Bill Scanlon, le faux père originel du golden set

19 sept. 2013 à 14:45:11

Quel joueur a été le premier à réaliser un golden set ? Découvrez son identité et histoire en lisant l’article consacré à tous ces hommes et femmes ayant réussi à ne pas concéder un seul point à leur adversaire en six jeux…

Lors d’une rencontre des qualifications du dernier US Open, Julian Reister a remporté son troisième set sans perdre le moindre point. Il devient le 5ème joueur de l’histoire du tennis - hommes et femmes réunis - à réussir un golden set. Cela tombe même à pic : chez les hommes, on fête cette année les trente ans de celui réalisé par l’Américain Bill Scanlon, pionnier masculin en la matière. Rétrospective, entre raquettes en bois et livre à scandale. 

 

Une authentique prouesse. Opposé à son compatriote allemand Tim Puetz, 115ème mondial, l’obscur Julian Reister conclut ses qualifications du dernier US Open en remportant le 3ème set sans concéder le moindre point à son adversaire. 24 points consécutifs, C’est ce que l’on appelle avec emphase un golden set. Avant lui, l'Américaine Pauline Betz restera à jamais comme la première à avoir infligé ce supplice à une adversaire. C'était en 1940 à l'occasion du tournoi de Cincinnati contre sa compatriote Catherine Wolf. Cinquante-deux ans plus tard, Tine Scheuer-Larsen réussit le set parfait en Fed Cup par BNP Paribas face au Botswana. La Danoise pousse le vice jusqu'à inventer le terme de « roue de bicyclette », avec deux sets blancs, pour une marque finale de 6-0 6-0. Comprendre : cette image rapproche la forme du zéro de celle d'une roue de vélo. Plus fraîchement, Yaroslava Shvedova est devenue, l’année dernière, la première à réussir un golden set en Grand Chelem. Sur les pelouses de Wimbledon, la Kazakhe met 15 minutes pour triompher de Sara Errani, pourtant 10ème joueuse mondiale. Ce jour-là, la nouvelle défile sur tous les bandeaux d’information incrustés en bas des chaines de télévisons sportives américaines. Ce score attire l’attention d’un observateur de 55 ans, bière blonde main gauche, position allongée sur une chaise longue du Rivieira Tennis Club de Los Angeles. Ce retraité heureux, c’est Bill Scanlon : une très bonne raquette américaine des eighties. Six titres en simple, deux en double. Mais c’est surtout le premier joueur masculin à avoir réalisé un « set d’or » ! L’homme est considéré, à tort, comme le père originel de cet exploit. « On ne se souvient que de moi parce que je suis un homme. Et le tennis a toujours été un sport machiste. C’est d’ailleurs une très bonne chose selon moi », soutient-il dans une interview au New York Times. Ça s’est passé le 22 février 1983 au premier tour du tournoi de Delray Beach, en Floride, contre le Brésilien Marcos Hocevar. 29 ans plus tard, Bill vient de prendre un sacré coup de vieux. « Attendez une secondequelqu’un vient de réaliser un set d’or en Grand Chelem, lance-t-il à ses amis. Cette personne vient de m’enterrer pour l’éternité ! »

 

« Je suis juste mort de trouille avec ces nouvelles raquettes »

 

Côté court, ce joueur un peu fou, et légèrement gavroche – « je picolerais même le matin s’il m’arrivait de me lever avant midi  », a toujours été branché sur courant alternatif. Capable de sombrer sous le regard d’une jeune spectatrice, ou d’enchainer des séries incroyables de points. Comme lors du premier tour de Wimbledon en 1981, au terme duquel il ne lâche que deux points à Victor Pecci dans le second acte, pour un score final de 7-6, 6-0, 6-0. Toutefois, quand il ne cogne dans la balle jaune, Bill Scanlon aime les belles lettres. Lire, écrire, et parfois même dessiner. Avec style. Il est également l’auteur d’un brulot, Bad News for McEnroe, en réponse acerbe au succès populaire de l’autobiographie You cannot be serious de John McEnroe. Il faut dire que les deux se détestent. Les pitreries de John ? « Un acte, une tactique artificielle et ridicule de quelqu'un qui ferait n'importe quoi pour éviter de perdre », écrit Scanlon. En 1983, il participe même à la relecture d’un livre qui fait scandale dans le monde feutré du lawn tennis : Short Circuit, de Michael Mewshaw, auteur américain qui eut l’autorisation de suivre six mois, jour et nuit, les grandes stars du circuit masculin. Entre les lignes, Scanlon dévoile les pots de vin, les matchs truqués, la consommation de drogue quotidienne des joueurs et ce fameux jour du 22 février 1983. Une date pour laquelle les détails sont maigres. Scanlon assure aujourd’hui que les souvenirs de « cette journée en or », comme il dit, se sont perdus au fil du temps. Pour les autres, il est sous contrat avec Wilson. La marque insiste pour qu'il bascule vers une raquette midsize en graphite. Le matin du match contre Hocevar, il s’échauffe avec Rod Laver en utilisant, comme convenu, cet équipement « nouvelle génération ». La greffe ne prend pas. « C’était tellement horrible que Rod, qui est au passage le type le plus gentil du monde, est venu me demander ce qu’il se passait », raconte-il. « J'ai juste dit : 'Oh mon Dieu, je suis juste mort de trouille avec ces nouvelles raquettes’. Alors j'ai paniqué. Je suis monté dans ma voiture, et je suis retourné à l'hôtel pour ramener mes vieilles raquettes en bois. Je suis entré sur le court contre Marcos sans même avoir frappé une balle avec elles. Apparemment, cela n’e m’a pas empêche de l’exploser ».  Dans le premier set, Hocevar remporte un jeu de service pour revenir à 3 à 2. Dès lors, Scanlon ne laissera que deux points au Brésilien. Manche remportée 6-2. Le deuxième set ? 24 points gagnés consécutivement, qui, au total, font que Scalon remporte 36 de ses 38 derniers points. « Il semble que vous n'avez pas perdu de points dans ce deuxième set », ajoute en fin de match l'arbitre à Scanlon, lui montrant le tableau d’affichage. « J'étais tellement concentré sur ce que je faisais, j'étais dans une telle bulle, que je n'en avais aucune idée », confesse le joueur. Ce tableau de bord, Bill reconnait l’avoir enfermé dans un coffre fort. Sa raquette, aussi. Mais quid de la cassette vidéo ?  « J'aimerais bien un jour regarder ce match, pour le souvenir. Mais malheureusement, il n'était pas télévisé ».

 

Par Victor Le Grand 

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