Alors que les Jeux Olympiques de Rio approchent à grands pas, les histoires des médaillés les plus glorieux refont surface. Au panthéon des grands joueurs, John Pius Boland est toutefois oublié de tous. En 1896, à Athènes, il est pourtant devenu le premier médaillé d'or en simple et en double, alors même qu'il n'aurait jamais dû participer aux Olympiades.
Finalement, depuis les premiers Jeux Olympiques de l'ère moderne, rien n'a vraiment changé dans le monde du tennis. Si on s'inquiète aujourd'hui du nombre décroissant de participants et des annulations à répétition – accompagnées d'excuses plus ou moins valables – on n'était même pas certains, en 1896, d'avoir assez de joueurs pour qu'un tournoi puisse avoir lieu. À tel point qu'on n'hésitait pas à inviter au dernier moment un joueur pour qu'il puisse combler les trous, de la même manière qu'on invite un copain pour jouer gardien de but au five le mardi soir. Seulement, il arrive parfois que ce bon copain se retrouve être un excellent joueur et surprenne tout le monde d'entrée de jeu. Une belle surprise, c'est exactement ce qu'était John Pius Boland, tennisman du dimanche et pourtant premier double médaillé d'or aux Jeux Olympiques, en simple et en double. Oui, le hasard fait bien les choses.
De Dublin à Bonn
John Pius Boland est né le 16 septembre 1870 à Dublin avec une cuillère en or massif dans la bouche. Protégé d'une des familles catholiques les plus riches d'Irlande, le jeune John accède à la meilleure éducation qu'il soit. Son parcours le mène rapidement en Angleterre, à Oxford, précisément. En octobre 1895, Boland s'envole pour Bonn en Allemagne, et commence à tenir un journal très précieux. Journal qu'il tiendra pendant son épopée olympienne et qui ne refera surface qu'en 1994 ! Dès son arrivée en Allemagne, John Boland est averti, par la Oxford Union Society – un club des étudiants d'Oxford, le plus prestigieux du Royaume-Uni – qu'un projet de réhabilitation des Jeux Olympiques est en cours. Enthousiasmé par l'idée, Boland demande à rencontrer Konstantinos Manos, un jeune étudiant d'Oxford, membre du comité d'organisation des JO avant de se lancer, en mars 1896, dans un tour d'Europe qui doit l’emmener à Athènes pour le début de la compétition. Après plusieurs semaines à déambuler avec son ami Alfred Pazolt entre Munich, Vienne et Patras, les deux compagnons posent leurs valises dans la capitale grecque, où ils entendent bien assister, en tant que spectateur, aux épreuves organisées par leurs amis. Dans son journal, Boland parle des mets qu'il déguste sur place, du confort de sa chambre d'hôtel mais pas une seule fois de tennis.
De l'hôtel au podium
Le 6 avril 1896 au soir, John Boland dîne avec le joueur de tennis Dionysios Kasdaglis qui le convainc de participer au tournoi olympique de tennis, dépourvu d'un treizième et dernier joueur. Boland accepte, alors même qu’il ne pratique pas le tennis à Bonn. Il explique dans son journal que les terrains sont gelés et utilisés pour le patinage et qu'il préfère de toute façon à ce sport le golf et le cricket. Alors que le tournoi commence le 8 avril, l'Irlandais n'a donc ni raquettes ni chaussures. S'il trouve rapidement une raquette rudimentaire au marché panhellénique d'Athènes, John ne trouve pas de chaussures adaptées. Il joue donc tous ses matchs avec ses chaussures en cuir et à talonnettes. Boland avoue lui-même ne pas être vraiment gêné, d'autant que ses adversaires ne sont pas non plus des tennismen accomplis, comme il l'explique dans son journal.
L'un d'entre eux est un haltérophile et lutteur serbe, un autre est un lanceur de marteau et un autre champion sur 800 mètres et 1500 mètres. Bref, sans être un champion, John Boland parvient à se défaire de tous ses adversaires en simple, d'abord, battant en finale… Dionysios Kasdaglis (6-2 6-2), l'homme qui l'avait encouragé à rentrer en compétition. En double, Boland évolue avec l'homme qu'il a sorti au premier tour du tournoi simple, l'Allemand Friedrich Traun. Ensemble, ils battent encore une fois Dionysos en finale (6-3 5-7 6-3). L'histoire fabuleuse de Boland, qui deviendra par la suite un membre du Parlement, a inspiré bien des légendes, surtout parmi les indépendantistes irlandais. Les récits qu'il tient lui-même dans son carnet ont finalement prouvé qu'il n'avait jamais demandé que le drapeau britannique soit remplacé par le drapeau irlandais lors de la remise des médailles. Au final, Boland n'est ni plus ni moins que le premier champion olympique de l'histoire du tennis. Et c'est déjà pas si mal.