Avions en papier jetés sur le court et joueurs sifflés pour un oui ou pour un non, le BNP Paribas Masters a longtemps été l’un des plus chauds du monde. De ce point de vue, la première édition, en 1986, avait donné le « la ». Deux grands arbitres de chaise avaient le même jour subi des épisodes assez traumatisants pour que leur carrière s’en trouve à jamais modifier.
McEnroe face à Noah et Leconte face à Boris Becker. N’importe quel Grand Chelem rêverait d’un dernier carré aussi clinquant. Bercy, pour sa première, est sur le point de se l’offrir. Mais en ce vendredi 31 octobre 1986, journée de quart de finale, tout ne se passe pas comme prévu. Et les premières victimes de cette journée noire seront les arbitres. L’Américain donne le ton en début d’après-midi lorsqu’il est mis dehors par un qualifié espagnol surtout connu pour ses résultats en double : Sergio Casal. Ce dernier s’impose 7-6 au troisième set face au gaucher et… c’est le juge de chaise qui en paie la note.
Dans le viseur de McEnroe, l’inflexible Britannique Jeremy Shales. Éminente figure de Wimbledon devenue mondialement connue six mois plus tôt pour avoir fait fuir Jimmy Connors à Boca West, il est coupable ce vendredi 31 octobre de n’avoir, selon le 14ème joueur mondial de l’époque, de ne pas avoir pris les bonnes décisions dans le tie-break décisif. Gonflé à bloc par un public avide de violence, le joueur ne manque pas de lui faire savoir. Extraits : « Vous êtes l’arbitre le plus nul que je n’ai jamais vu ! Plus jamais vous ne m’arbitrerez ! Compris ! » Shales continuera d’arbitrer jusqu’aux débuts des années 2000, mais ce match marquera un tournant dans sa carrière, puisqu’il sera plutôt confiné aux seconds rôles. Quant à McEnroe, plus anecdotique, il sera lui suspendu 42 jours.
« Ils chient dans leur froc, ils ne savent plus où ils sont ! »
Trois heures plus tard, le Français Patrick Flodrops, qui en voit pourtant des vertes et des pas mures depuis 10 ans à Roland-Garros, est lui victime d’une overdose de stress après une fin de match houleuse entre Yannick Noah et l’Américain Tim Mayotte. À 5/7 5/5 et 30-A, Flodrops fait rejouer un point gagné par Noah à cause de l’annonce – très timide - d’un juge de ligne sur le service du Français, pourtant largement « in ». Prêt à servir à gauche, Noah ne comprend pas. Le public non plus. Les VIP sifflent dans les loges. Les spectateurs du fond, plus directs, sortent les cornes. En deux secondes tout bascule. « Quoi !? On rejoue le point ? » Noah n’en peut plus. Et dégoupille : « Merde ! Merde ! Virez-les, s’ils n’ont pas les nerfs. Virez-les ! Les juges de ligne chient dans leur froc, ils ne savent plus où ils sont ! » Battu 7/5 7/5 deux minutes plus tard, Noah refuse de serrer la main de Patrick Flodrops.
Ce dernier quitte le court sous la bronca du public. Et va alors connaître, de son propre aveu, la pire expérience de sa vie d’arbitre : « Alors que je partais vers le bureau des arbitres, un individu âgé et vociférant m’a sauté au collet et, en me secouant violemment, m’a insulté et tenté de me frapper. J’ai attendu, les bras derrière le dos pour bien montrer que je n’avais pas l’intention de me défendre, et que, s’il y avait un malaise, je n’y serais pour rien. Très choqué, je suis resté un moment prostré dans mon bureau, seul. » Quelques instants plus tard, à chaud, Patrick Flodrops annonce au juge-arbitre Jacques Dorfmann qu’il n’officiera plus jamais sur le circuit ! Si deux jours plus tard, il arbitre la finale entre Boris Becker et Sergio Casal, il n’est en effet jamais revenu sur sa décision. Ce match entre Noah et Mayotte fut en effet son tout dernier match ATP.
