Opposé à Fabio Fognini en demi-finales du tournoi de Miami, Rafael Nadal a perdu sa chaussure sur un amorti maitrisé de l’Italien. Un événement rare et drôle qui peut s’expliquer par plusieurs raisons. Mais qui ne doit plus arriver.
Après les cheveux à placer derrière les oreilles, le short à tirer, les bouteilles à bien positionner, la ligne à nettoyer, Rafael Nadal s’est sans doute trouvé un nouveau tic. En bon perfectionniste qu’il est, l’Espagnol va peut-être maintenant prendre l’habitude de refaire régulièrement ses lacets afin d’éviter sa petite mésaventure, marrante en apparence, subie face à Fabio Fognini lors de sa demi-finale gagnée à Miami. En plein cœur d’une partie où il enchaîne les amortis (6-1, 3-3), l’Italien parvient à tromper par ce coup la vigilance de son adversaire, qui tente de venir défendre au filet mais déchausse au démarrage après avoir été pris à contre-pied. Voyant une chaussure droite se balader sur le court, Fognini sourit. Pas son concurrent du jour, qui ne trouve pas l’anecdote très drôle.
Et pour cause : si Nadal a perdu sa pompe, ce n’est pas un simple hasard. « A ce niveau-là, c’est vrai que c’est étonnant, confirme Caroline Michel-Prenveille, ostéopathe spécialisée dans le mouvement humain et l’entraînement sportif. Ça n’arrive jamais et ça ne doit pas arriver. Surtout qu’ils ont le temps pour refaire leur lacet au changement de côté. D’autant que Nadal, c’est le genre de mec qui est très consciencieux, donc c’est sûr qu’il s’est passé quelque chose qui a poussé Nadal à desserrer ses chaussures. » Premier constat, qui relève de l’évidence pure : la chaussure de Rafa n’était donc pas assez serrée. Sauf que celui qui perdra en finale contre Roger Federer ne l’a peut-être pas senti, selon Etienne Tourolle, masseur kinésithérapeute qui s’occupe quotidiennement de joueurs de tennis : « Il faut trouver un juste milieu, afin que la chaussure ne fasse pas mal mais tienne correctement le pied. Si tu serres trop fort, tu vas ressentir la douleur. Au contraire, tu ne sens pas forcément quand c’est mal serré. »
« Peut-être qu’il essayait une nouvelle ‘version’ »
OK. Reste que la question principale demeure : pourquoi Nadal, qui fait attention au moindre petit détail, a choisi de desserrer ses chaussures à un moment donné ? Les raisons sont diverses et variées. Il y a d’abord l’éventualité du nouveau modèle. « Normalement, les joueurs professionnels connaissent leurs chaussures et les testent avant. Mais peut-être qu’il essayait une nouvelle ‘version’, tente Caroline, elle-même tenniswoman. Parfois, on pense que les nouveaux modèles sont identiques à la version précédente d’une même marque. Et finalement, des petites modifications peuvent gêner. » Voilà un facteur qui pourrait expliquer pourquoi l’amoureux de Roland-Garros se serait senti mal dans ses pompes et aurait ouvert un peu la chaussure. Autre piste évoquée par l’ostéopathe : le petit pépin physique. « Peut-être qu’il avait un souci au niveau du pied, qu’il s’est fait une petite douleur à la cheville avant la rencontre, ou qu’il s’est fait mal à l’orteil pendant la partie. Dans tous ces cas de figure, une partie du pied ou de la cheville a pu gonfler. » Résultat : la chaussure devient inconfortable et son propriétaire a le réflexe de la desserrer pour redonner un peu de liberté à son organe douloureux.
Problème : laisser trop de liberté à son pied peut s’avérer dangereux pour l’organisme. Les risques de blessures sont en effet beaucoup plus élevés lorsque le petit peton n’est pas fermement tenu. « Quand ta chaussure est mal serrée, tu t’exposes à des entorses, mais aussi à des chutes à cause d’un potentiel déchaussage, rappelle Etienne Tourolle. En fait, pendant toute la durée du match, soit deux à quatre heures, tu vas compenser de manière inconsciente et contracter les muscles de ton pied pour rester dans la chaussure. Sur les reprises d’appui, tu seras bien moins efficace. » Bien faire ses lacets et garder un œil sur eux est donc un conseil enfantin, mais valable au plus haut niveau. Quid de la nature des chaussures à privilégier ? Sur ce point, le kinésithérapeute opte pour des chaussures dites « minimalistes », dont la particularité est (entre autres) de présenter une grande flexibilité et une faible épaisseur au talon (à l’inverse des « maximalistes », chaussures les plus connues). « Si tu joues avec des ‘gros’ talons, tu seras un peu en extension de cheville, donc ça facilitera plutôt le déchaussage sur une impulsion. Ta cheville part encore plus en extension quand tu es pris à contre-pied, donc tu as plus de chance de te faire une entorse. Les muscles du mollet seront plus sollicités. Avec une chaussure minimaliste, tu perds moins d’énergie. » Et si on revenait au scratch ?