coup facile n’est pas plus important à réussir qu’un passing long de ligne demeurent des objectifs à atteindre. Zverev, lui, a appris à ne plus scotcher sur ces petites boulettes. Sourire devant ces dernières, c’est déjà commencer à les maîtriser.

 

Par Florian Cadu

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