« On pourrait loger un Grand Chelem dans chaque province chinoise »

12 oct. 2016 à 10:59:45

Ancien coach de Richard Gasquet et du Chypriote Marcos Baghdatis, Guillaume Peyre use ses raquettes sur les terrains de l’Empire du milieu depuis plus de cinq ans. Entretien à l'occasion du Masters de Shanghai.

Ancien coach de Richard Gasquet et du Chypriote Marcos Baghdatis, Guillaume Peyre use ses raquettes sur les terrains de l’Empire du milieu depuis plus de cinq ans. Après avoir été à la tête de l’équipe nationale chinoise de 2010 à 2012, il entraîne désormais la province du Hubei. Son objectif : trouver enfin un successeur à Li Na, celle par qui le tennis est arrivé en Chine. Entretien.

 

Quand on pense Chine et sport de raquette, on cite plus facilement le badminton ou le ping-pong que le tennis… C’est normal ! Le tennis ne s’est développé en Chine qu’à partir de 2011, quand Li Na a gagné Roland-Garros. Avant, personne ne connaissait ce sport ici, ça a mis du temps à se populariser ! Je me souviens, quand Marcos Baghdatis a remporté l’Open de Pékin en 2006, le tennis démarrait à peine ici. Personne ne savait ce que c’était. Les organisateurs avaient dû inviter des gens pour remplir le stade mais ils n’y connaissaient absolument rien. Par exemple, les spectateurs applaudissaient pendant l’échauffement… Le public était là mais il ne comprenait rien à ce qui était en train de se passer.

 

C’est vraiment la victoire de Li Na qui a tout changé? Oui. La paire féminine avait remporté la médaille de bronze aux Jeux Olympiques de Pékin mais les gens n’en avaient pas vraiment parlé. C’est avec Li Na que tout a basculé. Du jour au lendemain, elle est devenue une superstar. Le gouvernement chinois a compris qu’il faudrait désormais mettre l’accent sur le tennis. Li Na offrait une superbe image de la Chine et il fallait en profiter pour développer ce sport ici.

 

Du coup, quelle est ta mission en Chine ? Je suis installé à Wuhan, dans la province du Hubei. Je suis le coach de tous les joueurs de la province, dès l’âge de 12 ans, jusqu’aux professionnels. J’ai commencé il y a un an et mon contrat court jusqu’en 2017, à la fin des Jeux nationaux. L’objectif qui m’a été fixé est de ramener au moins une médaille de ces Jeux pour la province. Ce qu’il faut savoir c’est qu’en Chine, les provinces fonctionnent comme les Ligues en France. Chaque province est autonome dans la gestion de ses joueurs et de ses équipes. Chaque capitale de province ou presque a son centre olympique où s’entraînent les meilleurs espoirs du pays. Ils ont tous commencé comme ça. D’ailleurs, Li Na est originaire de Wuhan, là où j’entraîne.

 

Qu’est-ce qui t’a motivé à venir entraîner ici ? Les moyens investis ici sont gigantesques. Je ne parle pas de salaire mais d’infrastructures. C’est vraiment énorme. La Chine déploie des moyens humains et financiers considérables, pour être sûre d’avoir des résultats en retour. Toutes les installations par exemple sont vraiment excellentes. À Wuhan, il y a un court central de 15000 places, un autre de 10000, un autre de 4000. On pourrait presque loger un Grand Chelem dans chaque province !

 

Quand peut-on s’attendre à revoir un chinois au sommet ? C’est trop tôt pour le dire mais l’avenir va être phénoménal. Ils sont tellement nombreux ici que les talents sont forcément quelque part. Ils existent. Il faut juste structurer la façon de faire dans les provinces et ça va marcher.

 

Ça passe par l’expertise d’entraîneurs étrangers ? Oui, et les Chinois l’ont compris. Ils ont commencé avec Thomas Högstedt, le Suédois qui entraînait Li Na et aujourd’hui, les étrangers sont partout ! Mais pour obtenir des résultats, les Chinois doivent surtout comprendre que le tennis est un sport individuel. Ici, quoi qu’ils fassent, ils pensent « collectif ». Sauf que pour percer dans le tennis, il faut aussi beaucoup penser à soi. Ça Li Na l’avait compris. Les autres doivent encore travailler là-dessus.

 

On parle beaucoup de Li Na et jusqu’à présent, ce sont les filles qui ont eu les meilleurs résultats. Où en sont les tennismen chinois ? Ils jouent très bien mais pour l’instant ça ne prend pas. D’après moi, c’est une question d’ouverture. Pour progresser, il faut aller jouer à l’étranger, passer du temps sur le circuit. Les filles l’ont fait avant eux parce qu’elles ont obtenu plus vite de meilleurs résultats. Mais aujourd’hui, ils sont sur la bonne voie. La Chine organise d’ailleurs beaucoup de tournois, de Challengers et ça va forcément aider les joueurs locaux. Ils vont affronter de nouveaux joueurs, progresser au classement et donc voyager davantage. C’est comme ça qu’ils deviendront plus forts et feront de meilleurs parcours en tournois. Après, je pense que le gouvernement préfèrerait voir un Chinois remporter un titre olympique en tennis plutôt qu’un nouveau Grand Chelem. Aux Jeux, c’est toute la Chine qui gagne alors qu’un Grand Chelem, c’est seulement le joueur qui gagne…

 

Tu parlais des excellentes infrastructures du pays. Il se murmure que la Chine aimerait organiser le cinquième tournoi du Grand-Chelem… J’ai déjà entendu ça oui. S’il doit y en avoir un nouveau et que c’est en Asie qu’on l’organise, autant que ce soit en Chine. Ce serait logique et ce serait une belle récompense. Le pays dépense beaucoup pour le tennis, il organise beaucoup de tournois et on le voit, le peuple chinois commence à aimer ça !

 

Ce pourrait être le Masters de Shanghai ? En tout cas, c’est un super tournoi. Là aussi les infrastructures sont incroyables. Après il arrive en fin de saison donc ce n’est jamais évident pour les joueurs. Il y a ceux pour qui l’année a été longue et qui commencent à avoir les jambes lourdes, ceux qui courent après une place au Masters et ceux qui veulent profiter de l’absence de certains pour briller. Mais le point positif, c’est que ça offre toujours une belle semaine.

 

Par Antoine Védeilhé, à Shanghai (Chine)

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