Oui, Roland a déjà débuté. Depuis lundi, ils sont 128 joueurs sur la ligne de départ à se disputer les seize sésames donnant accès au tableau final. Un rendez-vous incontournable pour tout bon fan de tennis et qui a occasionné quelques belles histoires aussi.
Pour assister à un match nul
Le règlement du tennis veut qu’il y ait toujours un vainqueur et un perdant à la fin. Un match a échappé à cette règle implacable. En 1973, le Français Denis Naegelen affronte le Grec Nicolas Kelaidis au dernier tour des qualifications. Naegelen mène 4-0 dans la troisième manche quand la pluie s’emmêle. Au retour des vestiaires, son adversaire recolle à 4-4 quand le ciel parisien fait encore des siennes. L’interruption s’éternise et, pendant ce temps, la direction du tournoi procède au tirage au sort des lucky losers. Et le hasard désigne le perdant de ce Naegelen-Kelaidis comme repêché. Plutôt qu’attendre une éclaircie, les deux hommes préfèrent se quitter qualifiés et bons amis sur ce score nul de 6-2, 3-6, 4-4.
Pour les bonnes histoires belges
Voilà une performance que même Novak Djokovic ou Rafael Nadal ne pourront égaler lors cette quinzaine. En 1997, Filip Dewulf enchaîne huit victoires à Roland-Garros. Le Belge remporte ses trois premiers matchs dans des qualifications qu’il a abordées « sans trop de confiance». Dewulf se rappelle aussi « d’un match très moche » contre le Français Julien Chauvin pour intégrer le tableau final. Le Flamand est loin de penser qu’il va se payer par la suite Alex Corretja et Magnus Norman pour arriver en demi-finale. Il imagine encore moins croiser la route d’un Brésilien inconnu au revers dévastateur et au t-shirt bariolé. Dewulf s’incline en quatre sets contre Gustavo Kuerten. « Je n’avais plus rien à donner, resitue le vaincu. Quand on y repense mon tournoi avait commencé depuis plus de deux semaines. »
Parce qu’elles peuvent changer une vie
Avant de devenir l’amuseur attitré du tournoi des légendes, Mansour Bahrami a été un bon joueur de simple et de double dans les années 80. La carrière de l’Iranien débute en 1980 quand fuyant la révolution dans pays, il vivote en France sans papiers ni adresse fixe. Bahrami rode alors du côté de la Porte d’Auteuil. « Trois semaines avant le début des Internationaux, Jacques Dorfmann, le juge-arbitre de l'épreuve, me donne la chance de ma vie sous la forme d'une invitation pour disputer les pré-qualifications.» Il ne la rate pas et gagne cinq matches de suite pour intégrer le tableau final. Les médias s’intéressent alors à ce garçon au jeu déjà flamboyant. L’intéressé profite de cette nouvelle notoriété pour obtenir sa carte de séjour. Et voilà comme Mansour Bahrami est devenu le plus français des Iraniens.
Parce que les matchs sont acharnés
Peut-être parce qu’un premier tour dans le tableau final rapporte 30 000 euros, les matchs des qualifications donnent souvent lieu à des combats acharnés. Comme l’édition 2015 où le Français Pierre-Hugues Herbert et l’Italien Andrea Arnaboldi tiennent le public en haleine pendant 4h26 lors de ce 2e tour. Herbert rend les armes à 27-25 dans le dernier set mais peut se consoler avec le record du match le plus des longs des qualifications à Roland-Garros. Pas un hasard qu’il s’entende aussi bien avec le marathonien de Wimbledon, Nicolas Mahut, avec qui il vise le titre en double cette année à Paris.
Parce que les joueurs sont comme nous
Faute de budget, les participants aux qualifs’ doivent jouer du système. En 1995, le Marocain Younès El Aynaoui, retombé au 224e rang mondial, a les poches vides. Plutôt qu’un hôtel hors de prix, il dort chez des compatriotes et prend le métro pour descendre à la station Michel-Ange Molitor. Mais le premier carnet de dix billets va s’avérer insuffisant pour El Aynaoui qui franchit le cut des qualifications et se hisse jusqu’en 8e de finale. « Comme ça m’a porté chance, j’ai gardé cette petite superstition et j’ai continué à venir à Roland-Garros en métro même une fois dans le grand tableau », nous racontait-t-il l’an dernier. Le Marocain cède seulement face à un André Agassi moins connu pour son goût des transports en commun.
Parce qu’ici, c’est le tennis vrai
Alors que Roland est encore une ruche où le personnel s’agite pour régler les derniers détails, les qualifications sont le rendez-vous des mordus de la petite balle jaune. Ici, pas de VIP ou de repas qui s’éternisent au Village, on vibre pour le match du Corse Laurent Lokoli dans une ambiance digne de Furiani, on connaît le palmarès de Teymuraz Gabashvili ou on soutient Gaston Gaudio (le seul vainqueur repassé par la case qualifs’ en 2010) et on ne repart pas avant la fermeture des portes à la tombée de la nuit. Ces spectateurs mériteraient eux aussi leur place dans le grand tableau.
Parce qu’on croise aussi des stars
La semaine des qualifications est aussi l’occasion de circuler dans les allées sans se faire marcher sur les pieds, ni attendre une demi-heure pour son sandwich ou sa barquette de frites. Un climat détendu qui offre aussi l’avantage de croiser les Nadal, Djokovic, Federer et les joueurs français venus se préparer pour le tournoi. Moins assaillies et plus disponibles, les stars du tennis sont plus facilement abordables pour un autographe ou un selfie. Définitivement un bon plan ces qualifs’.