« Il n’y a jamais eu personne d’aussi fort que moi à 15 ans »

18 mai 2015 à 13:31:11

À quelques jours de Roland-Garros, celui que la France voyait déjà vainqueur d’un Grand-Chelem avant de le considérer comme un espoir déçu, se pose pour un premier bilan, dans une interview accordée à notre partenaire Society.

Richard Gasquet n’a que 28 ans, mais il a déjà presque tout connu: le une de Tennis Magazine à 9 ans, le Central de Monte-Carlo à 15, le goût de la victoire contre Federer à 18, le contrôle positif à 23. À quelques jours de Roland-Garros, celui que la France voyait déjà vainqueur d’un Grand-Chelem avant de le considérer comme un espoir déçu, se pose pour un premier bilan.  Et en profite pour balancer quelques revers bien sentis dans une interview accordée à notre partenaire Society et dont voici quelques-uns des meilleurs extraits.

 

Depuis le début de la saison, tu traînes une blessure au dos. La blessure, c’est finalement le seul moment où un joueur de tennis peut mener une vie un peu normale…

Je préfèrerais être sur le circuit et ne plus avoir mal. Mais c’est vrai que c’est rare de pouvoir se poser. Des joueurs de foot me sortent parfois: “C’est dur le foot, il y a des mises au vert”. J’ai envie de leur dire: “Vous êtes gentils les gars, mais au tennis, on part beaucoup plus”. En janvier tu es en Australie, tu enchaînes avec les Etats-Unis en mars, tu y retournes en août. Tu vas en Asie après, en Europe avant. Je n’ai jamais fêté un anniversaire, car ça tombe toujours en plein Wimbledon. Pareil pour le 31 décembre: j’ai toujours un match le lendemain. Je n’ai jamais vu minuit au jour de l’An ; à 22h, je suis au lit. C’est la vie du tennisman, on a l’habitude. Tu n’y penses même plus. La journée tu t’entraînes, le soir tu vas au resto à deux rues de l’hôtel, et puis tu rentres. C’est une routine. Tu n’as pas un mec sur le circuit qui prend le temps de visiter. Je suis né à Béziers, je n’aurais jamais pensé mener une vie à voyager à droite, à gauche, jouer dans des grands stades, avec des spectateurs par milliers. C’est fabuleux, quand on y pense. Mais le jour où je vais m’arrêter, c’est sûr que j’éviterai un peu l’avion. 

 

Quand on se déplace autant en avion que toi, on pense aux catastrophes aériennes?

Forcément. L’avion en Malaisie, Kuala Lumpur-Pékin, ce vol de 0h10, je l’ai pris trois fois. On n’y pense pas trop, mais quand ça bouge un peu, tu te rappelles qu’il y a eu un accident trois jours avant. C’est la vie. Une année à l’US Open (en 1998, ndlr), Marc Rosset devait prendre l’avion de la TWA qui s’est finalement écrasé. Il s’était levé un peu tard, ça le faisait chier de prendre l’avion le soir même et il avait annulé son billet. Un New York-Genève! Normalement, c’est pas une destination qui craint.

 

Ton père voulait que tu sois d’abord un “beau joueur”. On est loin des pères Agassi ou Williams qui planifient la vie de leurs enfants pour qu’ils deviennent numéro 1 à tout prix...

D’autres joueurs ont toujours eu des plans de carrière, se disant: “Je veux être numéro 1 mondial”. Moi, ça n’a jamais été mon truc. Je n’ai pas été façonné pour devenir un champion. Je jouais pour le plaisir du jeu. Je suis arrivé vers 16 ans parmi les meilleurs, très fort, très jeune. Ça a été un choc. Même pour mes parents. J’en ai parlé avec eux pas plus tard qu’il y a une semaine. On rediscutait de la une de Tennis Magazine. J’avais 9 ans. On l’avait fait comme ça, on ne se rendait pas compte. On m’avait demandé mon avis, ça me faisait chier, oui, mais on était dans le Sud, on ne se posait pas de questions. Mais un jeune aujourd’hui, c’est clair que je lui dirais de ne pas la faire.

 

On parle beaucoup de cette une, mais le vrai tournant dans ta carrière arrive à Monte-Carlo, en 2002. Tu as 15 ans, tu sors des qualifications et tu bas Franco Squillari, le demi-finaliste de Roland-Garros, au premier tour. Tu ne te dis pas “C’est facile”?

C’était assez étonnant. J’étais -30 au début du tournoi. Je venais de déménager à Paris. J’avais reçu une invitation pour Monte-Carlo, j’y étais allé, pour voir. Après Squillari, j’affronte Safin, je perds, mais en deux sets serrés. C’était un rêve, d’affronter une idole du tennis comme lui. Mais c’est presque dommage d’être arrivé aussi fort, aussi jeune. Après, tu as tout le monde sur ton dos: la fédération, les médias, les sponsors, le tennis français en général. Tout le monde s’attendait à ce que je devienne numéro 1 mondial.

 

Et?

(Il coupe) Il n’y a jamais eu personne d’aussi fort que moi à 15 ans. Ça n’a jamais existé. Bon ça serait mieux que ça soit le cas aujourd’hui, mais en France, aucun joueur n’a joué aussi bien, aussi jeune. Tu es tout de suite catalogué comme un génie. Tu as trop d’attente autour de toi.

 

La comparaison avec Nadal t’a toujours poursuivi. Il a seulement 15 jours de plus que toi, vous êtes copains, tu le battais chez les jeunes et puis il t’est passé devant une fois arrivé sur le circuit ATP. Peut-être parce qu’il s’est construit un physique, ce qui n’a pas vraiment été ton cas… Ça, je ne vais pas dire le contraire. Nadal a une plus grosse caisse physique que moi. Un travail que j’ai moins fait, c’est clair. J’étais plus dans l’optique de jouer au tennis, la technique, le plaisir. Même quand je suis monté à la 7e place, je n’avais pas du tout été à la gym. Je jouais beaucoup, quatre heures par jour, sans problème. J’aimais et j’aime toujours le jeu.

 

Cet hiver, tu es allé t’entraîner chez lui, à Manacor…

Dans la vie, Rafa est l’antithèse d’une star. Il est très simple. Sa vie n’est réglée que pour le tennis. Je me souviens, on a joué toute la journée un mardi, tard le soir il est parti à Barcelone, il avait des trucs à faire là-bas, il a fini à 2h du matin, il a pris un vol à 5h, il a dormi trois heures et à 10h30 le lendemain on était sur le court à s’entrainer pendant quatre heures. Il n’arrête pas. Jamais. C’est une machine. Il faut souffrir dans le tennis, pour pouvoir faire un match en 5 sets et deux jours après en rejouer un autre. Mais souffrir comme Nadal, je n’en vois pas d’autre.

 

Peut-être parce qu’il a son oncle et entraîneur, Toni, pour lui des mettre des coups de pied au cul. Il a peut-être manqué un Toni Nadal dans ta carrière, non? …

 

Pour connaître la suite de l’interview et découvrir les réponses de Richard Gasquet sur son rapport au tennis français, son après-carrière, son contrôle positif à la cocaïne ou encore la folle rumeur lui prêtant une relation avec Arnaud Lagardère, rendez-vous chez votre marchand de journaux le plus proche et demandez Society!

 

 

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