Malgré tous les efforts de James Ward, seulement battu 8/6 au cinquième set lors du troisième tour, Andy Murray est cette année encore l’unique Britannique qualifié en deuxième semaine de Wimbledon. Une triste constante pour les joueurs locaux sur leur gazon (pas si) chéri puisque, depuis le début de l’ère Open en 1968, soit 47 ans, seuls 10 sujets de Sa Très Gracieuse Majesté sont parvenus à atteindre les huitièmes de finale à Londres. Entre valeurs sûres de leur temps, feux de paille et authentique champion, ce compte rond méritait bien un top.
Mark Cox
Un très bon joueur de son temps, l’un des rares amateurs ayant été rapidement capable de se mettre au niveau lorsque le tennis est devenu Open et que les professionnels ont fait leur retour dans les tournois du Grand Chelem, à compter du printemps 1968. Dès Wimbledon cette année-là, Cox pointe en huitièmes de finale, y résistant le temps de deux sets au numéro 1 mondial Rod Laver (9/7 5/7 6/2 6/0). D’une grande longévité – premier Wimbledon en 1962, à 19 ans, et dernier en 1981, à 38 ans – il retrouve les huitièmes en 1977 (battu sur le fil par l’Américain Billy Martin dans un match crève-cœur pour tout un pays, 3/6 6/3 6/4 0/6 9/7) et en 1979, où le temps qui passe fait cette fois son œuvre face à Jimmy Connors (6/2 6/1 6/1).
Roger Taylor
Le Tim Henman de son temps : toujours placé, jamais gagnant. Multiple demi-finaliste en Grand Chelem (quatre demies, dont trois à Wimbledon en 1967, 1970 et 1973) et ayant atteint au moins une fois les quarts des quatre tournois majeurs, il a touché son plafond de verre dans ces tours précédant l’affiche finale. Il passe pourtant tout près en 1967, dernière année où le tournoi est fermé aux joueurs professionnels, mais s’incline en cinq sets face à l’Allemand Wilhelm Bungert (6/4 6/8 2/6 6/4 6/4). S’il ne peut pas faire grand-chose contre Ken Rosewall en 1970, gros regret en revanche pour 1973 : dans une édition où 13 des 16 meilleurs mondiaux boycottent le tournoi pour soutenir Nikki Pilic, suspendu de toute compétition internationale par l’ITF pour avoir décliné une sélection en Coupe Davis par BNP Paribas, il laisse trop d’énergie dans son quart contre un jeune Suédois plein d’avenir dénommé Björn Borg (6/1 6/8 3/6 6/3 7/5) et le paie dans le finish de sa demie contre Jan Kodes (8/9 9/7 5/7 6/4 7/5).
John Feaver
Le boycott de 1973 permet même à sa Très Gracieuse Majesté de placer deux représentants en deuxième semaine à Wimbledon puisque, outre Taylor, John Feaver saute sur l’occasion pour franchir le cap : il gagne au terme d’un marathon au premier tour contre le qualifié américain Eugene Scott (8/9 6/3 6/8 6/4 6/4), puis bat deux lucky losers, l’Australien Cliff Letcher et l’Américain Pancho Walthall. Le Soviétique Alex Metreveli, futur finaliste, met un terme à la plaisanterie en huitièmes : en 13 participations à Wimbledon entre 1971 et 1984, c’est la seule fois où John Feaver a pu dépasser le deuxième tour.
Graham Stilwell
Graham Stilwell a déjà 30 ans et dix Wimbledon derrière lui quand, en 1975, il atteint enfin les huitièmes de son Grand Chelem national. Il s’agit presque d’une épopée puisqu’il sort alors des qualifications où, au dernier tour, il a remonté un débours de deux sets face à un jeune Néo-Zélandais qui disputera plus tard la finale de l’épreuve, Chris Lewis (3/6 2/6 6/1 6/4 7/5). Dans le tableau final, il bénéficie de l’élimination précoce de John Alexander, n°10 du tableau, et arrive en huitièmes sans croiser de tête de série. Il s’incline alors avec les honneurs face au futur vainqueur du tournoi, Arthur Ashe (6/2 5/7 6/4 6/2). Six ans plus tôt, au troisième tour, il avait même failli battre le champion américain (6/2 1/6 6/2 13/15 12/10).
Buster Christopher Mottram
Un spécimen rare (unique ?) de Britannique plus à l’aise sur terre battue que sur gazon. Vainqueur junior de Roland-Garros en 1972, il a atteint les huitièmes de finale à Paris en 1977 et, jusqu’à ce qu’Andy Murray vienne dépoussiérer tout ça au printemps, restait le dernier sujet de Sa Majesté à avoir remporté un titre sur terre battue européenne (Palma de Majorque en 1976). Malgré ce penchant fort pour l’ocre, « Buster » Mottram est par ailleurs parvenu à rallier une fois les huitièmes à Wimbledon, en 1982, battant notamment Anders Järryd et Victor Amaya, avant de s’incliner face au jeune Tim Mayotte.
Jeremy Bates
Le meilleur joueur britannique entre les années Cox – Mottram – Lloyd (lequel a toujours bloqué au troisième tour à Londres) et l’avènement de Tim Henman et la naturalisation de Greg Rusedski. Jeremy Bates a disputé deux fois les huitièmes de finale à Wimbledon, battu à chaque fois par Guy Forget : en 1992, après avoir surpris Michael Chang au premier tour, il pousse le Français aux cinq sets (6/7 6/4 3/6 7/6 6/2) ; en 1994 en revanche, il n’y a pas réellement match entre les deux hommes. Deux huitièmes en simple et un titre en double mixte (1987). C’est finalement peu, mais cela suffit à garantir à Jeremy Bates son quota régulier de wild-card dans les différentes épreuves du Senior Tour organisées de nos jours en Grande-Bretagne.
Andrew Foster
En 1993, Andrew Foster a 21 ans. Il est classé 332e à l’ATP et la faiblesse du vivier britannique est telle que ce classement de (bon) joueur de Futures lui vaut invitation par le comité organisateur du All England Club. Au premier tour, il fait sensation contre le champion du monde junior 1991, un certain Thomas Enqvist, 71e à l’ATP (4/6 6/3 6/2 3/6 6/3). Derrière, le tableau s’ouvre avec l’élimination d’entrée de Karel Novacek, tête de série n°15, par Luis Herrera. Foster bat le Mexicain (6/4 6/3 6/4), puis profite de l’abandon d’Andrei Olhovskiy au troisième tour (6/3 6-5ab.). Sa bonne étoile l’a porté en deuxième semaine… et ne pourra pas l’aider plus face à Pete Sampras, lancé à toute vitesse vers le premier de ses sept Wimbledon (6/1 6/2 7/6). Quant à Andrew Foster, il ne dépassera jamais le 184e rang mondial, après avoir gagné un quatrième et dernier match sur le circuit principal début 1994, à Sydney.
Greg Rusedski
Canadien naturalisé britannique en 1995, Greg Rusedski est arrivé au moment où la perfide Albion désespérait de sa formation nationale. Bon timing pour celui qui a atteint les huitièmes de finale à Londres dès son premier Grand Chelem sous passeport britannique, en 1995 ? Pas tant que ça : un an plus tard, l’émergence de Tim Henman allait lui voler la vedette et le condamner au rôle de second dans les cœurs anglais. Reste que le grand serveur gaucher présente des états de service solides à Wimbledon, avec cinq huitièmes de finale (1995, 1997, 1999, 2001 et 2002), pour un quart en 1997, année où il est également finaliste à l’US Open. Au fil des ans, il se fait notamment une spécialité d’administrer la leçon aux jeunes loups aux dents longues : Mark Philippoussis en 1997, Magnus Norman en 1999, Juan Carlos Ferrero en 2001, Andy Roddick en 2002.
Tim Henman
La régularité d’un tout bon… auquel il a manqué le petit quelque chose qui fait les champions. De 1996 à 2004, Tim Henman a toujours atteint la deuxième semaine à Wimbledon. Une constance sur près d’une décennie qui n’a d’égale que celle des plus grands, Sampras, Federer ou Connors. Mais contrairement à eux, « Gentleman Tim » n’a jamais été en mesure d’aller au bout. En quatre demi-finales disputées, il s’est heurté deux fois au maître des lieux, « Pistol Pete » (1998, 1999), une fois au numéro 1 mondial du moment et futur vainqueur, Lleyton Hewitt (2002), et une fois à l’Histoire en marche : celle de Goran Ivanisevic, 125e mondial sauvé par la pluie alors qu’il était à la dérive après l’égalisation d’Henman à une manche partout. Cette année-là, en 2001, le dernier pur serveur-volleyeur ayant fréquenté le Top 5 mondial est passé à deux points de la finale (7/5 6/7 0/6 7/6 6/3). Faute de titre, il en revanche légué à la postérité londonienne la « Henman Hill », surnom du promontoire d’où les fans sans billet pour le Centre Court suivaient ses matchs avec ferveur sur un écran géant.
Andy Murray
Il aura donc fallu que l’Ecosse s’en mêle pour que les îles britanniques reprennent enfin possession de « leur » Centre Court. Andy Murray est un champion d’un tout autre braquet que ses neuf compatriotes cités précédemment. La rareté chez la plupart des autres n’est rien d’autre qu’un strict minimum pour lui, puisqu’il n’a perdu qu’une seule fois avant les huitièmes en dix participations à Wimbledon : c’était lors de ses débuts dans le tournoi, en 2005. Il s’était alors incliné au troisième tour contre David Nalbandian, non sans avoir mené deux manches à rien. L’acte de naissance d’un futur grand, successeur de Fred Perry en 2013, au bout de 77 ans d’attente.