17 défaites consécutives entre fin février et fin août ! Le récent calvaire de Donald Young en rappelle d’autres : ceux vécus par les Donnelly, Dee, Spadea il y a quelques années. Dans une société qui ne jure que par le succès, les grands perdants, les vrais, sont toujours montrés du doigt. Partout, sauf ici ! Hommage.
1/ Robert Dee – 54 défaites consécutives
Le 22 avril 2008, ma vie a changé pour toujours. Alors que j’étais inconnu de presque tout le monde du tennis, je suis soudainement célèbre.
Tristement célèbre, pour avoir mis trois ans à remporter un match homologué par la Fédération internationale : de 18 à 21 ans, Robert Dee a accumulé 108 sets perdus et 54 défaites consécutives sur les circuits secondaires… Une performance. Ou l’histoire tragi-comique d’un doux globe-trotter britannique révélé au grand public par une bonne dizaine de médias internationaux, chambreurs à souhait.
« Le plus mauvais joueur du monde », lit-on notamment en titraille de tous ces articles. Aïe. Une
punchline de trop, à laquelle Robert Dee riposte vite. Il poursuit en justice et « pour diffamation » les journaux et les sites internet ayant propagé la nouvelle. Tout en rappelant qu’il a gagné des matches pendant cette période (
dans des tournois de club, notamment, mais non reconnus par la FIT, Ndlr), il décroche une victoire retentissante sur le terrain judiciaire. Sa plus belle. Verdict : excuses publiques et indemnités compensatoires pour les auteurs de cette grossière formule. Par chance, après de nombreuses discussions, son record reste, lui, acté et officiel.
2/ Diego Beltranena – 55 défaites consécutives
L’authentique monstre statistique, c’est lui : un énigmatique Guatémaltèque qui a accumulé, entre 1997 et 2005, la somme de 3 défaites en tournois Challengers et 50 en Futurs, anciens tournois satellites. Total hors taxes de 53 fessées successives ! Diego a depuis rejoué deux matchs en mai 2008 pour deux piquettes supplémentaires. Un joli "+ 2" qui fait de ce preux chevalier le
recordman absolu du plus grand nombre de défaites consécutives. Heureusement, sur cette série historique de 55 défaites, Diego a tout de même remporté un set. L’honneur est sauf.
3/ Vince Spadea – 21 défaites consécutives
Juin 2000. Vince Spadea rase les murs, n’ose parler à aucun de ses collègues. L’Américain est au bout : il n’a pas gagné le moindre match depuis fin octobre. 21 fois de suite, il a serré la main de son adversaire avec la moiteur et la mollesse du vaincu ! Classé 19
e à l’ATP au début de sa mauvaise passe, le cours de son action a chuté au-delà de la 60
e. La délivrance interviendra au premier tour de Wimbledon pour ce garçon au jeu solide, mais sans éclats : Spadea bat Rusedski en cinq sets. Il en chialerait presque. A l’entendre, on a échappé à quelque chose de plus grave :
« C'est terrible de traverser une telle période. Si j'avais perdu ce soir, je ne sais pas ce que j'aurais fait. J'avais l'impression qu'on m'observait au microscope. Quand je pense que mes parents sont repartis en Floride il y a deux jours... Quand ils ont vu que je jouais Rusedski, ils se sont dits que ça ne valait pas le coup de rester ! »
4/ Gary Donnelly – 20 défaites consécutives
Bon joueur de double
(il est finaliste à Wimbledon en 1986 avec l’ex-partenaire de McEnroe, Peter Fleming, Ndlr), Gary Donnelly est le seul joueur à avoir été vu en train d’éclater en sanglots après avoir battu un inconnu au premier tour de l’US Open. Quand vous avez perdu vingt matches de suite, même une victoire sur l’Australien Carl Limberger, fut-elle à l’arrachée, vous comble. Mais c’était peut-être
too-much pour Donnelly… Après ce « retour » aux affaires, il ne gagnera plus jamais un match de simple sur le grand circuit. Il n’en avait pas gagné beaucoup avant non plus…
5/ Donald Young – 17 défaites consécutives.
Le petit dernier de la bande.
« Chaque fois que je viens ici, je joue comme un punk », lâche cet été Donald Young à sa maman, au sortir de sa défaite à Wimbledon. A cet instant, cet éternel bambin, trop faible mentalement, trop couvé par ses parents, n’envisage guère que sa série de défaites en cours depuis février devra attendre le lundi 20 aout 2012, et un match de premier tour à Winston Salem face à Leonardo Mayer pour toucher à sa fin. Mais pourquoi donc ?
« Je n'ai pas vraiment envie de savoir, et je n'ai pas lu quoi que ce soit sur moi ces derniers temps, car ça ne sert à rien. Mais maintenant, je sais que je pourrai rire à ce sujet pour le reste de l'année ». Nous aussi…
Bonus :
Dans un autre genre, voici des séries tout aussi remarquables dans la défaite.
Juan-Antonio Marin, 18 fois battu au premier tour dans un tournoi du Grand Chelem sur … 18 participations ! Le Costaricain avait failli frapper un grand coup en 1999 face à Pete Sampras à Roland-Garros, mais failli seulement. Pendant toute sa carrière il a failli. Failli, le pire mot qui soit pour un sportif de haut-niveau.
Vitas Gerulaitis, 16 fois battu par Björn Borg sur … 16 confrontations ! Les deux potes se sont rencontrés dans de nombreuses finales et demi-finales entre 1974 et 1981 et le Dieu suédois a toujours gagné. Parfois très facilement. Jusqu’à rendre totalement fou Gerulaitis, qui, entre nous, l’était déjà pas mal à la base :
« Si je dois un jour l’amener chez moi lorsqu’il aura 95 ans et l’aider à sortir de son fauteuil roulant, je pense que ce jour-là, j’aurai une chance de le battre ».
Jacques Weiss, recordman malheureux du plus grand nombre de participations sans la moindre victoire à Roland-Garros. Entre 1934 et 1956, le Français s’est retrouvé treize fois sur la ligne de départ et n’a jamais gagné un match. Encore pire que Nicolas Mahut ! Et qui sait ce qui se serait passé si la Seconde Guerre mondiale n’avait pas eu lieu.
Par Victor Le Grand et Julien Pichené