Comment ça, il n’y a qu’un seul « l » à Roland-Garros ? Et il n’a jamais été champion de tennis non plus ? Si les légendes urbaines autour du « French Open » sont parfois plus belles que la réalité, voilà l’occasion, ici, de rétablir quelques vérités, alors que se profile déjà le début du tournoi dans deux semaines…
1/ Roland Garros était un champion de tennis
Non. Roland Garros, natif de la Réunion, est aviateur. Pas n’importe lequel puisqu’en 1913, cinq ans avant sa mort, il traverse la Méditerranée à bord d’un monoplan, une performance alors inédite. Côté sport, Roland Garros n’est monté au filet qu’en amateur. D’ailleurs son dada, c’est surtout le rugby, qu’il pratique au Stade Français, club alors dirigé par un ancien copain de fac, Emile Lesieur. Alors comment ce fait-ce que le tournoi parisien porte son nom ? La réponse remonte à 1928, lors de la construction d’un stade dédié au tennis dans l’ouest parisien, dans laquelle est impliquée Emile Lesieur, et dont il veut profiter pour rendre un hommage à son ami entre temps décédé : « Je ne sortirai pas un sou de mes caisses si on ne donne pas à ce stade le nom de mon ami Garros. »
2/ Rolland-Garros s’écrit avec deux « l »
L’erreur est commise des milliers de fois chaque année. Oui, il n’y a qu’un seul « l » à Roland ! Anecdote suprême : en 1981, Eduardo Arroyo, artiste sollicité pour dessiner l’affiche officielle, doit faire une retouche après en avoir glissé un de trop sur sa première mouture. La double consonne s’est même glissé au milieu des années 90 sur un arrêt de bus jouxtant le stade, côté Boulogne.
3/ Le tournoi a fêté son centenaire en 1991
Toiles, tableaux, chansons, pin’s et autres produits dérivés… Et on n’oublie pas les parachutistes et la patrouille de France, le jour de la finale. En 1991, les organisateurs mettent le paquet pour le 100è anniversaire ! Mais le tournoi n’est alors qu’un vrai-faux centenaire. L’année 1891 ne correspond en fait qu’à celle du premier championnat interclubs, ancêtre de l’épreuve, dont le véritable centième anniversaire pourra être fêté en 2025 (si l’on s’en tient à l’année où les étrangers ont été autorisés à participer) ou en 2028 (si l’on s’en tient à la création du stade Roland-Garros).
4/ Suzanne Lenglen a déjà joué à Roland-Garros
Le Central porte le nom de Philippe Chatrier, ancien président de la Fédération Française et Internationale de tennis, qui a œuvré toute sa vie pour que Roland-Garros devienne un évènement majeur du tennis et du sport en général. Le deuxième court le plus important du stade porte le nom de Suzanne Lenglen, championne absolue de l’entre-deux-guerres, et aujourd’hui l’un des noms les plus prestigieux du sport français. Si Suzanne a bien remporté les Internationaux de France, l’épreuve ne se disputait pas encore à Roland-Garros, sa dernière participation remontant deux ans avant la construction du stade, où elle n’a donc jamais joué.
5/ Roland-Garros a toujours eu lieu fin mai / début juin
Si le tournoi est indissociablement lié au mois de mai, il s’est déjà offert une petite escapade estivale, c’était au sortir de la guerre. En 1946, les dates de Wimbledon et de Roland-Garros sont curieusement interverties, avec une finale parisienne disputée seulement le 27 juillet. Le tournoi n’est pas resté longtemps juilletiste : la canicule de l’été 1947 (l’été le plus chaud du siècle en France) contraint les organisateurs à vite à faire marche arrière.
6/ Chang a fait un service à la cuillère sur la balle de match
Tout faux. L’audace de Michael Chang en 1989 contre Lendl provoque un émoi si vif que les amateurs sont nombreux à s’en souvenir comme d’une finale. Cet authentique match culte n’a pourtant eu lieu qu’en huitième de finale, et c’est au beau milieu du cinquième set que le jeune Américain a surpris le numéro un mondial de l’époque en servant comme un joueur du dimanche… On a aussi prétendu que ce service à la cuillère était le premier jamais vu sur le Central. Or, Horst Skoff avait déjà tenté le coup en 1987 contre Miloslav Mecir, et jusqu’aux années 50, il n’était pas rare de voir des femmes n’engageant que « par en-dessous ». Exemple fameux avec Maud Galtier, finaliste du double dames en 1954.
7/ McEnroe a mené 2 sets à 0 et break d’avance dans le troisième contre Lendl en 1984
Ça, c’est la version maintes fois contée dans les livres et récits relatant l’un des plus invraisemblables retournements de situation vu dans une finale majeure. Mais le chef d’œuvre des années 80 ne s’est pas exactement déroulé ainsi. Après avoir pris les deux premiers sets 6/3 6/2, John McEnroe a lâché le troisième set 6/4 sans jamais avoir eu de break d’avance. C’est dans le quatrième set que l’attaquant américain, battu finalement 7/5 au cinquième, a réussi à creuser l’écart en se détachant 4-2.
8/ Les Français losent toujours à Roland-Garros
La rumeur persiste. Les joueurs français vivraient avec la peur au ventre dès qu’ils sont du côté des marronniers de la Porte d’Auteuil. On le sait tous, il n’y a pas eu le moindre cocorico dans l’épreuve reine depuis Yannick Noah en 1983. Mais avec ses 12 titres en simple (cinq chez les dames et sept chez les hommes), la France occupe tout de même une place de choix dans le classement des nations le plus souvent titrées à Roland-Garros. Avant l’édition 2015, seules quatre puissances ont fait mieux : les Etats-Unis, l’Australie, l’Espagne et l’Allemagne.
9/ Nadal est le meilleur joueur de l’histoire du tournoi
Avec son record inouï de 9 victoires (série en cours…), l’Espagnol l’est bien sûr dans les faits. Mais même avec son ratio de 98,5% de victoires, Rafael Nadal n’est pas le premier de la classe. Six joueurs, trois femmes (Althea Gibson, Maureen Connolly et Helen Wills) et trois hommes (Don McNeill, Donald Budge et Frank Parker), sont restés invaincus en simple, réussissant l’exploit de s’imposer à chacune de leur participation. Trois d’entre eux, Gibson, Parker et McNeill n’ont également jamais connu la défaite en double !
10/ Le stade Roland-Garros a toujours été réservé au tennis
C’est resté relativement anecdotique, mais d’autres activités que le tennis ont eu droit de cité chez les Mousquetaires. A commencer par le sport roi, l’athlétisme, puisqu’une piste (qui ne disparaitra qu’au début des années 70) équipait déjà le terrain où fut érigé le stade. Pendant la guerre, le Central accueillit une finale du championnat de France de basket, ainsi que la troupe théâtrale de Jean-Louis Barrault, venue notamment jouer une tragédie grecque. Lors des premières heures de paix, un combat de boxe de Marcel Cerdan a fait le plein sur le Central. Le noble art y fera une seconde apparition en 1973 pour un choc Bouttier/Monzon, produit par la star de cinéma Alain Delon…
Par Julien Pichené