Il y a près de 30 ans, le tournoi de Madrid accouchait d’une finale inédite : celle opposant deux frères, Emilio et Javier Sanchez, héritiers d’une longue lignée dans la balle jaune.
Sur la terre ocre de Madrid, deux hommes s’écharpent derrière la ligne de fond de court. A voir les kilomètres engloutis par le duo au fil des points, il ne fait nul doute que les adversaires du jour ont fait de la terre-battue une surface de prédilection. L’horloge, qui mesure plus de 3h30 de combat, confirme cette impression. De part et d’autre du filet, deux frères. Emilio Sanchez, 21 ans, et Javier Sanchez, 19, ne s’affrontent pas pour la première de leur vie, mais cette finale a une saveur particulière. Nés à Madrid, les frères Sanchez jouent une partie de leur suprématie familiale en ce jour de septembre 87. Et se doivent d’en découdre avec les armes.
« Il ne devait pas gagner un set »
Pour comprendre l’importance du duel, il faut d’ailleurs revenir quelques années en arrière. Elevés au grain par un père exigeant, Emilio et Javier évoluent dès le plus jeune âge sur les courts de tennis, aux côtés de leur sœur, Arantxa. Si Emilio confessait de lui-même « ne pas être doté des qualités naturelles de grands joueurs », la fratrie va se faire un nom sur le circuit. Premier à exploser, Emilio donc, déjà vainqueur de six tournois avant de se rendre à Madrid puis Javier, qui tente de marcher dans les pas de l’ainé. Reste qu’en cette année 87, les deux frères sont encore relativement jeunes. Dès lors, les voir se rencontrer en finale relève de la surprise.
Fort de ses deux années d’expérience supplémentaires, Emilio part toutefois favori. Et dès le premier set, fait respecter son statut, 6-3. Loin d’être abattu, Javier va toutefois renvoyer son ainé dans les cordes et s’imposer sur le même score, grâce notamment à un passing entre les jambes. Mais c’est finalement Emilio qui se détache dans le dernier set, grâce à son service (9 aces). 6-2, l’affaire est entendue, la suprématie familiale établie. Un brin prétentieux, Emilio déclare : « Il a bien commencé la rencontre, mais surtout, j’ai eu des problèmes d’estomac. Il en a profité, mais je n’aurais pas dû perdre le second set. Il ne devait pas gagner un set. ».
Arantxa face à ses frères
Une défaite qui marque la fin pour Javier. Car tandis qu’Emilio empile 14 titres en simples, mais surtout, cartonne en double aux côtés de Sergio Casal, Javier se fait plus discret. De toute façon, Aranxta a depuis bien longtemps éclipsé la fratrie, qui aura au moins eu le mérite d’être l’une des trois à disputer une finale de tournoi majeur (avec les McEnroe notamment). Depuis, Emilio et Javier ont arrêté la lutte, qui avait de toute façon tourné à l’avantage du premier (10 victoires en 12 rencontres). Après un succès en tant que capitaine de l’Equipe d’Espagne de Coupe Davis par BNP Paribas, Emilio d’ailleurs a ouvert une académie où Javier n’hésite pas à venir donner un coup de raquette. Une entente jamais démentie, à l’inverse des relations qui unissent désormais Aranxta avec les siens. Accusant ses parents d’avoir détourné tous ses gains de carrière, notamment au profit de ses frères, la benjamine a coupé les ponts avec sa famille, étant même mise à l’écart de l’enterrement du père. Chez les Sanchez, le combat n’est jamais vraiment terminé.