Récent demi-finaliste de l’US Open, Tomáš Berdych est depuis bientôt 10 ans la tête de gondole du tennis masculin tchèque. Ce week-end plus que jamais puisque que le numéro 7 mondial va tenter de qualifier son pays pour la finale de la Coupe Davis par BNP Paribas aux dépends de l'Argentine. Le joueur a un incontestable talent mais aussi un sale caractère qui fait de lui un des plus détestés du circuit. A raison ?
Wimbledon, juin 2006 : Tomáš Berdych est opposé à Fabrice Santoro lors du deuxième tour. Excédé par le jeu atypique de son adversaire, le Tchèque décide de s’en moquer méchamment en le singeant ostensiblement. « Il avait été particulièrement incorrect », se rappelait récemment le Français aujourd’hui retraité. Il se souvient aussi de l’antijeu déplorable de son jeune vis-à-vis : « Au moment où je m’apprêtais à servir pour le match, il avait prétexté une blessure, avait appelé le kiné et on avait interrompu la partie pendant un quart d’heure. Il m’avait profondément déconcentré. Après la partie, il avait déclaré en conférence de presse : « Quand j’ai appelé le kiné, je n’avais absolument rien au genou, c’était juste pour embêter Fabrice ». A défaut d’être classe, ça a le mérite d’être franc.
Voilà en tout cas comment est née la légendaire mauvaise réputation du Tchèque sur le circuit ATP, qu’il fréquente depuis 2003. Et le moins que l’on puisse dire est qu’il n’a depuis rien fait pour soigner son image. En 2006 toujours, au tournoi de Madrid, il avait violemment pointé son doigt sur sa bouche avant de jeter un regard noir à Rafael Nadal, qu’il venait de battre, ainsi qu’au public. Une manière bien peu élégante de montrer sa joie après avoir battu le roi chez lui… En 2008, c’est un autre joueur français, Michaël Llodra, avec qui il s’embrouille suite à une décision arbitrale, refusant à la fin du match de serrer la main de son adversaire comme il est de coutume de faire. En janvier dernier, Nicolas Almagro subira la même attitude car Berdych avait estimé que l’Espagnol l’avait volontairement visé sur un passing.
« Je m’en fous »
Ce ne sont là que quelques exemples parmi d’autres. Manquements au fair-play, pauses pipi interminables, discussions avec les arbitres, pleurnicheries… Malgré un incontestable talent, Tomáš Berdych n’est aimé ni de ses adversaires, ni du public. Il le sait et s’en accommode très bien. « Je m’en fous », réplique-t-il invariablement quand on le questionne sur le sujet. « Je connais Tomáš depuis très longtemps et je n’ai jamais eu de problème avec lui, affirme pourtant la journaliste Martina Ku?erova, du quotidien iDnes. Je respecte sa façon de communiquer seulement par des biais officiels ». Elle concède cependant que parfois « il lui arrive de se montrer très renfermé, surtout en cas de défaite ».
Mauvais perdant, Tomáš Berdych ? Michal Ho?ejši, rédacteur sport au Lidové Noviny, reconnait que le champion est d’un abord bien peu amical. En toutes circonstances. « C’est un professionnel, il se rend aux conférences de presse, maintient sa page Facebook à jour et je ne l’ai jamais vu péter les plombs. Après ça n’en fait pas non plus un chic type. C’est difficile de le cerner en fait car il extériorise très peu ses émotions». C’est sa seule explication pour analyser la mauvaise réputation du joueur tchèque à l’international : « C’est quelqu’un de renfermé, ne laissant à personne la possibilité de sonder sa personnalité. C’est ainsi, il faut le respecter ».
Murray, l’exemple à suivre ?
C’est vrai que le solide gaillard de bientôt 27 ans n’est pas le premier et ne sera pas le dernier joueur à avoir des contacts distants avec les fans, les journalistes et ses adversaires. Marcelo Rios avant lui était déjà réputé pour son humeur taciturne, tout comme Robin Söderling actuellement… Il n’empêche, au sein même de son propre pays, le comportement de l’actuel porte-drapeau du tennis tchèque n’est pas toujours apprécié. La comparaison avec son compatriote et partenaire de Coupe Davis par BNP Paribas Radek Stepanek – « un gars tout en émotion, très drôle et qui aime communiquer », dixit Michal Ho?ejši – ne joue pas en sa faveur.
Considéré tout gamin comme un énorme talent en devenir, Tomáš Berdych a vite eu à subir la pression de tout un peuple passionné de tennis et qui attend désespérément un successeur à Ivan Lendl. « Son statut est difficile à assumer », estime d’ailleurs Martina Ku?erova, tandis que son confrère voit des similitudes entre l’exigence des Tchèques vis-à-vis de Berdych et « celle vécue par Andy Murray en Grande-Bretagne ». Le même Murray qui l’a battu en demi-finale de l’US Open et qui semble avoir franchi un cap mentalement depuis quelques semaines. Plus mûr, plus apaisé. Berdych devrait essayer de s’en inspirer. Car c’est bien connu : les vainqueurs sont toujours beaux. Une victoire en Coupe Davis par BNP Paribas ou en Grand Chelem et on ne parlera plus du sale caractère de Tomáš. Seulement de son talent.
Par Régis Delanoë