Le 11 octobre 1940, en pleine Blitzkrieg, la funeste Luftwaffe larguait ses bombes dans le quartier de Wimbledon. Le All England Club, théâtre du tournoi londonien transformé en base de stockage militaire et civile, était durement et pour longtemps touché par cette attaque.
Il est très exactement 17h20 à Londres ce 11 octobre 1940. Le soleil commence à décliner dans un ciel que les habitants de la capitale anglaise ont pris l’habitude de scruter quotidiennement avec angoisse depuis déjà un peu plus d’un mois. Depuis le 7 septembre exactement, quand Hitler a déclenché l’opération Seelöwe avec pour but d’envahir le Royaume-Uni. La France vient de tomber entre les mains des Nazis et ces derniers comptent poursuivre leur offensive éclair de l’autre côté de la Manche. Pas question néanmoins d’y aller par la mer, la Navy britannique y règne en maître. C’est par les airs que le Führer décide d’attaquer en demandant à la Luftwaffe de semer la terreur sur cette terre ennemie. Dès le premier jour de cette guerre éclair, 320 bombardiers escortés par 600 avions chasseurs pilonnent Londres et ses alentours. Le palais de Buckingham est vite endommagé, de même que la cathédrale Saint-Paul. Les bombardements sont quotidiens, touchent désormais toutes les villes stratégique du pays. Ils ont lieu généralement de nuit, par des flottes de 150 à 200 appareils.
Toit arraché, 1200 sièges détruits
Ce fameux 11 octobre 1940 est le jour choisi par l’armée de l’air allemande pour terroriser encore plus durement que d’habitude ce fichu peuple anglais qui refuse de céder. Ce seul jour, 480 avions ennemis sont engagés, notamment à Liverpool où quatre navires sont coulés. À Londres, c’est à 17h20 que les sirènes retentissent pour prévenir la population de gagner les abris. Le feu s’abat. Dans le quartier de Wimbledon, cinq bombes de 220 kg chacune visent le site du All England Lawn Tennis and Croquet Club. L’une d’elles atteint sa cible et provoque de gros dégâts dans le stade où est organisé chaque année le tournoi de tennis de Wimbledon. Une partie du toit et 1200 sièges sont notamment détruits. Heureusement, l’attaque n’a fait aucune victime mais les dégâts matériels sont énormes, à tel point que le colonel Duncan MacAulay, chargé de la reconstruction à la fin du conflit, mettra plusieurs années à achever sa mission. Si les organisateurs insisteront pour qu’une nouvelle édition du tournoi ait lieu dès 1946, joueurs et joueuses évolueront dans un Wimbledon en travaux jusqu’à l’édition 1949.
Unité de décontamination, morgue, cochons, lapins…
En attendant, pendant le conflit, le All England Club de Wimbledon est réquisitionné comme lieu de stockage par les autorités britanniques et l’armée. Des ambulances y sont stationnées, ainsi que des véhicules de pompiers et de la British Home Guard. On y trouve aussi une unité de décontamination, une morgue et même une réserve de lapins, de porcs et de poules ! Dès lors, la question se pose : le court central de tennis de Wimbledon était-il délibérément visé lorsqu’il a été attaqué en ce 11 octobre 1940 ? Difficile à dire car les bombardements de la Luftwaffe étaient assez souvent aléatoires et la précision des frappes loin d’être chirurgicales. Peut-être les cinq bombes tombées dans le quartier londonien n’avaient-ils pour autre but que de « vider » les avions avant le retour au bercail ?
Le lendemain, Hitler renonce au projet d’invasion
Une chose est certaine en revanche : dès le lendemain de cette attaque, le 12 octobre, Hitler renonce à son projet d’invasion de la Grande-Bretagne et demande à son armée de l’air de se concentrer désormais sur le front de l’est. Dans un premier temps seulement ajournée, l’opération Seelöwe est définitivement abandonnée en 1943. Trois ans plus tard, les compétitions sportives reprennent. Chez les hommes, le premier tournoi de Wimbledon d’après-Guerre est remporté par le Français Yvon Petra, ancien prisonnier du conflit. Dans les tribunes, pour guider les spectateurs au milieu des décombres, les forces armées positionnées sur place depuis le conflit font office de stewards. C’est d’ailleurs encore le cas 70 ans plus tard : si vous vous rendez à Wimbledon, ce sont des militaires qui sont chargés de la bonne installation du public au All England Club. C’est aujourd’hui la seule trace visible de cette lointaine parenthèse du tournoi.