Entraîneur/joueur, le petit guide du divorce

10 mai 2017 à 10:00:00

Après plus de dix années de collaboration, Novak Djokovic s’est séparé de trois de ses coachs. Un changement brusque et soudain que beaucoup de joueurs majeurs ont déjà expérimenté. Pas toujours avec succès, mais sans regret.

Après plus de dix années de collaboration, Novak Djokovic s’est séparé de ses trois entraîneurs. Un changement brusque et soudain que beaucoup de joueurs majeurs ont déjà expérimenté. Pas toujours avec succès, mais sans regret.

 

« Je suis reconnaissant envers Marian, GG et Miljan pour une décennie d'amitié, de professionnalisme et d'engagement envers mes objectifs professionnels. Sans leur soutien, je n'aurais pas pu atteindre ces sommets professionnels (...) Ils sont ma famille et cela ne changera jamais. » Pour Novak Djokovic, le trio Marian Vajda (entraîneur principal)/Gebhard Phil-Gritsch (préparateur physique)/Miljan Amanovic (kinésithérapeute), c’est terminé. Voilà comment le Serbe a annoncé la nouvelle par l’intermédiaire d’un communiqué officiel. Présents auprès de l’ancien numéro un mondial depuis 2006, les trois hommes n’ont plus qu’à envisager des vacances ou un autre défi, loin du Joker. Commun accord ou choix personnel de Novak ? Mystère. Toujours est-il que tout le monde va devoir s’accrocher lors des semaines et mois qui arrivent.

 

 

Car si ce genre de séparations n’est pas rare dans l’univers du tennis, elles n’en restent pas moins difficiles à vivre. « Ça fait bizarre quand ça s’arrête, c’est clair, admet sans mal Loïc Courteau, ancien entraîneur d’Amélie Mauresmo entre 2002 et 2008. C’est comme une famille. » Une famille à qui il faut savoir dire au revoir et bonne chance pour la suite. « Que ce soit décidé par le joueur ou l’entraîneur, c’est toujours difficile à vivre, reprend le coach français. Les habitudes s’arrêtent d’un coup, on est un peu perdu… C’est une petite mort, en fait. Il faut faire le deuil. Après, on connaît le métier et on sait qu’on va passer par des moments comme ça. Moi, au début avec Amélie, je ne savais pas si je serais là plus de deux semaines plus tard. On a fait sept ans… »  Alors, Djoko et son ancien staff doivent-ils anticiper la période qui va suivre en commandant des tonnes de boites de Lexomil ou de Prozac ? Et comment éviter de creuser son trou ? « Ce n’est pas une période de dépression, hein. Mais il faut savoir rebondir, continue Loïc Courteau. Quand ça s’arrête, vous avez pas mal d’agents qui vous appellent. Moi, j’ai ressenti le besoin de couper. Mais l’idée est de retrouver un défi assez vite, de se lancer dans une nouvelle aventure. Sauf que c’est difficile de commencer un nouveau truc avec une autre personne, de se plonger dans une nouvelle relation. Bon, heureusement, on s’entendait toujours bien avec Amélie. C’était pas une rupture qui venait après une engueulade. » Rupture, nouvelle relation, nouvelle aventure, rebondir, famille… Si ces lignes ne concernaient pas le tennis, on pourrait facilement confondre et imaginer un rapport amoureux. Normal, quand on sait qu’un entraineur passe près de 300 jours avec son joueur et qu’il cale son rythme à celui de son poulain. « C’est matin/midi/soir. On mange ensemble, on vit ensemble, on voyage ensemble… C’est la personne avec qui vous passez le plus temps. Forcément, elle compte énormément dans votre vie », confirme Loïc Courteau.

 

Une stratégie qui a fait ses preuves

 

Et pourtant, ce divorce semble parfois conseillé, obligatoire, voire inévitable. « Ce n'était pas une décision facile, mais nous avons tous estimé que nous avions besoin d'un changement », note d’ailleurs Djokovic. Et si le Serbe a fini par franchir le pas, c'est parce que ce genre de manœuvre a souvent réussi à ceux qui l'ont tentée avant lui. Spécialiste du genre, Stan Wawrinka n'a jamais hésité à tout envoyer bazarder quand sa carrière stagnait, et ça lui a plutôt souri. En 2010, pendant l'été, il a même arraché la page toute entière puisqu'en plus de se séparer de son entraineur de l'époque, le Suédois Peter Lundgren, il a aussi divorcé avec sa femme. La saison suivante, il intègre le Top 15 mondial et va deux fois en quart de finale de Grand Chelem. Rebelote en septembre 2011, Wawrinka dit bye bye à Lundgren, s'entraine seul un bon bout de temps, puis retrouve un staff en 2013 avec lequel il chope trois tournois du Grand Chelem et une place solide parmi les meilleurs joueurs du circuit. Il y a cinq ans, Serena Williams avait elle aussi décidé de changer d'air à un moment où sa carrière n'était pas au top, ce qui était encore plus douloureux puisqu'elle avait déjà trente ans et que son coach n'était autre que son père. L'Américaine avait rejoint l’écurie du Français Patrick Mouratoglou, avec qui elle était redevenue numéro 1 mondiale en se remettant à empiler les titres.

 

Tuer la routine

 

La séparation est donc généralement bénéfique pour le joueur ou la joueuse. Loïc Courteau affirme même que c'est lui qui avait conseillé à Mauresmo de se séparer de lui pour son bien : « Je lui avais suggéré depuis un petit bout de temps, puis après c’est elle qui a pris la décision. C’est important, au bout d’un moment, d’entendre un nouveau discours. Le joueur qui entend les mêmes paroles au bout de sept ans peut avoir besoin d’un renouveau pour relancer la machine. » D'après Courteau, la routine est l'ennemi principal de la progression, comme il l'avait ressenti à la fin de sa collaboration avec l'ancienne numéro 1 mondiale : « Elle n’arrivait pas à retrouver son meilleur niveau. Et moi, je n’avais plus les mots pour renouveler mon discours. Elle le connaissait par cœur. Pour qu’elle ait une chance de repartir, il fallait quelque chose de nouveau. » Quant au coach laissé sur le bord de la route, à lui d'essayer d'y trouver son compte : « L’entraîneur peut aussi avoir besoin d’un nouveau défi. » Tout en continuant à suivre de loin ce que devient son ancien protégé désormais passé dans les bras d'un autre. Comme après n'importe quelle rupture, en somme.

 

Par Florian Cadu et Alexandre Doskov

Avantages

Découvrez les avantages WE ARE TENNIS

En savoir plus