En quoi l’US Open est-il si américain ?

27 août 2013 à 10:06:35

En quoi l’US Open est-il si américain ?
Melbourne ? Coloré. Roland-Garros ? Passionné. Wimbledon ? Feutré. Et l’US Open, alors ? Tellement américain. Explication en cinq points, plus jeu décisif au dernier set.

A chaque tournoi du Grand Chelem son ambiance. Melbourne ? Coloré. Roland-Garros ? Passionné. Wimbledon ? Feutré. Et l’US Open, alors ? Si l’adjectif « électrique » pourrait convenir, dans le fond le terme collant le mieux à la réalité est encore « américain. » Tellement américain. Explication en cinq points, plus jeu décisif au dernier set.

 

« Bigger is better »

 

New York, c’est grand. Et Flushing Meadows, idem. Tel est le choc originel chez le quidam foulant pour la première fois le plus grand complexe mondial dédié au tennis. Vingt-deux courts y sont réservés au seul tournoi, tandis que onze autres sont rattachés à la Fédération américaine, qui y a son siège. Le plus grand d’entre eux, le Arthur-Ashe, affiche une capacité de 22 547 spectateurs quand les trois autres Grands Chelems restent bloqués à 15 000 places pour leur court central. Bref, vertige assuré pour celui qui découvre un tel décor, qu’il soit spectateur… ou joueur. Plus d’un débutant à l’US Open, sacrifié sur l’autel d’un « big match » face à un cador, a passé une soirée cauchemardesque sur ce Central gigantesque, aux repères si différents de ce qui existe ailleurs. Pour peu que le public s’en mêle, dans ce mélange déroutant de chauvinisme et de désintérêt qui lui est propre – ne pas craindre les papiers gras et autres emballages de McDo s’envolant parfois des tribunes jusqu’au bord du court – l’expérience peut s’avérer un très mauvais souvenir.

 

Les nuits folles de New York

 

Partout imitées, nulle part égalées. Les « night sessions » ont écrit la légende du Grand Chelem américain. Ces moments où le temps s’arrête, où les spectateurs s’emballent, grondent, trépignent tandis que les deux lutteurs sur le court se rendent coup pour coup au cinquième set. Connors, Agassi, Sampras – invaincu en nocturne à New York dans sa carrière ! – en firent tous un théâtre à la mesure de leur talent, tout comme Capriati ou les sœurs Williams. Ces « night sessions » ont leur corollaire : le jeu décisif du cinquième set. L’US Open est le seul tournoi majeur à achever ses rencontres sur un tie-break. Cette recette unique a offert au tennis quelques monuments de tennis, entre niveau de jeu stratosphérique, standing ovations et, finalement, vainqueur dont l’euphorie n’a d’égal que le désespoir du perdant : quatre heures d’efforts joués à la loterie, et parfois sur un seul point… De quoi exacerber les émotions chez tous les acteurs du drame.

 

Grandes gueules et polémiques

 

« Ici, c’est chez moi ! » Qui d’autre que Jimmy Connors pour personnifier la légende de l’US Open ? Avec ses cinq titres à New York, obtenus sur trois surfaces différentes – gazon, terre battue, dur – ses 14 demi-finales dont la dernière à 39 ans, son caractère de cochon et ses déclarations de fier-à-bras, « Jimbo » a incarné ce tournoi plus que quiconque. Autant que ses succès, ses prises de bec avec John McEnroe ou Andre Agassi sont entrées dans l’histoire… tout comme son coup de poing asséné à un photographe trop entreprenant tandis que la foule, massivement sud-américaine, envahissait le stade pour porter en triomphe un Vilas triomphant (1977). Le loustic ne s’est pas assagi avec les années et, même quinquagénaire, a gardé le sens du sarcasme : « Récemment, j’étais dans un vestiaire avec cinq joueurs du Top 10. Il n’y a pas eu un mot de prononcé pendant une demi-heure. Quand je suis parti, j’ai dit : ‘C’était un plaisir de discuter avec vous, les gars.’ » 

Et même quand Connors n’est pour rien dans les scandales, les organisateurs s’y prennent tout seuls comme des grands pour se mettre dans l’embarras : en 1996, alors que le tennis américain apparaît nanti d’un carré d’as Sampras – Chang – Agassi – Courier, respectivement 1er, 3e, 6e et 9e à l’ATP, la rumeur se répand comme une traînée de poudre d’un tirage au sort truqué afin de répartir le quatuor dans quatre demies différentes. Devant la fronde des autres joueurs, les organisateurs sont contraints de procéder à un nouveau tirage au sort. Une première dans l’histoire du Grand Chelem.

 

L’US Boy ne craint personne

 

Tandis que les aspirants champions australiens, britanniques et, à moindre degré, français, peinent à s’illustrer sur leur Grand Chelem national, soyons gré aux jeunes Américains, qualifiés ou invités par leur fédération, de continuer à ambiancer les premières semaines à New York. Dans une hiérarchie mondiale de plus en plus figée, le culot de l’US Boy souffle telle une bouffée d’air frais sur des premières semaines manquant souvent de sel. L’an dernier encore, ces « young guns » plein d’aplomb, pour la plupart rompus à la ferveur des tribunes à force de joutes en tennis universitaire, ont coupé quelques têtes, et non des moindres : Florian Mayer (Jack Sock), Ernests Gulbis (Steve Johnson), Jürgen Melzer (Bradley Klahn), Jerzy Janowicz (Dennis Novikov), Lucie Hradecka (Mallory Burdette) ou encore Francesca Schiavone, battue par une Sloane Stephens encore peu connue. Beau tir groupé.

 

Si c’est trop fort, c’est que vous êtes trop vieux

 

A New York, la musique n’adoucit pas les mœurs. Tous les deux jeux, la sono se met en branle et crache ses tubes rock ou rap comme pour mieux couvrir le bruit des avions décollant de l’aéroport voisin de La Guardia. Peu importe le contenu, l’essentiel c’est que ce soit lourd : Springsteen, The Black Eyed Peas, AC/DC… Les joueurs disent avoir appris à n’y plus prêter attention. Heureusement pour eux d’ailleurs, car si les trois autres Grands Chelems sont encore préservés du tintamarre, les épreuves asiatiques et européennes en raffolent de plus en plus. Reste que les cousins d’Amérique ont toujours un temps d’avance : il n’y a que sur le Arthur-Ashe Stadium qu’un Roger Federer tout de noir vêtu peut entrer jouer une finale majeure au son de la Marche impériale sans sombrer dans le ridicule.


 

Et puis quel autre tournoi peut se targuer de lancer deux semaines de tennis par un show de la starlette pop du moment - Carly Rae Jepsen en 2012 - ou d’une vedette du rock confirmée – Lenny Kravitz cette année – sous les yeux de la « First lady » Michelle Obama en personne ?

 

Goodbye, Super Saturday

 

Il va manquer au grand barnum, celui-là. La programmation bien particulière de l’US Open voulait que le dernier samedi soit l’apogée du tournoi. Lors du « Super Saturday », on jouait à la suite une première demi-finale hommes, la finale dames et enfin la deuxième demie messieurs. Un véritable festin pour affamés de la balle jaune, dont l’apogée fut peut-être atteinte en 1984, quand tour à tour Lendl et Cash, Navratilova et Evert, and, last but not least, McEnroe et Connors, livrèrent tous de somptueux affrontements dans la fournaise de Flushing. Légitimement critiqué pour son manque d’équité sportive – le vainqueur de la deuxième demie masculine voyait son temps de repos réduit à la portion congrue avant la finale – ce « Super Saturday » avait pris du plomb dans l’aile ces dernières années, les ouragans s’étant succédés au-dessus de New York, entraînant l’impossibilité de disputer les trois rencontres programmées… et le report de la finale masculine au lundi lors des cinq dernières éditions ! Fin donc d’une page mythique de l’histoire du tournoi : cette année, les demies hommes se joueront le samedi, la finale dames le dimanche, et le point d’orgue masculin le troisième lundi. L’US Open ne fait jamais rien comme les autres.

 

Par Guillaume Willecoq

 

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