En avril 2000, Cédric Pioline a déjà trente ans et n’a pas encore gagné un seul Masters quand il s’impose à Monte-Carlo. Un succès mérité qui représente le plus grand titre d’une carrière surtout remplie de déceptions.
Il y eut 1993 d’abord, et une défaite face Sergi Bruguera (7-6, 6-0) alors qu’il était le premier Français depuis Yannick Noah à atteindre cette finale. Puis 1999, et le large échec contre Carlos Moyà (6-3, 6-0, 7-5). Le scénario était écrit, jamais deux sans trois : Cédric Pioline allait de nouveau tomber en voulant franchir la dernière marche du tournoi de Monte-Carlo. Et finalement non. À trente ans, après avoir gagné quatre tournois « mineurs » et perdu bien davantage de duels importants (finale de l’US Open et de Wimbledon notamment), il était désormais temps de forcer le destin. « Je sais que je ne serai jamais un super joueur. Mais mon travail paiera un jour », avait-il osé en début de carrière. Le moment était venu de se donner raison.
Ce 17 avril 2000, Pioline sait donc qu’il a rendez-vous avec l’histoire. Face à lui se dresse Dominik Hrbatý, deux titres sur terre battue au compteur. Un adversaire que le Français mettra trois sets accrochés (6-4, 7-6, 7-6) à sortir. D’ailleurs, au sortir du match, le Slovaque déclare avoir cru pouvoir s’approprier une manche : « J'ai joué de mieux en mieux. Il m'aurait fallu encore deux sets pour être pleinement dedans. » Sauf que voilà : lors de cette édition, le Français a décidé de commencer fort et s’est interdit toute forme d’inattention. « Je ne leur laisse pas la possibilité de trop muscler leur jeu », affirme-t-il durant l’épreuve. En effet, bien aidé par le tirage au sort et les éliminations des gros bras (il ne rencontre aucune tête de série, qui s’arrête en quart de finale au maximum), Pioline fait preuve d’une grande maîtrise pour se hisser jusqu’à la coupe. Durant l’intégralité de l’épreuve, il ne perd qu’un seul set. Mieux : il ne lâche que 21 jeux en quatre confrontations avant la finale (si l’on omet son huitième plus serré contre Sláva Dosed?l). Dans le dernier carré, Karim Alami en fait l’amère expérience (6-3, 6-1 en une heure et huit minutes) : « Il a joué très juste, intelligemment. Beaucoup de variété entre coups droits et revers, entre montées au filet et jeu de fond de court, et, surtout, dans les services. Ce qui est gênant chez lui, c'est que le lancer de balle est le même, alors que le service est toujours différent. Ce qui crée la confusion. C'était très perturbant. J'essayais de trouver une solution mais je n'y arrivais pas. » C’est que l’expérience du garçon est désormais utilisée à bon escient.
Le déclic ? Sûrement le travail de fond réalisé depuis novembre avec Jean-Marc Lhabouz, son psychologue. Lequel concentre ses efforts sur la relation entre le joueur et Pierre Cherret, son entraîneur. « C'est la clé de voûte de toute performance. Si vous êtes un peu tendu tellement vous voulez faire passer un message, vous faites passer de la tension, explique le psy. On travaille pour que Pierre fasse passer son message en même temps qu'il fait passer de la détente, de la concentration. Il faut que Cédric rentre bien dans ses matchs. » Une attitude qui fait la différence pour un tennisman pas franchement spécialiste de la terre battue et qui a jusque-là échoué lors de douze finales (contre seulement quatre remportées). « On dit toujours que la première fois est la plus belle, elle me procure en tout cas beaucoup de satisfaction. C'est le tournoi le plus important que j'ai jamais gagné, kiffe donc Pioline. J'ai suffisamment été dans la position du vaincu pour savourer pleinement ce moment. » Et d’insister : « Avant, j'étais dans la situation inconfortable du vaincu du dimanche. J'espère que cette victoire servira de référence pour les tournois à venir. » Reste que si ce trophée de prestige lui offre une cinquième place mondiale (meilleur classement de sa carrière), on ne le reverra jamais soulever un titre. Peu importe après tout : sa récompense, il la tient.