Souvent critiqué, mais jamais totalement écarté. S’il a souvent montré ses limites, le système de groupe des Masters - en vigueur depuis la création de l’épreuve en 1971 – a résisté à tout. Et même à la « polémique » Lendl, en 1980…
Si vous aviez le choix, vous préféreriez affronter qui en demi-finale ? Novak Djokovic ou Tomas Berdych ? C’est à ce type de faux dilemme qu’ont été confrontés Ivan Lendl et Jimmy Connors, lors de la dernière journée de la phase de poules du Masters 1980 à New York. Flash-back : le Tchécoslovaque et l’Américain ont rétrospectivement balayé Harold Solomon et Guillermo Vilas lors des deux premiers matches de groupe, avant de s’affronter en soirée le vendredi pour la première place du groupe. Deux précisions importantes : 1/ le gagnant de ce Connors/Lendl doit affronter le lendemain en demi-finale le monstre Björn Borg, numéro 1 mondial, qui sort d’une saison 80 énorme avec zéro défaite entre janvier et début septembre. 2/ Le perdant, lui, aura face à lui le sympathique Gene Mayer. L’Américain qui joue à deux mains des deux côtés a profité de l’énorme bataille livrée par John McEnroe et Björn Borg (victoire 6/4 6/7 7/6 de ce dernier) pour ramasser les deux stars à la petite cuillère et finir en tête d’un groupe... en miettes.
Connors traite Lendl de « poule mouillée »
Résultat : Ivan Lendl, 20 ans, vainqueur de ses sept premiers titres en 1980 et qui vient de battre Björn Borg en cinq sets en finale du tournoi de Bâle, ne joue pas le jeu. Après un premier set serré où il manque deux balles de set, le Tchécoslovaque semble absent dans le deuxième, qu’il perd (balance ?) en quelques minutes, 6/1. Battu à minuit passé, Lendl choisit de ne pas venir en conférence de presse. Ce n’est que le lendemain, quand Jimmy Connors l’a déjà traité de « poule mouillée », une remarque qui a fait date, qu’Ivan Lendl tente de mettre les choses au clair face aux journalistes. « - Je n’ai rien balancé du tout ! J’ai simplement changé de tactique. - Oui, mais vous aviez intérêt à perdre pour ne pas rencontre Borg ! - Non, j’avais intérêt à gagner pour jouer ma demi-finale en deuxième, car nous avons terminé à une heure du matin. » Personne ne le croit. Et surtout pas Connors, battu en trois sets par Borg le samedi, après la victoire… facile de Lendl sur Mayer. Une stratégie payante donc pour atteindre la finale, mais pas pour la gagner puisque Borg l’écrasera finalement 6/4 6/2 6/2.
De huit à seize joueurs…
Si le match de la honte du Mondial de foot 1982 entre les cousins germains autrichiens et allemands -se mettant d’accord pour disputer un non-match afin d’écarter la dangereuse Algérie- incite la FIFA à faire disputer les derniers matches de groupe au même moment pour éviter tout calcul intéressé, l’attitude de Lendl, elle, pousse les organisateurs à instaurer un format à élimination directe dès 1983 : douze joueurs d’abord, puis seize pour le Masters 1986, dernier tournoi avant un retour inévitable au Round Robin. Si la remise en cause du système de poules a fait long feu (il n’a plus vraiment refait débat depuis), la « polémique Lendl » a surtout eu pour conséquence de corser ses relations avec Connors, et accessoirement de transformer les affrontements entre les deux hommes en matches fabuleux. La finale de l’US Open 1982 (victoire en quatre sets de Connors) disputée avec le souvenir frais de la « poule mouillée » reste ainsi un monument des années 80. Comme quoi, ça n’a pas eu que du mauvais…