Les 5 conclusions qu’on peut tirer de cet US Open

15 sept. 2015 à 17:43:19

Voilà, ça y est : l’US Open est terminé et, avec lui, la saison 2015 du Grand Chelem. L’occasion de tirer quelques conclusions. Cinq, au moins…

Voilà, ça y est : l’US Open est terminé et, avec lui, la saison 2015 du Grand Chelem. Un Petit chelem comme un exploit, un autre plutôt perçu comme un échec, des trentenaires qui saisissent leurs dernières occasions, d’autres non, des moissons aussi fastes que passées inaperçues en doubles et, toujours, beaucoup d’émotions… Les cinq points à retenir du dernier tournoi majeur de l’année, et leur mise en perspective.

 

Le « calendaire » attendra

 

Pour la première fois depuis 1988, quelqu’un arrivait à New York en position de boucler le Grand Chelem calendaire, seulement réalisé par, chronologiquement, Donald Budge, Maureen Connolly, Rod Laver, Margaret Court et Steffi Graf. Mais Serena Williams qui, sur le strict plan tennistique, avait fait le plus dur en remportant Roland-Garros, le plus ardu à rafler car le plus différent, a plié sous le poids de l'évènement à l’US Open. Car s’il faut toujours une conjoncture favorable pour prétendre empocher les quatre tournois majeurs la même année – de même que Graf a su profiter d'un creux générationnel en 1988, Serena Williams évolue depuis au moins deux ans sur un circuit en manque de forces émergentes pérennes – l’Américaine faisait face à un adversaire qui ne cesse de prendre de l’envergure à chaque fois que surgit un nouveau prétendant au Grand chelem calendaire : la pression. Celle de médias tellement plus omniprésents qu’au XXe siècle, et celle d’une histoire du sport mieux cernée et mieux connue de ses acteurs et du public. Cette tension, a rongé Serena Williams tout au long de l’été – dès Wimbledon, elle lançait à la presse, excédée, qu’elle ne voulait plus aborder le sujet ! – jusqu’à la consumer durant l’US Open. En demi-finales contre Roberta Vinci, elle n’en pouvait plus, parfois hagarde sur le terrain, toute lucidité envolée dans son jeu comme dans ses « Come on » aussi rageurs que malvenus quand survenant sur une faute directe adverse… Jusqu’à ce dernier jeu où elle ne se battit guère plus, attendant sans bouger la dernière volée amortie gagnante de l’Italienne. Résignée. « C'est dur de se battre contre l'Histoire », lâcha-t-elle dans une conférence de presse d'après-match express. Entre Federer, Nadal, Djokovic, Williams voire Hénin, nombreux ces dernières années sont ceux qui ont semblé avoir ce « calendaire » dans la raquette. Aucun ne l’a pourtant concrétisé. Le quintet de privilégiés ayant réussi l’exploit devrait rester figé pour quelques décennies encore.

 

Forza Italia

 

« Bienvenue au club, Fla ! » Bienvenue au club, oui, Flavia Pennetta, félicitée par sa compatriote Francesca Schiavone. Jusqu’à ces dernières années, l’Italie n’avait jamais triomphé en Grand Chelem dans le cadre du simple dames. Et puis « Cesca », à Roland-Garros il y a cinq ans, et « Fla », dans cet US Open, sont passées par là, achevant de faire de cette génération de bonnes copines, se connaissant pour la plupart depuis les catégories de jeunes, la plus belle jamais vue au pays de Nicola Pietrangeli et Adriano Panatta. Avec ces deux coupes en Grand Chelem, les finales de Sara Errani (Roland-Garros 2012) et Roberta Vinci (US Open 2015), les cinq victoires majeures en double de ce duo Errani - Vinci, meilleure paire mondiale de la discipline de la première moitié des années 2010 et enfin leurs quatre succès en Fed Cup par BNP Paribas (2006, 2009, 2010 et 2013), le quatuor a offert à l’Italie une décennie dorée en tennis féminin. Mais de tous ces trophées empilés, celui de samedi soir était probablement le plus le émouvant sur le plan collectif. Car les héroïnes sont aujourd’hui pour la plupart largement trentenaires, et ce feu d’artifice de la première finale 100% italienne disputée à New York avait des airs de bouquet final.

 

Le « Petit chelem », cette banalité

 

Dans le tennis moderne, on a envie de dire – avec un fond de provoc, bien sûr – que si à 28 ans tu n’as pas bouclé un Petit chelem, tu as raté, sinon ta vie, du moins ta carrière. Rareté depuis le début de l’ère Open, réalisé moins d’une fois par décennie (Laver sur la route du Grand Chelem calendaire en 1969, Connors en 1974, Wilander en 1988 et personne dans les 90), cet enchaînement de trois victoires en Grand Chelem la même année est devenu presque banal depuis une décennie : Roger Federer l’a fait trois fois (2004, 2006, 2007), Rafael Nadal une (2010), Novak Djokovic deux (2011, 2015). Soit six Petits Chelems comptabilisés en 12 ans. Six Petits chelems, trois champions : c’est exactement la proportion de saisons où, dans les années 1990, un joueur s’est « contenté » de remporter deux Majeurs dans l’année (Sampras quatre fois, Agassi une, Courier une). Les explications à ce constat ont déjà été avancées, d’une génération exceptionnelle de champions à des conditions de jeu uniformisées favorisant la mainmise totale de l’élite en place et réduisant les risques d’accident… de surprise, pour le plus grands plaisir des annonceurs et des sponsors. Reste la conséquence, à savoir que la comparaison entre les époques, ce petit jeu privilégié des fans, en devient faussée, tant les règles du jeu ont changé en un laps de temps extrêmement court.

 

Federer, un seul être vous bloque…

 

Difficile de savoir si, au matin d’une troisième défaite en finale de Grand Chelem en à peine plus d’un an, Roger Federer doit voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. A 34 ans, le Suisse est toujours n°2 mondial, toujours prétendant aux victoires majeures, avec une constance qui n’a d’égale dans l’ère Open que celle de Ken Rosewall pour ce qui est des trentenaires bien tassés. Depuis un peu plus d’un an, un seul joueur bat régulièrement Roger Federer. Le problème, c’est qu’il s’agit de l’omnipotent n°1 mondial, Novak Djokovic, l’homme qui ne manque plus à l’affiche d’une finale d’importance (Grand Chelem, Masters, Masters 1000) depuis Shanghai en 2014. Wimbledon 2014 et 2015, US Open 2015, Masters 2014, BNP Paribas Open d’Indian Wells 2014 et 2015, Rome 2015 : autant de finales du Suisse, autant de fois où il s’est heurté au mur défensif érigé par Novak Djokovic. Seules les surfaces les plus rapides (Dubaï, Cincinnati, voire Shanghai) sourient encore au recordman de victoires en Grand Chelem. Mais puisqu’elles sont marginales… En finale de l’US Open 2005, Roger Federer, alors tyrannique n°1 mondial, avait privé d’une apothéose personnelle la légende vieillissante Andre Agassi. Dix ans plus tard, le Suisse est passé de l’autre côté du miroir. Et, comme Agassi s’est heurté à lui de longs mois durant dans sa quête d’un dernier grand titre, Federer bute à répétition sur Djokovic. New York 2005 avait été le chant du cygne du Kid de Las Vegas. Et Roger ?

 

Les doubles, ce monde à part

 

De plus en plus, simples et doubles forment deux univers distincts, les palmarès, records et (belles) histoires humaines écrites en binôme ne rencontrant qu’un écho très limité – pour ne pas dire un désintérêt certain. Synthèse de ce que le tableau d’honneur du Grand Chelem 2015 aura réservé :

 

  • une ex-n°1 en simple, ex-grande rivale des sœurs Williams, empilant pas moins de cinq titres dans ces disciplines satellites (Petit Chelem en mixte, seul Roland-Garros lui échappant – une habitude ! – et titres à Wimbledon et à l’US Open en double dames), ce qui lui vaut de porter à 24 son nombre total de succès en Grand Chelem : Martina Hingis. Oui, la petite peste qui vous adoriez détester à la fin des années 90 a de beaux restes. ?

?

  • Une Américaine adepte des chaussettes montantes et des tenues bariolées squattant les palmarès des deux premiers Grands Chelems de l’année (double dames à l’Open d’Australie, double dames et double mixte à Roland-Garros) : Bethanie Mattek-Sands.

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  • Les frères Bryan accusant leurs 37 ans : pour la première fois depuis 2004, les jumeaux américains achèvent une saison sans accrocher de titre majeur. Et ce n’est pas le mixte de Roland-Garros empoché avec Bethanie Mattek-Sands qui consolera Mike Bryan. 

?

  • Et puis, quand même, des joueurs de simple continuant à prendre au sérieux la discipline, à commencer par Lucie Safarova. La 5e joueuse mondiale, finaliste à Roland-Garros en simple, a triomphé à Paris et Melbourne en double dames. Respect aussi à Fabio Fognini, qui a montré la voie à sa douce Flavia en remportant l’Open d’Australie en double, associé à Simone Bolelli. Mention enfin à la paire française Nicolas Mahut – Pierre-Hugues Herbert : bons joueurs de simple, tous deux ont considérablement sacrifié l’exercice solo en 2015 pour atteindre ce qui était un objectif fort chez eux : soulever une coupe en double. Chose faite à l’US Open. Bâton de maréchal pour Mahut, acte de naissance parmi l’élite de la discipline pour Herbert.

 

Par Guillaume Willecoq

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