Jimmy Connors, les années Vegas

22 juin 2017 à 00:00:00

Entre 1975 et 1977, le manager de Jimmy Connors a organisé pour son poulain un « championnat du monde des lourds de tennis » calqué sur le modèle de la boxe. Une série de matchs défis très lucratifs qui ont enflammé le Caesar’s Palace.

Entre 1975 et 1977, le manager de Jimmy Connors a organisé pour son poulain un « championnat du monde des lourds de tennis » calqué sur le modèle de la boxe. Une série de matchs défis très lucratifs qui ont enflammé le Caesars Palace de Las Vegas.

 

Début 1975, Jimmy Connors sortait d’une saison exceptionnelle, avec trois victoires en Grand Chelem sur les trois où il s’était aligné (seule exception : les Internationaux de France car les organisateurs l’avaient sanctionné pour sa participation à d’obscures exhibitions peu avant). Lors de son troisième sacre de la saison à l’US Open, la légende veut qu’il ait lancé un provocateur « Donnez-moi Laver », signifiant sa volonté de s’opposer à ce qui se faisait de mieux avant lui sur un court de tennis. L’Australien est alors âgé de 36 ans, il ne participe plus qu’à une poignée de tournois majeurs mais il reste la référence raquette en main. Une légende qui a réalisé le Grand Chelem deux années, en 1962 et 1969. Le vieux sage Rod Laver contre l’arrogant blanc bec Jimmy Connors, il est vrai que l’affiche serait belle. Mais comme le premier est de moins en moins présent sur le circuit, il est improbable de voir les deux l’un contre l’autre lors d’un tournoi officiel. Il faut donc provoquer l’affrontement et c’est ce que va s’atteler à faire le manager de l’Américain, un certain Bill Riordan.

 

Arrangement financier et gros mensonge

 

Un drôle d’oiseau ce Bill Riordan : c’est lui qui aurait conseillé à Connors de snober l’équipe US de Coupe Davis pour privilégier sa carte perso et les invitations à des tournois et exhibitions lucratifs. Fils d’un manager de boxe, lui-même passionné par le noble art, il se met en tête d’organiser pour son champion ce qu’il appelle un « championnat du monde des lourds de tennis », calqué sur le modèle du plus fameux des combats sur un ring. Amusé par le défi qui lui est proposé, Rod Laver accepte de jouer les sparring-partners. Amusé mais surtout intéressé lucrativement parlant. « Je n’étais là que parce qu’on ne m’avait jamais donné autant d’argent pour taper dans une balle », expliquera plus tard l’homme aux onze titres du Grand Chelem. En coulisses, Riordan a en effet déjà décidé des sommes à reverser aux deux adversaires : 100 000 dollars pour son poulain, 60 000 pour le vétéran australien. L’affiche est pourtant vendue au public et aux médias comme un match avec 100 000 dollars à gagner pour le vainqueur et rien pour le perdant, histoire de pimenter la chose.

 

Eastwood et Heston dans les tribunes

 

C’est au Caesars Palace de Las Vegas que ce match aux poings est organisé le 2 février 1975. Un court de tennis avec des gradins pouvant accueillir 4 000 personnes est conçu spécialement pour l’occasion. Les billets sont vendus entre 25 et 100 dollars. Charlton Heston et Clint Eastwood comptent parmi les personnalités présentes pour ce moment d’histoire, loin néanmoins de l’esprit originel et policé de ce sport. Chaque joueur dispose de son entraîneur dans un coin, comme sur un ring. Quant au public, il est disposé très près des joueurs et invité à mettre l’ambiance. À l’applaudimètre, c’est Rod Laver qui l’emporte sur son cadet. Hué, ce dernier paie devant ses compatriotes sa supposée arrogance et surtout son refus de jouer en équipe nationale (ironie du calendrier, les Américains seront éliminés prématurément de la Coupe Davis ce même premier week-end de février, battus à Palm Springs par le voisin mexicain). « Je trouvais que je jouais bien, se rappelle Laver dans son autobiographie. Je lui proposais une belle opposition. Le public était avec moi, ce qui ne plaisait pas à Jimmy qui a adressé un doigt d’honneur vers une tribune. » Mais dans ce match de gauchers, et malgré les merveilleuses volées de Laver, c’est finalement Connors qui l’emporte en quatre sets, 6/4 6/2 3/6 7/5, pour ce qui restera la seule opposition entre les deux joueurs.

 

Invaincu en quatre « combats »

 

Malgré les critiques suscitées par cet événement dans le monde du tennis, Riordan décide de poursuivre l’aventure, bien aidé par la masse d’argent que propose le diffuseur exclusif, la CBS. Connors, en détenteur de cette première « ceinture » officieuse de champion du monde des lourds de tennis, défend son titre dès le 26 avril 1975 face à John Newcombe, toujours à Las Vegas, puis une fois encore au Caesars Palace contre Manolo Orantes le 28 février 1976. Deux adversaires mis au tapis, tout comme le troisième et dernier Ilie Nastase, pour une rencontre qui a lieu cette fois à l’hôtel Dorado Beach de Porto Rico le 6 mars 1977. Un mois après, Bill Riordan révèle à la presse que les mises d’argent sont arrangées à l’avance, contrairement à ce qui a été toujours annoncé jusqu’alors. Un mensonge qui fait scandale, provoque la fin de ces exhibitions et la rupture entre le joueur et son manager. Il n’empêche, pour toujours, Jimmy Connors restera comme le seul et unique champion du monde des lourds du tennis.

 

 

Par Régis Delanöe

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