En 2009 déjà, Serena est en demi-finale de l'US Open. Alors tenante du titre, l'Américaine s’emporte contre une juge de ligne sur une balle de match en demi-finale. Récit d’un coup de sang historique car décisif dans la victoire finale de son adversaire, Kim Clijsters.
Nous sommes en 2009, Serena Williams est numéro 2 mondiale et joue sa place pour la finale de l’US Open. L’objectif, pour l’Américaine, n’est rien de moins que de conserver son titre. Face à elle, l’ex-retraitée Kim Clijsters. Après deux ans d’absence, la Belge revient comme jeune maman sur les courts à l’occasion de la tournée américaine. Wild card à l’US Open, la gagnante de 2005 a passé avec brio les obstacles Kutuzova, Bartoli, Flipkens, Venus Williams et Li Na. Avant de pénétrer sur le court Arthur Ashe, bondé, Serena a déjà dominé Clijsters sept fois sur les huit matches. Pourtant, « elle paraît nerveuse », se souvient Yves Simon, journaliste belge pour Sudpresse, alors sur place. « Kim a battu sa sœur après un match épique et Serena affronte de nouveau Kim dix ans après un match très disputé à l’US Open. Bref, il y avait un contexte émotionnel. » Malgré un bon début, l’Américaine laisse échapper le premier set. 4-6. Le deuxième set est plus accroché, mais l’Américaine est encore dos au mur. 5-6, 15-30 sur son service, les « Go Serena ! » affrontent les « shhhhh ! ». Après un premier service hors du carré, Serena se remet en place, s’élance, puis... « FAULT ! »
Une explication « assez violente »
A sa gauche, la juge de ligne Shino Tsurubuchi est catégorique. Faute de pied au service. Serena s’arrête net, sous les huées. Consternée, mains sur les hanches, l’Américaine fixe la ligne de fond de court. Avec 15-40, Serena tente de se reconcentrer... mais non, ses nerfs lâchent. Furieuse, elle accourt vers la chaise de Shino Tsurubuchi, juge de ligne depuis 2002. « Je prie pour que les joueurs ne touchent pas la ligne avec leur pied, confiera la juge de ligne à Sports Illustrated un an après l’incident. Mais si les joueurs le font, nous devons l’annoncer. » La numéro 2 mondiale gesticule et pointe du doigt l’officielle puis lâche quelques mots. Assise, Tsurubuchi reste stoïque puis jette un œil à l’arbitre de chaise Louise Engzell, comme pour implorer son soutien. Debout face à la juge de ligne japonaise, Serena Williams continue de vociférer. « C’était assez violent, se rappelle Yves Simon. Elle pointait sa raquette en sa direction et la juge était petite, donc le contraste était saisissant. » Concentrée, Kim Clijsters reste à l’écart. « Honnêtement, je ne voulais pas m’en mêler, expliquera-t-elle face à la presse. Je me suis dit ‘Okay Kim, ne te déconcentre pas. Tu dois encore remporter ce dernier point.’ » Derrière Shino Tsurubuchi, des spectateurs incrédules scrutent le face à face.
Serena Williams retourne servir, faisant rebondir avec agressivité sa balle sur sa ligne. Shino Tsurubuchi regarde alors Louise Engzell, acquiesce, puis accourt vers elle. Les deux femmes échangent sous le regard médusé de Serena Williams. Les spectateurs eux se lèvent et huent. C’est le gros cafouillage. Le juge-arbitre Brian Earley débarque d’un pas décidé, sur le court, assisté de Donna Kelso, superviseuse WTA du Grand Chelem US. Serena tend l’oreille et prend soudain la parole : « Je n’ai pas dit que j’allais vous tuer ! Vous êtes sérieuse ? » Chez les journalistes aussi, c’est la stupéfaction. « Il faut bien se rendre compte qu’en direct on comprend pas ce qui se passe », se remémore Yves Simon. Le fin mot de l’histoire leur arrivera plus tard.
82 500$ d’amende, record battu
Qu’est-ce que Serena Williams a bien pu dire à Shino Tsurubuchi ? La phrase, les medias la décryptent en lisant sur les livres de l’Américaine à partir des images vidéo : « I swear to God I’ll fucking take the ball and shove it down your fucking throat. » En français, ça donne : « Je jure sur Dieu que je vais prendre cette putain de balle et la fourrer dans ta putain de gorge. » Ravissant. Le problème, c’est que ça n’était pas le premier coup de sang de Serena dans ce match. Après un jet de raquette au premier set, la cadette des Williams avait déjà été avertie. A 15-40, le point de pénalité est fatal. Victoire de Clijsters, 6-4, 7-5.
Quelques secondes plus tard, Serena Williams se dirige vers son banc et balance sa raquette de rage. Puis, elle vient serrer la main d’une Kim Clijsters qui ne réalise pas trop. « Elle m’a juste dit ‘Bonne chance, j’espère que tu vas remporter le titre’ », racontera plus tard la Belge. L’Américaine retourne vers son banc, prend ses affaires et quitte le court sous les applaudissements des fans. « Go Serena ! » Yves Simon se souvient d’une Kim Clijsters « blême » sur sa chaise. « Elle n’était pas au courant de l’histoire. C’était comme si elle n’acceptait pas que ça se finisse comme ça ». Mais c’est déjà fini : « Ladies and gentlemen, 2009 US Open finalist : Kim Clijsters ! » A l’arrivée, la Belge remportera même le titre.
« Lui faire une bise »
L’addition de l’incident fut salée pour Serena Williams : 10 500 dollars (environ 9500 euros) pour l’altercation et le jet de raquette, puis, après deux mois d’enquête, 82 500 dollars d’amende, la plus grosse prune jamais reçue par un joueur... L’Américaine est aussi restée deux ans sous sursis. Par un communiqué, Serena admettra vitre s’être comportée « de façon inappropriée ». Après son titre de double avec Venus, Serena répondra même à la presse : « A cette juge de ligne, j’aimerais lui faire une bise et lui dire que je suis juste... Mettons tout ça derrière nous et regardons devant. » Mais pas trop, histoire de rester quand même derrière la ligne de service.