Comment Wimbledon cohabite-t-il avec l’Euro de foot ?

6 juil. 2016 à 01:45:47

Comment Wimbledon cohabite-t-il avec l’Euro de foot ?
Tous les deux ans, c’est la même chose. Wimbledon doit composer avec la tenue d’une grande compétition de foot en parallèle, Coupe du monde ou Euro. Si le All England Tennis Club a depuis longtemps prohibé le ballon rond, celui-ci est dans toutes

Tous les deux ans c’est la même chose : les années paires, le prestigieux tournoi londonien de tennis doit composer avec la tenue d’une grande compétition de foot en parallèle, Coupe du monde ou Euro. Si le All England Tennis Club a depuis longtemps prohibé le ballon rond, celui-ci est dans toutes les conversations des vestiaires…

 

Il fut une époque où le tournoi de Wimbledon ne devait pas composer tous les deux ans avec une grande compétition de football. En 1966 par exemple, quand l’Angleterre organise la coupe du monde, le tournoi est alors décalé plus tard qu’il ne l’est aujourd’hui dans le calendrier. C’est du 11 au 30 juillet que le Mondial 66 se joue, alors qu’au All England Tennis Club de Wimbledon, les compétitions se sont achevées le 2 juillet sur les victoires de Billie Jean King et de Manolo Santana. Un Santana sans pitié pour le meilleur tennisman britannique de l’époque, Bobby Wilson, qu’il fait tomber dès les 8e de finale… Les sujets de la Reine pourront vite se consoler de cette déconvenue avec la victoire de l’équipe nationale anglaise en football tout juste un mois plus tard en finale face à l’Allemagne… Vingt ans plus tard en revanche, les temps forts des deux sports se croisent et se mêlent même. Le 22 juin 1986, c’est jour de match mythique au stade Aztèque de Mexico : l’Argentine élimine l’Angleterre 2-1 avec un Maradona ébouriffant, qui marque de la fameuse main de Dieu avant de doubler la mise en scorant l’un des buts du siècle. Or, le lendemain 23 juin, le tournoi de Wimbledon débute… Une 100e édition auquelle le public londonien va assister sonné par cette cruelle élimination de sa sélection de football à des milliers de kilomètres de là. Il n’est alors question que de Maradona, y compris lors des conférences de presse des joueurs de tennis. Dans l’édition du 29 juin 1986 du quotidien The Sun, il est reporté que le tenant du titre Boris Becker est interrogé sur l’issue d’une improbable confrontation entre l’Argentin et lui sur un court en gazon. « Il n’aurait aucune chance contre moi », assure l’Allemand, tout aussi péremptoire lorsqu’il s’agit de pronostiquer l’issue de la finale entre la RFA et l’Argentine qui a lieu le jour même à Mexico. « On va gagner la Coupe du monde, affirme Becker. C’est logique, on s’est enfin mis à jouer du bon football en demi-finale contre la France. On joue de nouveau en équipe. » Pronostic manqué : les Allemands s’inclinent finalement 3-2 face à la bande à Maradona, ce qui n’a pas découragé pour autant « Boom-Boom », qui gagne cette année-là Wimbledon pour la deuxième fois de suite, ni ne l’a dégouté du football, lui qui est un grand fan du Bayern Munich mais aussi de… l’AFC Wimbledon, le club du quartier londonien !

 

Les maillots anglais des frères Jensen font scandale

En 1996, l’Angleterre accueille de nouveau une grande compétition de football : l’Euro, organisé du 8 au 30 juin, tandis que Wimbledon a lieu du 24 juin au 8 juillet. A l’époque, certains matchs de foot sont encore retransmis sur les écrans géants du All England Tennis Club. Le ballon rond bénéficie d’une certaine tolérance au royaume de la petite balle jaune et du polo blanc… Mais plus pour longtemps : au premier tour du double masculin, les frères américains Luke et Murphy Jensen croient bons de rendre hommage à l’équipe de football locale et débarquent sur le court avec un maillot de la sélection anglaise sur le dos. Shocking ! Les organisateurs exigent que ces liquettes, non conformes à l’exigeant dress code, soient remplacées (elles n’ont d’ailleurs pas portées bonheur aux frangins Jensen, qui s’inclinent d’entrée face à la paire suédoise Bjorkman/Kulti) et décrètent que désormais, Wimbledon sera une « football free zone ». Entendre par là un lieu où le sport roi est totalement prohibé. Ce n’est pas à Wimbledon qu’on verra un footballeur remettre le trophée au vainqueur du tournoi, comme ce fut le cas à Roland-Garros en 1998, quand le roi Pelé himself était invité à la cérémonie d’après-finale.

Depuis 1996, les gardiens du temps de Wimbledon se sont tenus à cette règle : pas de football ici, quand bien même un Mondial ou un Euro est organisé en parallèle. Au contraire, c’est toujours bon d’en profiter pour jouer sur les différences entre les deux sports. En 2010 par exemple, en pleine polémique sur les vuvuzelas en Afrique du Sud, Wimbledon communique sur le fait que ces grands sifflets entrent désormais dans la liste des objets prohibés à l’entrée du site. Cette même année, la marque Slazenger, qui fournit les balles de tennis au tournoi, surfe sur la polémique à propos du ballon « Jabulani » de la marque aux trois bandes, dont les trajectoires sont comparées à celles d’un ballon de plage… « Contrairement à la Fifa avec Jabulani, dit le boss de Slazenger, nous n’avons pas changé de balle cette année. Les joueurs y sont habitués et ne s’en plaignent pas. Pourquoi changer un produit qui fonctionne si bien ? »

 

Heureusement, Murray est là pour consoler les Britanniques

Si le football reste prohibé à Wimbledon, certains joueurs passent outre la règle et suivent l’actu de leur équipe favorite. En 2010 toujours, c’est l’élimination de l’Angleterre par l’Allemagne, avec un but injustement refusé à Frank Lampard (le ballon avait heurté la transversale et était retombé dans le but avant de ressortir), qui est le plus commenté dans les coulisses de Wimbledon. « Comme le juge de ligne et l’arbitre ont pu le manquer ?, s’indigne Andy Murray sur Twitter, cette erreur n’aurait jamais dû se produire. » Un Murray qui, quatre ans plus tard, devient l’homme providentiel des fans britanniques alors que l’équipe nationale de foot s’est encore fait sortir prématurément de la Coupe du monde… En conférence de presse de l’Ecossais en début de tournoi, il n’est question que de ça. « J’aime quand il y a la Coupe du monde en même temps que Wimbledon, ça me donne quelque chose à faire le soir et ça change les idées. Quand vous vous baladez dans les vestiaires, tous les joueurs ne parlent que de ça », s’amuse l’Ecossais, qui a failli intégrer le centre de formation des Glasgow Rangers lorsqu’il était ado. Cette même année 2014, un porte-parole du tournoi croit tout de même bon de rappeler que Wimbledon reste « football free ». « Nous ne montrerons aucune image du Mondial sur aucun écran ni aucune télé. C’est un événement tennis ici. » Si la règle reste la même cet été, les organisateurs ont tout de même autorisé la tenue d’un petit concours de jongles. Federer, Nishikori, Muguruza et bien sûr Murray se sont prêtés au jeu. Pour ce qui est des bavardages foot dans le vestiaire du All England Tennis Club, c’est encore l’élimination précoce de la sélection anglaise qui a dû faire le plus causer. Comme quoi tous les deux ans, l’histoire se répète : les footballeurs anglais mettent un point d’honneur à vite se faire sortir pour ne pas porter de l’ombre à leur tournoi du Grand Chelem !

 

 

Par Régis Delanoë

 

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